La neutralité, ça suffit!
Cet Autrichien fait campagne pour la Suisse dans l'OTAN

L'économiste autrichien Gunther Fehlinger inonde les réseaux sociaux de messages pro-Otan. L'une de ses dernières cibles? La Suisse, qu'il désire voir abandonner sa neutralité et intégrer l'Alliance Atlantique.
Publié: 01.09.2023 à 08:01 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Les Autrichiens apprécient décidément de moins en moins d’être neutres. On savait, depuis le début de la guerre en Ukraine, que Vienne se pose la question de l’avenir de sa neutralité permanente, inscrite dans sa loi constitutionnelle du 26 octobre 1955.

Les demandes d’adhésion à l’OTAN de la Finlande (désormais membre de l’Alliance Atlantique) et de la Suède (toujours en attente en raison du veto de la Turquie) ont réveillé le débat, y compris en Suisse où la livraison à Kiev d’armes helvétiques par les pays européens demeure un casse-tête.

Or voilà qu’un activiste autrichien a décidé d’aller plus loin. Economiste de formation, spécialiste des questions européennes, Gunther Fehlinger multiplie ces jours-ci les messages sur les réseaux sociaux pour plaider la cause de la plus puissante coalition militaire au monde. Avec la Confédération dans sa ligne de mire: «J’appelle la Suisse à rejoindre @NATO sous peine d’être complètement isolée et boycottée, s’est-il exclamé le 27 août sur son compte X (l’ancien Twitter). Votre isolationnisme alpin s’arrête maintenant!»

Gunther Felhinger, le tweet anti-neutralité 

Ce tweet est l'un des nombreux messages postés sur le réseau X (ex Twitter) par l'économiste autrichien Gunther Fehlinger. Pour lui, l'Otan est la seule planche de salut du continent en matière de défense.
Photo: Richard Werly
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Une démarche individuelle sans importance? Pas sûr. Car l’intéressé, devenu le chantre de l’OTAN sur les réseaux, touche un point névralgique. Le 30 août, le magazine italien Wired a ainsi de nouveau mené la charge contre la Suisse dans un article reprenant les révélations de la Radio Suisse italienne, au sujet des 96 chars allemands Leopard-1, désormais destinés à l’Ukraine, qui «errent dans un immense hangar de la province de Gorizia en Italie et ne peuvent être exportés en raison du véto du Conseil fédéral».

Selon cet article, l’ensemble des véhicules hors d’usage a été vendu en 2016 par l’industriel helvétique Ruag. De quoi rendre furieux ceux qui, au sein de l’OTAN, s’inquiètent des vétos suisses: «Gunther Fehlinger est un habitué des manifestations de soutien au Kosovo commente, depuis Pristina, un diplomate qui l’a rencontré sur place. Il est d’ordinaire bien disposé à l’égard de la Suisse qui soutient cet État. Pourquoi s’en prendre maintenant à la neutralité? Parce qu’elle énerve dans les milieux militaires, c’est évident.»


L’intéressé n’a pas répondu à nos questions, posées par email. Mais l’on peut retrouver, sur X, plusieurs de ses anciens tweets questionnant l’utilité de rester neutre alors que l’Europe est confrontée à la menace russe.

Il avait ainsi fait la publicité, en avril 2022, d’un article de l’Institut des Etats-Unis pour la paix (United States Institute of Peace) qui prônait une refonte complète du droit hérité des deux guerres mondiales. «La guerre en Ukraine a relancé le débat sur le concept de neutralité en droit international et sur la nécessité de l’actualiser dans un contexte moderne», pouvait-on lire. «Il existe cependant d’autres raisons, moins évidentes mais importantes, d’actualiser le sens de la neutralité. Tout comme les innovations militaires du milieu du XIXe siècle ont poussé le monde à reconsidérer l’action humanitaire, cette réévaluation de la neutralité devrait tenir compte de la guerre moderne, plus d’un siècle après les conventions de La Haye.»

La neutralité suisse en difficulté selon TV5 Monde

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Et d’ajouter, à destination des pays neutres européens: «En fin de compte, la communauté internationale doit aujourd’hui formuler des normes juridiques qui empêchent les autocrates comme Poutine de les exploiter pour satisfaire leurs propres ambitions et contourner les lois internationales de la guerre. Il doit être clair que ceux qui fournissent de l’aide à l’Ukraine ne sont pas des belligérants et toute nouvelle forme de neutralité doit en tenir compte, de peur que le prochain agresseur ne tente d’exploiter ce concept. Les normes applicables aux États neutres en temps de guerre doivent être définies et explicites.»

L’OTAN, nouvel horizon?

Gunther Felhinger va plus loin. Pour lui, la Suisse doit, comme l’Autriche et comme tous les pays européens qui n’en sont pas encore membres, rejoindre l’Otan.

Une recommandation qui fait écho à un sentiment croissant en Suisse. En janvier 2023, l’Académie militaire suisse et le Center for Security Studies de l’École polytechnique fédérale de Zurich ont publié une enquête selon laquelle, 55% de la population helvétique (soit une augmentation de 10 points de pourcentage par rapport à janvier 2021) serait favorable avec l’alliance dominée par les États-Unis. «C’est la première fois qu’une faible majorité de la population est de cet avis», avait alors commenté le département fédéral de la Défense dans un communiqué. Un tiers seulement des personnes interrogées soutiennent une adhésion de la Suisse à l’Otan. Mais 53% estiment que le principe de neutralité ne s’oppose pas à ce que la Suisse planifie la défense militaire en coopération avec l’Organisation. Ce qui a permis à la Conseillère fédérale Viola Amherd de justifier sa participation à la conférence ministérielle de l’OTAN, le 23 mars dernier.

Volodymyr Zelensky s’adresse aux parlementaires suisses

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Restent à savoir ce que les Suisses voteront lorsqu’ils seront consultés sur l’initiative «Oui à la neutralité» lancée par l’UDC en octobre 2022. Gunther Fehlinger pourra alors, en voisin, venir plaider pour son rejet. Et, pourquoi pas, pour défendre l’adhésion à l’OTAN sur le sol helvétique.

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