La chronique de Nicolas Capt
Facebook fermé en Europe? «Dormez en paix, citoyens»

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un post juridique pour les lecteurs de Blick. Cette semaine, il analyse la menace proférée par Mark Zuckerberg de fermer Facebook et Instagram en Europe.
Publié: 08.02.2022 à 15:30 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2022 à 11:40 heures
Nicolas Capt

Le colosse (aux pieds d’argile, au vu de sa dégringolade en bourse récente) Meta, anciennement connu sous le nom de Facebook, entame un bras de fer avec les autorités européennes.

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Ainsi, dans sa récente communication annuelle adressée à la Securities and Exchange Commission américaine, l’entreprise de Mark Zuckerberg explique, s’agissant des transferts de données personnelles de l’Europe vers les États-Unis, que si un nouveau cadre légal acceptable ne devait pas être adopté et que, par ailleurs, les accords types ne pouvaient plus être utilisés pour asseoir ses transferts, alors il serait probable que la société ne puisse plus offrir certains de ses produits et services en Europe, dont Facebook et Instagram. Hum.

Cauchemar des géants américains

Le cadre légal européen en matière de protection des données, concrétisé par le fameux RGPD, est, depuis mai 2018, le cauchemar des géants américains, dès lors qu’il leur impose de nombreuses obligations, assorties d’un arsenal de sanctions financières, et qu’il prévoit, copiant en miroir une certaine forme d’impérialisme juridique américain, une application extraterritoriale du droit. En clair, nul besoin d’avoir un siège en Europe pour que le droit de l’Union trouve application, tant que l’on cible des Européens, que les services considérés soient payants ou gratuits.

Les États-Unis, connus pour une curiosité particulière envers les données hébergées par les entreprises sises sur son sol, sont considérés de longue date comme n’offrant pas un niveau adéquat de protection des données personnelles.

Amer constat

Cet amer constat, toutefois, ne faisait pas échec à des envois de données depuis l’Europe, dès lors que des «programmes» mis en place (le Safe Harbour, tout d’abord, puis, plus récemment, le Privacy Shield) permettaient aux entreprises de l’Oncle Sam qui s’y enrôlaient de bénéficier d’une sorte de bulle de compatibilité avec les conceptions européennes.

Tel n’est toutefois plus le cas, le Privacy Shield ayant été jugé impropre à protéger les données des Européens. Ne restent donc, pour légitimer le transfert de celles-ci, que des accords types, dont la légitimité est désormais remise en cause.

Un bras de fer avec l'UE, vraiment?

C’est dans ce contexte, il est vrai fort incertain, que Meta engage un bras de fer, en agitant le spectre d’une fermeture pure et simple des boutiques Facebook et Instagram en Europe.

Cela étant, imagine-t-on vraiment Meta se priver d’un bassin de population de plus de 400 millions de personnes? Et peut-on réellement concevoir que l’Europe accepte, elle aussi, de renoncer à ces services en ligne, honnis mais adorés et aux autres contributions publiques de ces géants?

A vrai dire, ce bras de fer en carton-pâte a tout de la bravade de carnaval, d’un côté comme de l’autre. Dormez en paix, citoyens.

Mise à jour du 8 février à potron-minet: comme l’honnête citoyen se frappe vite, et que le politicien aussi, Meta a cru bon de préciser que la disparition des applications comme Facebook et Instagram en Europe n’est toutefois pas à l’ordre du jour. Ouf. Rendormez-vous, il est tôt.

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