Les critiques s'accumulent dans ses propres rangs
La conseillère fédérale Viola Amherd fait face à des vents contraires

La ministre de la Défense Viola Amherd se fait de plus en plus souvent remarquer par ses projets controversés. Cela provoque désormais la grogne au sein même de l'armée – jusqu'à une opposition ouverte. Au Parlement aussi, les voix critiques se multiplient.
Publié: 07.05.2023 à 06:49 heures
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Dernière mise à jour: 07.05.2023 à 08:18 heures
Daniel Ballmer

Viola Amherd n'hésite pas à fixer ses propres priorités – quitte à fortement secouer son département de la Défense. Non seulement l'armée doit devenir plus féminine et plus écologique, mais la conseillère fédérale du Centre planche désormais sur un remaniement de la politique de sécurité suisse qui crée la controverse. Elle a annoncé fin avril vouloir regrouper les forces de la sécurité civile et de la sécurité militaire avec un nouveau secrétariat d'État. Ce projet, qu'elle porte en cavalière seule, a créé un coup d'éclat.

Au Parlement comme dans les milieux de l'armée, l'idée de la ministre de la Défense ne fait pas que des heureux. Pour Stefan Holenstein, président de l'Association des sociétés militaires suisses (ASM), Viola Amherd fixe mal ses priorités: il faudrait d'abord un concept clair pour une défense nationale crédible. Or, avec un nouveau secrétariat d'État, «la position de l'armée sera encore affaiblie et l'administration gonflée», selon le colonel.

Une stratégie globale fait toujours défaut

La conseillère nationale socialiste Sarah Wyss a un tout autre problème avec le nouveau secrétariat d'État. Elle n'a rien à redire sur le fond. Mais elle trouve discutable que ce ne soit pas la première fois que le Conseil fédéral crée un nouvel office fédéral sans aucune concertation avec le Parlement.

La ministre de la Défense est confrontée à des critiques croissantes de la part de ses propres rangs.
Photo: keystone-sda.ch
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Cela passe également mal auprès de l'UDC. Le parti de droite reproche à Viola Amherd d'avoir un «agenda caché»: au lieu de renforcer la capacité de défense de l'armée suisse, elle voudrait la «préparer à l'OTAN». Ainsi, la sécurité de la population suisse serait affaiblie au lieu d'être renforcée, selon le parti agrarien.

Conflit latent

Le reproche de l'absence de stratégie se fait également entendre dans le débat sur les chars. Alors que Viola Amherd et la direction de l'armée se montrent ouverts à l'idée de vendre à Berlin des chars Leopard mis au rebut, des officiers s'y opposent avec véhémence. Même le conseiller aux États UDC Werner Salzmann, président de la commission de la politique de sécurité, ne veut rien savoir «avant d'avoir redéfini la doctrine de défense de l'armée». La querelle qui couvait depuis longtemps sur l'orientation de l'armée a éclaté au grand jour.

Le Parlement a identifié de nombreux autres chantiers au sein de l'armée et du département de la Défense pour lesquels il serait nécessaire d'agir. Ainsi, les acquisitions entraînent régulièrement des surcoûts de plusieurs millions et parfois des retards de nombreuses années.

«Nous entendons toujours des justifications pour expliquer pourquoi cela n'a pas marché», déclare le conseiller national UDC Mauro Tuena. Le président de la commission de la politique de sécurité du Conseil national estime que «les problèmes sont connus depuis des années, mais ne sont pas résolus». Il faut donc toutefois reconnaître que Viola Amherd a hérité de bien des problèmes de ses prédécesseurs, reconnaît-il.

«Les problèmes sont connus depuis des années, mais ne sont pas résolus», critique le conseiller national UDC Mauro Tuena.
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«Ça sonne bien, mais les problèmes de l'armée persistent»

Par ailleurs, l'armée met en garde depuis longtemps contre le manque de militaires. Là aussi, les solutions seraient repoussées aux calendes grecques. «Viola Amherd préfère s'occuper de thèmes comme la promotion des femmes, dont elle a fait son cheval de bataille, critiquent certains politiciens actifs sur le thème de la sécurité. Cela sonne bien, mais les problèmes de l'armée ne seront pas résolus pour autant.» En outre, la Valaisanne a échoué en beauté avec sa demande de quotas de femmes dans les fédérations sportives.

Le budget de l'armée est aussi source d'irritation. Il en va de même pour le Service de renseignement rattaché au département de la Défense, qui se fait régulièrement remarquer par ses fouilles illégales et ses fichages. Il va d'ailleurs être restructuré sous la direction du nouveau directeur Christian Dussey. Tous les cadres doivent postuler pour de nouveaux postes. Ce qui ne ressemble pas à une preuve de confiance.

Autre exemple: des failles dans la sécurité de l'armée ont été révélées récemment. Ainsi, l'ancien chef de la sécurité des Forces aériennes suisses était considéré comme un potentiel danger en raison de ses dettes élevées et du risque de corruption qui en résultait. Pourtant, il n'a dû quitter son poste qu'après plusieurs mois.

Après une accalmie, les critiques sortent au grand jour

Jusqu'à la votation sur les avions de combat, «les rangs étaient fermés» au département de la Défense, a récemment déclaré la conseillère nationale des Vert-e-s Marionna Schlatter, citée par «20 Minuten». Aucune critique n'a filtré à travers ce «mur de béton». Mais «maintenant que ce mur est brisé, il n'est plus possible de tout garder sous le tapis», assène la politicienne pour expliquer les querelles publiques qui entourent la direction de la Défense.

Il n'est plus possible de tout garder sous le tapis, estime la politicienne des Vert-e-s Marionna Schlatter.
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Mais pour Werner Salzmann, ce sont aussi des problèmes internes qui provoquent des troubles au sein de l'armée. Ainsi, la Suisse ne dispose toujours pas d'une véritable stratégie quant à sa politique de défense pour les prochaines années. «On réfléchit à haute voix quant à l'évolution des chars, alors qu'on ne sait même pas encore s'ils ne seront pas nécessaires, tonne le conseiller aux États UDC. C'est illogique et cela conduit à l'insécurité.»

«Viola Amherd ne doit pas s'en étonner»

La nouvelle orientation de Viola Amherd se heurte à une résistance croissante, alors même que la conseillère fédérale est la plus populaire du gouvernement. Les anciens chantiers ne sont pas résolus, les programmes importants sont retardés et les nouveaux projets ne sont pas toujours compris. «On a l'impression qu'il y a aussi des désaccords en interne. Et des signaux contradictoires sont envoyés à l'extérieur, glisse-t-on au Parlement. Viola Amherd ne doit donc pas s'étonner si des oppositions apparaissent.»

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