Urban Maissen, expert en dangers naturels
«À cause du dérèglement climatique, des chemins vont fermer en montagne»

Les glaciers reculent, les chutes de pierres augmentent, tout comme le risque d'incendie en forêt l'hiver. Urban Maissen, expert en dangers naturels, décrypte la situation et esquisse des prévisions. Interview.
Publié: 18.04.2023 à 09:24 heures
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Dernière mise à jour: 18.04.2023 à 09:58 heures
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Camilla Alabor

Urban Maissen, 57 ans, est ingénieur forestier de formation. Il dirige depuis deux ans l’Office des forêts et des dangers naturels des Grisons. Face à la multiplication des phénomènes naturels dangereux pour l’homme en montagne, il décrypte leurs causes et esquisse des prévisions.

La montagne tremble. À Brienz (GR), des blocs de pierre grondent dans la vallée, dans l’Oberland bernois, une cabane du Club Alpin Suisse (CAS) a dû fermer en raison d’un risque d’éboulement, en Valais, un téléphérique a été temporairement mis hors service en raison d’affaissements. Monsieur Maissen, que se passe-t-il en altitude?
Ce sont des événements isolés, dont les causes sont probablement différentes. Mais on décèle une tendance: les conditions générales changent. Le climat se réchauffe, la mobilité augmente, nous utilisons plus intensivement l’espace dans les régions de montagne. À cela s’ajoute la vulnérabilité de l’infrastructure actuelle: autrefois, on dépendait moins de la communication permanente ou de l’électricité à la prise. Et puis il y a aussi un aspect subjectif.

C’est-à-dire?
Aujourd’hui, il y a presque toujours quelqu’un sur place pour filmer un événement. Cela donne l’impression au public que les phénomènes naturels se multiplient – même si ce n’est pas forcément le cas.

Urban Maissen, directeur de l'Office des dangers naturels des Grisons, prévoit davantage de fermetures en montagne.
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Vraiment?
Dans les Grisons, nous avons eu trois événements majeurs au cours des dix dernières années: l’accélération du glissement de Brienz depuis 2019, l’éboulement du Piz Cengalo en 2017 et le glissement de Val Parghera en 2013. En revanche, nous avons eu moins d’intempéries de grande ampleur au cours des 20 dernières années. Le tableau n’est donc pas clair, du moins statistiquement. Mais ce que l’on constate, c’est qu’en altitude, dans les régions alpines, il y a plus de chutes de pierres et de petits éboulements.

À quoi cela est-il dû?
D’une part, les glaciers se retirent, laissant derrière eux des flancs instables. D’autre part, avec le réchauffement du climat, le permafrost dégèle et la limite du zéro degré monte. Cela entraîne également des instabilités. De plus, le potentiel de laves torrentielles augmente: si davantage de roches descendent de la montagne, s’accumulent dans le lit du torrent et s’il pleut intensément en été, les coulées de boue se multiplient. Ce sont des conséquences du dérèglement climatique.

Le cas de Brienz est-il aussi lié au dérèglement climatique?
Pas directement. Le glissement de terrain de Brienz s’est probablement produit après la période glaciaire, il y a 10’000 ans. Un glissement partiel plus rapide est déjà documenté en 1870. Il s’agit d’un mouvement de grande pente qui s’accélère depuis 20 ans – et encore plus ces quatre dernières années.

Les phases de sécheresse persistante se multiplient aussi. L’été dernier, les agriculteurs ont dû aller chercher leurs vaches plus tôt dans les alpages.
La sécheresse va nous préoccuper fortement à l’avenir. Ainsi, en montagne, nous avons de plus en plus de risques d’incendies de forêt en hiver. Nous nous y préparons. Notamment en construisant de nouveaux étangs et réservoirs d’extinction.

Les chutes de pierres plus fréquentes compromettent-elles la pratique de la randonnée?
J’imagine qu’il y aura plus de fermetures de chemins. Mais il y aura toujours des zones sûres. Dans les régions alpines, la responsabilité individuelle devient plus importante: les gens doivent s’informer – sur les zones interdites, la météo, la topographie – et bien s’équiper. Avec du bon sens et de la responsabilité, on peut continuer à profiter de la nature.

La multiplication des éboulements menace également les voies ferrées et les routes. De nouvelles constructions sont-elles nécessaires pour protéger les infrastructures de transport?
Contrairement aux zones d’habitation, les voies ferrées et les routes longent nécessairement des pentes abruptes et des rivières. L’exposition aux dangers est donc plus importante. Souvent, les mesures de protection contre les avalanches ou les chutes de pierres sont judicieuses. Mais il y a des cas où cela n’est pas possible: pour des raisons techniques, ou parce que ce n’est pas rentable. Il s’agit alors de communiquer sur l’existence du danger, au moyen, par exemple, d’une fermeture.

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