Martin Vetterli
Il était une fois, il y a fort longtemps…

Pour sa deuxième chronique, Martin Vetterli, président de l’EPFL, nous raconte des histoires: comment le plastique, ce matériau autrefois révolutionnaire, est devenu un fardeau. Des histoires, vraiment? Il serait temps d'arrêter de rêver.
Publié: 29.06.2021 à 14:32 heures
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Dernière mise à jour: 29.06.2021 à 14:34 heures
Martin Vetterli

Il était une fois, il y a fort longtemps, un royaume sur une île lointaine. Cette île bénéficiait de températures clémentes et d’une végétation généreuse: c’était un petit paradis. L’eau était claire, l’air était pur. Arbres, jardins et champs regorgeaient d’aliments frais, et nul ne manquait de bois pour le feu. Bref, les insulaires menaient une vie d’abondance, heureuse et indolente.

Mais au fil du temps, voici que l’île commença à se couvrir de restes de nourriture, que les feux emplirent l’atmosphère d’une fumée dense et que l’eau des lacs, naguère si limpide, vint à se troubler et prit une vilaine teinte brunâtre. Peu à peu, le paradis s’était transformé en enfer.

Ce petit conte nous enseigne deux choses. Premièrement que l’on gaspille ce qui est gratuit. Et deuxièmement que rien n’est vraiment gratuit. Parfois, les coûts sont tout bonnement masqués, parfois ils apparaissent plus tard sous une autre forme.

Les enjeux du plastique

Prenons l’exemple du plastique. Impossible aujourd’hui d’imaginer notre quotidien sans cet extraordinaire matériau. Non seulement le plastique ne coûte presque rien, mais il est pratique, résistant et polyvalent. Aussi sa production a-t-elle constamment augmenté depuis 70 ans. À l’heure actuelle, 370 millions de tonnes de plastique sont produites par an à l’échelle mondiale. Et environ 11% finissent par polluer les milieux aquatiques où ils mettent en danger la vie d’innombrables espèces et génèrent chaque année un préjudice économique de plusieurs milliards. Des coûts qu’un jour ou l’autre, la société sera obligée de prendre en charge.

Or, le strict respect du principe des 3 R — reduce, reuse and recycle (réduis-réutilise-recycle) — permettrait de régler une grande part des problèmes dont le plastique est à l’origine. Les chercheurs du domaine des EPF travaillent sans relâche pour créer de nouvelles solutions techniques dans ces trois catégories. L’objectif: faire évoluer la production de matières plastiques vers une économie circulaire durable.

Plusieurs solutions innovantes sont d’ores et déjà prêtes à être commercialisées. C’est notamment le cas de la technologie proposée par la startup EPFL DePoly. Cette jeune entreprise est parvenue à développer un processus chimique permettant de décomposer intégralement les plastiques PET en leurs éléments de base, puis de recombiner ces derniers pour obtenir de nouveaux matériaux — le tout sans perte de qualité.

S’attaquer à la racine du problème

La technologie développée par DePoly est révolutionnaire à plusieurs titres: elle permet de recycler des déchets de PET souillés et de qualité médiocre que l’on était jusqu’à présent contraint de détruire. Effectué à température ambiante, ce procédé est peu gourmand en énergie; et, les produits chimiques qu’il nécessite sont recyclables.

D’autres startups du domaine des EPF s’attaquent à la racine du problème. Elles développent des technologies rendant possible la production d’alternatives au plastique à partir de matériaux durables et dégradables ou de déchets naturels.

Mais les technologies ne suffiront pas à résoudre le problème du plastique. La méthode la plus durable et la plus efficace pour réduire nos déchets, c’est de consommer moins. D’ailleurs, les habitants de l’île lointaine en ont tenu compte. Ils purent ainsi préserver leur petit paradis… et ils vécurent heureux.

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