Le conseiller d'État Vassilis Venizelos
«Je comprends les revendications de Renovate Switzerland»

Alors que les activistes climatiques de Renovate Switzerland enchaînent les actions illégales, le conseiller d'État vaudois écologiste Vassilis Venizelos, chargé de la Sécurité notamment, assure à Blick comprendre leurs revendications. Interview.
Publié: 17.10.2022 à 16:15 heures
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Dernière mise à jour: 17.10.2022 à 16:59 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

Renovate Switzerland. Il y a de grandes chances pour que ce nom ne vous soit pas inconnu. Depuis quelques jours, ce mouvement d’activistes climatiques multiplie les blocages de route au nom de l’urgence climatique. Des actions illégales qui font autant de bruit dans les médias qu'elles suscitent l’ire des automobilistes. La dernière en date? Celle de vendredi dernier, où sept individus ont coupé brièvement un axe très fréquenté en plein centre de Zurich.

La Suisse romande est aussi très concernée: elle est même l'un des principaux «terrains de jeu» des protestataires. Plus particulièrement la ville de Lausanne, où plusieurs barrages humains ont été dressés en l’espace de quelques jours début octobre. Autoroute, pont Chauderon: rien ne retient Renovate Switzerland, malgré les risques évidents d’accidents.

Et les autorités dans tout ça? Dans quel état d’esprit se trouvent-elles face à ce phénomène qui prend toujours davantage d’ampleur? Le point avec le conseiller d’État écologiste vaudois Vassilis Venizelos, en charge de la Jeunesse, de l’Environnement et de la Sécurité.

Vassilis Venizelos, conseiller d'État vaudois écologiste, ne souhaite pas «juger» le mode d'action choisi par Renovate Switzerland.
Photo: Keystone

Renovate Switzerland multiplie les blocages dans la capitale vaudoise. En tant que ministre de la Sécurité, ça vous inquiète?
Non. Je comprends les revendications, voire la colère, de ces activistes du climat — des jeunes, des grands-parents, des scientifiques — qui font le choix de la désobéissance civile. C’est aussi cette volonté d’agir face à l’urgence climatique qui anime et justifie mon action politique.

Mais vos devoirs sont bien différents.
Le rôle de ces militants, c’est d’interpeller, de déranger, de créer le débat. Le mien, en tant que conseiller d’État, c’est de trouver des solutions fortes qui soient partagées par le plus grand nombre. C’est d’ailleurs dans ce sens que le Conseil d’État travaille. À travers la révision totale de la loi sur l’énergie qui va prochainement être débattue, mais aussi avec les 200 millions de francs supplémentaires prévus par le gouvernement pour renforcer la transition énergétique. À noter qu’on prévoit, notamment, d’augmenter l’enveloppe financière en faveur de l’assainissement énergétique des bâtiments. En 2023, ça sera 10 millions de plus qu’en 2022 rien que pour cette problématique. Soit une enveloppe de 60 millions au total.

Partagez-vous les revendications de Renovate Switzerland?
Je partage le constat et l’appel à agir rapidement: nous devons investir beaucoup plus et sans tarder dans l’assainissement des bâtiments, en agissant en priorité sur les passoires énergétiques. Raison pour laquelle le Canton de Vaud, avec le soutien de la Confédération, va pouvoir débloquer plusieurs centaines de millions de francs supplémentaires pour la transition énergétique. Plus précisément, je pense qu’il faut plusieurs mesures: des subventions, mais aussi des échéances pour les assainissements et des objectifs de réduction, voire créer les conditions pour faciliter les prêts et garanties du privé.

Quid de la forme choisie par les activistes? Ce sont des actions illégales…
Vous savez pertinemment qu’en tant que conseiller d’État, je ne peux soutenir des actions qui enfreignent la loi. En outre, la tension que l’on voit monter entre activistes et usagers de la route est de plus en plus préoccupante. C’est pourquoi la police cherche à intervenir le plus vite possible sur les lieux des blocages.

Plus généralement, la désobéissance civile est-elle un modus operandi légitime?
Mon rôle n’est pas de porter de jugement sur les modes d’action choisis mais, je l’ai dit, de trouver des solutions face à l’urgence climatique, préoccupation que je partage avec ces activistes. Tout en faisant appliquer la loi, en tant que responsable de la Sécurité.

Justement. Quand on est à la tête des forces de l’ordre et qu’on voit un camion forcer un barrage humain, comme à Berne la semaine passée, ne craint-on pas que ces blocages finissent par être le théâtre d’un accident dramatique?
La police intervient rapidement précisément pour éviter tout accident dont pourraient être victimes les activistes ou les usagers de la route. Bloquer une autoroute aux heures de pointe, comme à Lausanne... Eh bien oui, c’est dangereux. Et c’est une infraction à la loi que la police réprime. Mais cette dernière veille aussi à éviter d’éventuelles violences entre les parties. La police agit avec beaucoup de professionnalisme. Et je m’en réjouis.

Changeons de côté maintenant. Comprenez-vous la grogne des personnes coincées dans le trafic lors de ces actions?
Oui. Si je comprends les revendications de Renovate Switzerland, je peux aussi comprendre que la méthode crispe. Mais, encore une fois, mon rôle n’est pas de porter un jugement sur les types d’action, mais de trouver des solutions et d’éviter que des personnes soient mises en danger dans ce genre de situation.

Vous dites comprendre les revendications de Renovate Switzerland. Estimez-vous, vous aussi, que le Conseil fédéral ne va pas assez vite?
En tant que Canton, nous avons cette responsabilité d’accélérer l’assainissement énergétique des bâtiments et d’être exemplaires. Maintenant, évidemment que nous attendons qu’il y ait une volonté forte qui vienne aussi de la Confédération. Avec des réponses claires et précises.

Par exemple?
On peut citer l’initiative pour les glaciers. Elle a permis de lancer le débat. Le contre-projet indirect mis au point par le Parlement, qui souhaite réduire à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050, prévoit deux milliards de francs sur dix ans pour aider les propriétaires à changer de chauffage et abandonner les installations fossiles. C’est une proposition intéressante et une manne financière importante pour les cantons. Malheureusement, il y a un parti, l’UDC, qui a lancé un référendum. À la population, si le référendum aboutit, de ne pas réduire à néant ce compromis construit au niveau fédéral.

Restons quelques secondes à Berne avant de revenir en terres vaudoises. Les Verts doivent-ils viser la succession du conseiller fédéral Ueli Maurer?
Moi, je m’occupe de politique cantonale. Il est toutefois clair que les thématiques défendues par les Verts sont au cœur des différents débats de société et du Parlement depuis déjà cinquante ans. À terme, un siège au sein du Conseil fédéral est donc un objectif évident. Mais je laisse les stratèges fédéraux dire si ça doit se faire cette fois-ci ou une prochaine.

Le Conseil d’État vaudois est, depuis les dernières élections, majoritairement de centre-droit. Ça signifie que c’est une législature de perdue pour le climat?
Non. Toutes les mesures et les objectifs que j’ai abordés dans cette interview sont portés par l’ensemble du nouveau collège gouvernemental.

Ça fait maintenant 100 jours que vous travaillez au gouvernement. Nous traversons une période difficile: inflation, guerre en Ukraine, risque de pénurie énergétique, crise climatique… Quel message voulez-vous adresser aux Vaudoises et aux Vaudois?
J’aimerais dire que nous travaillons à l’élaboration d’un programme de législature ambitieux qui permettra de répondre concrètement aux enjeux climatiques, aux préoccupations des plus vulnérables et aussi aux différents enjeux qui peuvent inquiéter la population. Ce programme, qui traduira la volonté politique du Conseil d’État, sera publié, comme le prévoit la législation, début novembre.

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