Les protestations s'intensifient
Doit-on s'attendre à la chute du régime iranien?

Les protestations en Iran s'intensifient. Le régime a de plus en plus de mal à réprimer les révoltes. Blick vous livre ici les principales questions et réponses sur cette crise profonde.
Publié: 06.10.2022 à 15:31 heures
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Dernière mise à jour: 06.10.2022 à 15:34 heures
Tanja von Arx

Les protestations en Iran ne faiblissent pas, même après plusieurs semaines. Au contraire, elles s'intensifient. Dernièrement, la mort de deux jeunes femmes manifestantes, Sarina E.*, 16 ans, et Nika S.*, 17 ans, a suscité l'indignation.

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Ce n'est pas la seule fois où la situation a dégénéré. Différentes organisations dénombrent à ce jour plus de 130 morts, des centaines de blessés et des milliers de personnes arrêtées. Blick fait le point sur la situation.

La chute du régime est-elle possible?

«Il ne faut pas négliger le facteur X», rappelle Hamid Hosravi, collaborateur scientifique à l'Institut Asie-Orient de l'université de Zurich. Le facteur X, c'est-à-dire un événement imprévu qui pourrait faire bouger les masses de telle sorte qu'il n'y aurait plus aucune chance pour le régime. Comme avec Kadhafi en Libye.

Une des images les plus récentes: des lycéennes iraniennes, certaines sans voile, lancent des objets sur un homme en criant: «Mort au dictateur!»
Photo: AFP
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Mais il y a un «mais»: le régime possèderait encore des moyens de rétorsion et le rapport de forces serait trop déséquilibré. En outre, l'Europe et les Etats-Unis n'auraient «aucun intérêt sérieux» à soutenir activement le mouvement de protestation étant donné la situation politique mondiale. En raison de l'accord nucléaire imminent, l'Iran récupérerait probablement les fonds gelés, qui iraient alors directement dans la machine de répression. Enfin, le clergé chiite (au pouvoir en Iran) sait qu'une chute du régime signifierait sa perte définitive.

Le régime iranien a-t-il du mal à contrôler les protestations?

«Oui», estime Hamid Hosravi. Et ce, parce que les protestations se sont déroulées simultanément dans tout le pays et qu'elles étaient de grande ampleur: «Cela rend le contrôle très difficile.» Auparavant, il était possible d'envoyer des troupes de choc d'une ville à l'autre, mais ce n'est plus possible aujourd'hui. «Temporairement, le régime peut peut-être réussir à contrôler les protestations, mais à la prochaine occasion, elles reprendront de plus belle», prédit l'universitaire.

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Qu'est-ce qui a déclenché les manifestations?

La mort violente de Mahsa Amini. La jeune femme de 22 ans a été arrêtée mi-septembre par la police des mœurs parce qu'elle portait son foulard de manière prétendument «inappropriée». On ne sait pas exactement ce qui lui est arrivé par la suite. Elle est tombée dans le coma et est décédée le 16 septembre dans un hôpital. De nombreuses femmes ont alors manifesté. Il s'agissait pour elles d'abolir la police des mœurs - et le port obligatoire du foulard comme signe d'oppression.

Qui proteste encore?

Alors que les manifestations se sont d'abord limitées aux femmes qui ont retiré publiquement leur foulard, l'ont brûlé et ont défilé en grands groupes dans les rues, le mouvement s'est entre-temps étendu. Depuis plus de deux semaines, on observe une vague de protestation que les experts iraniens considèrent comme celle ayant la plus grande base sociale depuis environ quarante ans.

Des membres de toutes les couches socio-économiques et de tous les groupes ethniques participent aux manifestations. La protestation unit les riches et les pauvres. Ceci dans la volonté de renverser le régime antidémocratique. Il ne s'agit plus seulement des droits des femmes, mais de l'ensemble du système. En outre, des femmes descendent dans les rues du monde entier en signe de solidarité, comme en Italie, en Allemagne et en Suisse.

Que fait le régime pour y remédier?

Le président de la République islamique, Ebrahim Raisi, a d'abord téléphoné aux parents de Mahsa Amini. Pour le guide suprême du pays, Ali Khamenei, les protestations sont toutefois une opération de conspiration contre l'Iran. Comme c'est le cas dans les dictatures, le gouvernement réagit par la force brute contre les protestations: il fait tirer dans la foule, fait venir des fonctionnaires armés de matraques et déploie les services secrets, qui doivent se mêler aux manifestants. L'Internet est bloqué afin d'empêcher les manifestations via les médias sociaux et la transmission d'informations à l'étranger. Des photos et des vidéos parviennent néanmoins sur la Toile. Elles montrent que les émeutes se poursuivent.

La société iranienne, bien plus moderne que ses dirigeants?

«Sans aucun doute», estime Hamid Hosravi, expert de l'Iran. On remarque dans les slogans des manifestants qu'ils veulent un pays dans lequel les gens «pourraient exprimer librement leurs opinions, choisir eux-mêmes leurs vêtements et vivre en paix entre eux et avec les autres personnes dans le monde». Environ 60% des Iraniennes et Iraniens ont moins de 25 ans: «Ils ont accès à un monde moderne et libre via les médias sociaux, échangent avec des jeunes d'autres pays et ne se sentent pas du tout représentés par le gouvernement iranien.»

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Quels sont les droits des femmes iraniennes?

Lorsque le conservateur Ebrahim Raisi est arrivé au pouvoir, la police des mœurs est entrée en action. Le président de la République l'a encouragée à agir avec sévérité. Comparé à d'autres pays du Moyen-Orient, les femmes iraniennes ont toutefois plus de droits que les autres. Elles peuvent conduire une voiture, occupent 60% des places à l'université et ont une bonne position dans la vie quotidienne de la famille. Mais elles n'occupent guère de postes élevés dans la vie professionnelle. En outre, si elles divorcent, elles sont fortement désavantagées par la loi.

Des sanctions de la part de l'Occident contre l'Iran sont-elles possibles? Auraient-elles l'effet escompté?

«Je pense que oui», estime Hamid Hosravi. Mais les sanctions devraient être ciblées sur les acteurs de la classe étatique: «Il faut par exemple créer des possibilités d'assurer l'accès à Internet en Iran malgré la restriction.» Les proches de nombreux hommes politiques iraniens et de religieux islamiques vivraient en Occident. «Je pense que ce serait un coup dur pour le régime iranien si leur liberté de voyager et de transférer de l'argent était limitée», reprend l'universitaire. Etant donné que les institutions iraniennes, dont les universités, sont aux mains de la dictature, il faudrait également éviter d'inviter des professeurs iraniens en Occident et de leur offrir une plateforme.

* Noms connus de la rédaction


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