Il faudrait 50 milliards de francs
L'armée suisse souhaite renforcer sa défense pour plus de sécurité

L'armée veut retrouver le plus vite possible sa capacité de défense du pays. Et pour cause, la situation sécuritaire s'est dramatiquement détériorée en Europe. Dans un nouveau rapport, elle fixe trois priorités.
Publié: 18.08.2023 à 06:07 heures
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Dernière mise à jour: 18.08.2023 à 09:06 heures
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Daniel Ballmer

Les projets controversés de vente à l'Allemagne de 25 chars Leopard 2 n'en sont que l'exemple le plus marquant: la direction de l'armée pense qu'ils ne sont plus nécessaires, alors que les officiers de chars insistent sur le fait qu'il en faudrait beaucoup plus.

Par de doute, l'inquiétude (et le désaccord) règne dans l'armée. On déplore surtout l'absence de stratégie. Le Parlement exige, lui aussi, depuis des mois de la ministre de la Défense Viola Amherd un concept global face à la guerre en Ukraine.

Jeudi, le chef de l'armée Thomas Süssli a donc inauguré le nouveau rapport «Renforcer la défense». Celui-ci montre avant tout une chose: la situation est grave. Et c'est justement à cause de la guerre en Ukraine que les conditions sécuritaires en Europe se sont détériorées. Notre armée est donc contrainte d'agir.

L'Allemagne a demandé si la Suisse pouvait mettre à disposition une partie des chars Leopard 2 entreposés depuis des années en Suisse orientale.
Photo: Keystone
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L'armée a alors décidé de se recentrer sur sa mission principale: la défense du pays. Pour ce faire, elle doit reconstruire sa capacité de défense. «Cela coûtera jusqu'à 50 milliards de francs», a fait remarquer Thomas Süssli. Une étape intermédiaire est de ce fait nécessaire. Dans son rapport, l'armée définit trois priorités - rapport qui ne réinvente pas la roue.

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Développer les capacités militaires de manière plus flexible

Les grandes réformes ont fait leur temps. Et elles n'ont pas convaincu la direction de l'armée. A l'avenir, les capacités militaires seront donc développées par «petites étapes gérables». L'armée veut ainsi pouvoir mieux réagir aux évolutions techniques rapides et à la situation imprévisible en matière de sécurité.

En d'autres termes: au lieu de remplacer d'un seul coup des flottes entières de systèmes, il est prévu d'équiper progressivement: un tiers seulement des effectifs recevront le matériel le plus moderne.

Cela est également lié aux fonds disponibles. Le budget de l'armée doit certes augmenter d'ici 2035 pour atteindre 1% du produit intérieur brut. Mais si tous les systèmes obsolètes devaient être remplacés, il faudrait un montant fabuleux de 40 milliards de francs. Rien que cela.

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Saisir les opportunités du progrès technologique

Une simple logique finalement: «Le progrès technologique doit être utilisé pour augmenter les performances de l'armée.» Dans sa ligne de mire, il y a tout d'abord une meilleure évaluation de la situation. Ainsi, les dangers seraient identifiés plus tôt et pourraient être combattus à une plus grande distance et de manière plus précise. Les risques encourus par les soldats seraient, par conséquence, réduits. Concrètement, le service de renseignement militaire doit être développé.

Mais pour renforcer la défense, Thomas Süssli veut aussi miser sur ce qui a fait ses preuves. Ainsi, l'artillerie, la défense antichars et la défense aérienne doivent être renouvelées et une partie des chars Leopard 2 doivent être remis en état - un résumé des leçons tirées de la guerre en Ukraine. La cyberdéfense et l'acquisition de renseignements doivent pareillement être étendues. Sans compter que l'armée aurait besoin de beaucoup plus de munitions.

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Renforcer la coopération internationale

De son côté, Viola Amherd cherche depuis longtemps à rapprocher l'armée suisse de l'OTAN. Les plans pour le système européen de défense aérienne «Sky Shield» n'en sont qu'un exemple. Cela vaut à la conseillère fédérale du centre de nombreuses critiques. Mais la direction de l'armée se montre convaincue: «Faire cavalier seul n'est pas une option prometteuse».

Ces nouveautés sont certes jugées indispensables, mais l'armée est nostalgique du passé: elle souhaite pouvoir réhabiliter les bunkers pour pouvoir s'y replier. Toutefois, après la guerre froide, de nombreux bunkers et autres bâtiments cachés dans les Alpes ont été mis hors service et en partie démolis. Mais pour l'armée, cela doit cesser: on en a à nouveau besoin pour défendre notre pays.

Parallèlement, deux divisions spéciales seront créées à la place de l'armée de terre actuelle, composée d'une division mécanisée et de trois brigades mécanisées. L'instruction des soldats doit être réformée et orientée vers la défense. «Le rapport n'a toutefois pas encore été approuvé par le monde politique», a reconnu le chef de l'armée.

Mais le coût est important

Toutes ces mesures ont un coût: l'ensemble des investissements jusqu'aux années 2030 représente environ 13 milliards de francs. L'augmentation progressive du budget de l'armée décidée par le Conseil fédéral et le Parlement le permettra, assure-t-on.

Dans une première réaction, le conseiller aux Etats UDC Werner Salzmann se montre réservé. «La réorientation ne présente qu'une stratégie partielle, une doctrine globale n'y figure toujours pas», déplore le président de la Commission de la politique de sécurité.

Selon lui, il s'agit plutôt de mettre en évidence les lacunes existantes en matière de capacités et de déterminer avec quelles acquisitions et mesures futures les capacités requises doivent être récupérées. Il semble être d'accord sur de nombreux points, mais il a aussi quelques interrogations. «La stratégie globale de sécurité et de défense fait toujours défaut. Elle nous a été promise pour la fin août.» Mais nous sommes toujours dans l'attente d'une déclaration à ce sujet.

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