La chronique de Nicolas Capt
Kevin Spacey, l'innocent qui a fini sur le bûcher

Me Nicolas Capt, avocat en droit des médias, décortique deux fois par mois un sujet d’actualité ou un post juridique pour Blick. Cette semaine, il revient sur l'affaire Kevin Spacey.
Publié: 02.08.2023 à 11:40 heures
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Dernière mise à jour: 04.08.2023 à 15:24 heures
Nicolas Capt

C’est par le biais de modestes entrefilets, coincés entre la valse des Canadair à Rhodes et la dégustation des dix meilleurs rosés de l’été, que la nouvelle de l’acquittement de Kevin Spacey a été diffusée dans la presse, suscitant – au mieux – indifférence ou légère surprise du lectorat.

L’ex-coqueluche d’Hollywood (Usual Suspects, American Beauty, House of Cards), âgé de 64 ans, avait, rappelons-le, été accusée dès 2017 de diverses agressions sexuelles envers des hommes, aux Etats-Unis et en Angleterre. Acquitté en Amérique l’an dernier, l’acteur se voit désormais lavé de tout soupçon en Grande-Bretagne. Présenté durant le procès par l’accusation comme un «harceleur sexuel», Kevin Spacey se décrivait quant à lui comme un dragueur lourdaud, niant toutes les accusations portées à son endroit. Deux versions évidemment irréconciliables, tranchées par la justice.

Désormais blanchi, l’acteur, qui n’a plus endossé de rôle majeur depuis sa mise à l’index, parviendra-t-il à reprendre le fil de son extraordinaire carrière? Rien n’est moins sûr, et cela est hautement préoccupant.

Photo: DUKAS

La vérité avant tout

L’asymétrie du traitement de l’information est patente: lorsque les accusations ont été formées, les médias ont disséqué l’affaire sur la base des seules accusations, jetant en pâture l’acteur hollywoodien, condamné ab initio par le tribunal médiatique et populaire. A coup de «#onvoitcroit» (la négation absolue de la présomption d’innocence) et d’émissions spéciales sur celui que l’on présentait déjà comme une étoile fanée, Kevin Spacey est passé d’un jour à l’autre de cet acteur génial à cet homme infect, sans preuves, sans autre moteur que la vindicte publique, ce défouloir aveugle des frustrations individuelles et des guerres menées au clavier.

Au moment de son acquittement, c’est bien mollement que la presse narre l’acquittement: évidemment, les incendies font de plus belles photos avant d’être éteints. Emu aux larmes lors du verdict, l’acteur est-il pour autant innocent? C’est évidemment une question que ne manqueront pas de se poser les gloseurs mondains, relevant à l’occasion que nombre de témoins ont dépeint une ambiance toxique sur le plateau des films dans lesquels jouait l’acteur, et ont décrit ce dernier comme un harceleur sexuel. Mais vous n’y étiez pas et moi non plus.

Des intérêts des uns et des autres, des lignes de forces, des vrais aveux et des faux semblants, nous ne savons rien. Nous devons ainsi nous abreuver à la seule source de la vérité. Et l’obtention de la vérité est, en justice, un exercice de trapéziste: la vérité judiciaire – version normée et parfois vue comme limitative de la réalité – doit pourtant être acceptée par tous. Elle est le socle même de nos sociétés, dès lors que c’est à son aune que l’on juge les citoyens. Et ce n’est pas le plus idiot d’entre eux, soit Voltaire, qui, un jour, déclara: «Il vaut mieux se hasarder de sauver un coupable que de condamner un innocent». #Onvousécoutemaisc’estàlajusticedevouscroire

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