Le photographe Julien Regamey témoigne
«J’ai vu des loups traverser des troupeaux sans attaquer»

Après plusieurs attaques avérées sur des veaux dans le Jura vaudois, le canton veut tirer deux loups. Le photographe animalier Julien Regamey filme la meute depuis deux ans. Pour Blick, il raconte.
Publié: 04.08.2021 à 12:59 heures
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Dernière mise à jour: 04.08.2021 à 14:09 heures
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Amit JuillardJournaliste Blick

Vous ne saurez pas ce qu’il pense de la volonté du Canton de Vaud de tirer deux loups de la meute du Marchairuz, responsable de la mort d’au moins trois veaux selon les autorités. «Je ne me prononcerai pas. Ce que je peux dire, c’est que je ne suis ni pro-loup, ni pro-éleveurs, et que je suis sûr qu’un équilibre peut être trouvé.» Rassurez-vous, l’enfant de la région Julien Regamey a bien d’autres choses à raconter. Et pour cause: photographe animalier autodidacte et talentueux, il filme la bande de carnassiers dans le Jura vaudois depuis 2019. En deux ans, ils se sont mutuellement «apprivoisés».

«Mon odeur, les loups la connaissent. En 2020, j’ai passé 70 jours dans un sapin — tout en rentrant chez moi — pour les photographier. Pour les attirer et pour les obliger à marquer une nouvelle fois leur territoire, je marquais le mien en urinant. Je les ai vus trois fois. Parfois, les loups, furtifs et discrets, marchaient dans mes pas ou passaient derrière moi sans que je ne les remarque.» Egalement soigneur, ranger et gardien d’animaux de la faune sauvage, le jeune trentenaire a placé 50 caméras en full HD entre La Dôle et Vallorbe.

Ses images sont dingues, émouvantes. Elles feront l’objet, espère-t-il, de documentaires, d’un livre sur le retour du loup dans «notre Jura» et surtout d’un long métrage de fiction. Au centre du récit: l’histoire vraie de deux gamins du coin, «un fils de paysan et moi, qui nous sommes retrouvés quand je suis allé au loup». Une scénariste est déjà au travail et un réalisateur français «connu» est sur les rangs, selon Julien Regamey. Il se donne trois ans pour réunir suffisamment d’images.

Images d'un des loups de la meute du Jura vaudois
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Vidéo de Julien Regamey:Images d'un des loups de la meute du Jura vaudois

Boucle d’Or à 30 mètres

«J’ai toujours rêvé de voir un loup dans les forêts de mon enfance. J’ai même crié au loup en 2014, mais personne ne m’a cru. En 2019, j’ai pu observer Boucle d’Or – la mère de la meute – sur une carcasse, à 30 mètres de moi. Mon cœur s’est emballé. Mes premières photos étaient floues, mais c’est un super souvenir!» Depuis, Julien Regamey ne tremble plus au contact du loup et partage une partie de ses photos sur sa page Facebook. Sur le terrain ou en dehors, il collabore en bonne intelligence avec la Fondation Jean-Marc Landry, mandatée par le Canton, et les gardes-chasse. Il n’est toutefois pas payé par l’Etat.

Mais quelle est l’histoire de cette meute qui inquiète aujourd’hui certains éleveurs? «Le loup est de retour dans le Jura vaudois depuis 2014. C’est un couloir de passage, une autoroute vers l’Espagne ou l’Allemagne. En 2019, un couple s’installe et donne naissance à une portée de trois louveteaux. Cinq nouveaux bébés sont nés en 2020, j’ai pu en filmer un!» Aujourd’hui, elle est composée de quatre loups adultes, dont deux jeunes de l’année passée – que le canton souhaite abattre – et cinq louveteaux nés récemment. Un cinquième loup semble également avoir été observé sur le territoire de la meute.

Les louveteaux de la meute filmés en 2020
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Vidéo de Julien Regamey:Les louveteaux de la meute filmés en 2020

Jusqu’ici, la meute n’avait fait que peu de dégâts. En 2020, un seul veau avait été tué, un autre attaqué et deux moutons prédatés, selon Frédéric Hofmann, chef de la section «chasse, pêche et surveillance» à la Direction générale de l’environnement (DGE), joint par Blick. En 2021, la mise à mort de trois veaux est imputable au loup, affirment les autorités. Dans trois autres cas, elle n’a pas pu être démontrée mais est fortement soupçonnée.

Que s’est-il passé entre 2020 et 2021?

La meute commence à avoir un comportement déviant et tend à se spécialiser dans les bovins parqués dans des enclos alors que suffisamment de gibier est disponible, observe la DGE. Cette dernière souhaite enrayer la dynamique et éviter que les jeunes loups ne transmettent leurs mauvaises habitudes aux louveteaux.

Que s’est-il passé? A ce stade, les spécialistes n’ont pas de réponse à cette question. «Ce qui est sûr, c’est que laisser des veaux non protégés sur le passage du loup, c’est comme mettre un enfant dans un magasin de bonbons, d’ouvrir les boîtes sans la présence d'un vendeur et de lui dire «ne touche pas», image Julien Regamey. Il ne faudrait pas laisser les veaux seuls. Les entourer de génisses permettrait par exemple de les protéger et de limiter les pertes. J’ai vu des génisses repousser les loups. J’ai aussi vu des loups traverser des troupeaux sans attaquer.»

Des images de nuit des loups du Jura vaudois
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Vidéo de Julien Regamey:Des images de nuit des loups du Jura vaudois

Julien Regamey veut croire à une cohabitation possible, tout comme la DGE. Arrivera-t-il à convaincre les éleveurs qu’il fréquente au quotidien? L’idée semble faire son chemin. Selon la DGE, des mesures de protection sont mises en place de concert avec les éleveurs pour prévenir de nouvelles attaques.

Entre lion et loup

Avant de passer son temps dans le Jura vaudois à l’affût du loup, Julien Regamey a eu d’autres vies. Au vivarium de Lausanne, il s’est spécialisé dans les serpents venimeux. Notamment pour les démystifier aux yeux du grand public, comme il cherche à le faire avec le loup. Aujourd’hui encore, il donne des cours aux pompiers et aux ambulanciers.

Plus tard, dans la région du parc Kruger en Afrique du Sud, il devient ranger et se spécialise dans la photo animalière au milieu de la brousse et des lions. Il apprend à s’orienter grâce aux étoiles. Et puis, retour en Suisse, au Parc animalier La Garenne, situé à Le Vaud dans le district de Nyon (VD). Comme soigneur, il s’y occupera notamment… des loups.

Avant de passer son temps dans le Jura vaudois à l’affût du loup, Julien Regamey a eu d’autres vies. Au vivarium de Lausanne, il s’est spécialisé dans les serpents venimeux. Notamment pour les démystifier aux yeux du grand public, comme il cherche à le faire avec le loup. Aujourd’hui encore, il donne des cours aux pompiers et aux ambulanciers.

Plus tard, dans la région du parc Kruger en Afrique du Sud, il devient ranger et se spécialise dans la photo animalière au milieu de la brousse et des lions. Il apprend à s’orienter grâce aux étoiles. Et puis, retour en Suisse, au Parc animalier La Garenne, situé à Le Vaud dans le district de Nyon (VD). Comme soigneur, il s’y occupera notamment… des loups.

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