Le régime sera-t-il renversé?
Ce qu'il faut savoir sur les manifestations en Iran

Depuis un mois, l'Iran est le théâtre de vives protestations contre le régime. Parallèlement, le gouvernement fournit des armes à la Russie. Blick fait le point sur la situation de la République islamique, en six questions.
Publié: 21.10.2022 à 06:17 heures
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Dernière mise à jour: 21.10.2022 à 09:41 heures
Sven Ziegler

Cela fait désormais un mois que l'Iran est secoué par de violentes manifestations. Après la mort de Mahsa Amini en garde à vue, la population fait front et descend dans la rue en masse.

Âgée de 22 ans, la jeune femme avait été arrêtée parce qu'elle ne portait pas son foulard de manière réglementaire. On ne sait pas exactement ce qu'elle a dû subir entre les mains de la contestée police des mœurs. Ce qui est certain, c'est qu'elle est tombée dans le coma et que cela lui a été fatal.

Ce décès a eu l'effet d'une bombe dans tout le pays. Lors des manifestations, les femmes brûlent publiquement leur foulard ou se coupent les cheveux pour protester contre le régime. Des coups de ciseaux repris face caméra dans le monde entier par de nombreuses personnalités, en signe de soutien au mouvement.

Selon un expert, l'Iran et la Russie sont liés par une amitié de circonstance.
Photo: IMAGO/ZUMA Wire
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Parallèlement aux protestations en cours sur son territoire, l'Iran doit également affronter de nombreuses critiques au niveau international. Car le pays, fortement sanctionné par l'Occident, fournit des armes au régime de Vladimir Poutine. Ce dernier a notamment utilisé des drones iraniens dans les récentes attaques sur Kiev.

Voilà pour le tableau. Mais quels sont les principaux enjeux auxquels le gouvernement du président, Ebrahïm Raïssi, doit faire face? Blick vous propose un tour d'horizon en 6 questions.

Qui proteste, et dans quel but?

Depuis la mi-septembre, les manifestations s'étendent de plus en plus. Aux prémices du mouvement, les manifestants étaient presque exclusivement des femmes. Aujourd'hui, des hommes et des personnes de tous les milieux y participent. Initialement, les protestations portaient principalement sur les droits des femmes et sur la suppression de la brutale police des mœurs iranienne. Ces dernières semaines, les revendications se sont élargies: il s'agit désormais de renverser l'ensemble du gouvernement et son président, Ebrahim Raïssi, afin d'établir un nouveau système démocratique.

Quelle est l'affaire entourant la grimpeuse Elnaz Rekabi?

Depuis le début du mouvement, de plus en plus de personnalités publiques se sont montrées solidaires avec les manifestants. C'est le cas de la grimpeuse iranienne Elnaz Rekabi. L'athlète de 33 ans a renoncé à porter le voile obligatoire lors de la finale des Championnats d'Asie, avant de mystérieusement s'enfoncer dans le silence et de quitter Téhéran. Sur son compte Instagram, elle a publié des excuses qui, selon les observateurs, sont sans doute forcées. Elle est depuis revenue dans la capitale. Bien que le gouvernement nie avoir un tel projet, le mystère plane encore sur sa possible arrestation.

Que fait le régime iranien face aux protestations?

Pour faire simple, le gouvernement iranien réagit par la violence. Les forces de l'ordre n'hésitent pas à faire usage de matraques et tire même sur la foule. Selon l'organisation de défense des droits de l'homme Iran Human Rights (IHR), plus de 200 personnes ont été tuées jusqu'à présent lors des manifestations, dont des enfants et des adolescents. En outre, les services secrets emmènent régulièrement des protestataires dans des prisons situées en dehors des grandes villes. Les individus arrêtés y seraient torturés et maltraités.

Quel est le rôle d'Internet?

Selon Hamid Hosravi, spécialiste de l'Iran à l'Institut Asie-Orient de l'Université de Zurich, Internet joue un rôle primordial dans la contestation en Iran. Environ 60% de la population a moins de 25 ans. «Ils ont accès à un monde moderne et libre via les médias sociaux, échangent avec des jeunes d'autres pays et ne se sentent pas du tout représentés par le gouvernement», expliquait le spécialiste à Blick au début du mois d'octobre.

Au début des protestations, les images de la violence policière ont pu être diffusées très rapidement sur les réseaux sociaux. Les autorités le savent pertinemment. C'est pourquoi elles coupent régulièrement le réseau dans de grandes parties du pays, afin d'empêcher que les informations et les photos des manifestations ne soient diffusées massivement à travers le monde. Mais des images et des vidéos parviennent toujours à être postées, ce qui montre que le soulèvement se poursuit.

Quelle est la probabilité d'un renversement du gouvernement?

Selon Hamid Hosravi, une telle éventualité est actuellement peu probable: «En raison du rapport de force, un renversement du régime n'est pas possible, car celui-ci a encore les moyens de mener des représailles.» En outre, l'Europe et les Etats-Unis n'auraient «aucun intérêt sérieux» à soutenir activement le mouvement de protestation en raison de la situation politique internationale. «Avec l'accord nucléaire à venir, l'Iran récupérera probablement les fonds gelés, qui iront alors directement dans la machine de la répression», affirme encore le spécialiste.

Pourquoi l'Iran fournit-il des armes pour la guerre en Ukraine?

La Russie et l'Iran ne sont pas particulièrement proches. «C'est une question de pouvoir et de géopolitique. Il ne s'agit pas de parler de pays amis», déclarait à Blick Maurus Reinkowski, expert de la Turquie et professeur d'islamologie à l'Université de Bâle.

En ce moment, les deux pays sont surtout liés par leur haine commune de l'Occident, élément toujours en toile de fond dans le conflit en Ukraine. Ces derniers mois, l'Iran a donc régulièrement livré des armes à la Russie. Le pays a notamment fourni au Kremlin ses redoutables «drones kamikazes», de type Shahed-136. D'autres livraisons d'armes devraient suivre, écrivait mardi l'agence de presse Reuters.

Maurus Reinkowski doute toutefois que les deux pays se rapprochent encore plus à l'avenir et qu'ils fassent front commun sur la scène politique. Au lieu de cela, l'expert estime que chaque chef d'Etat veut tirer un certain profit d'une «coopération qui peut être résiliée à tout moment».

(Adaptation par Thibault Gilgen)

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