Renversement de tendance
La part du nucléaire dans l'approvisionnement en électricité diminue

Pour la première fois, le soleil et le vent produisent plus d'électricité dans le monde que les centrales nucléaires. Les coûts de l'énergie atomique ont augmenté de 36% depuis 2009. Alors que certains demandent son retour en force, elle n'en reste pas moins un risque.
Publié: 16.10.2022 à 22:28 heures
Danny Schlumpf

Le monde traverse une crise énergétique. La sécurité de l'approvisionnement s'est retrouvée au centre des débats. Les gouvernements, de l'Allemagne à la Grande-Bretagne, annoncent qu'ils laisseront leurs centrales nucléaires fonctionner plus longtemps. En Suisse, les milieux bourgeois ont lancé une initiative visant à lever l'interdiction de construire des centrales nucléaires. L'atome est-il en train de renaître?

Si l'on s'en tient aux chiffres bruts, cela ne semble pas être le cas. La part de l'énergie nucléaire dans la production mondiale d'électricité est tombée à 9,8% entre mi-2021 et mi-2022. C'est le niveau le plus bas depuis quatre décennies. En 1985, elle était encore de 15%. En revanche, les énergies éolienne et solaire représentent pour la première fois plus de 10%. Elles ont ainsi dépassé l'énergie nucléaire. C'est ce que montre le World Nuclear Industry Report 2022, un rapport statistique complet rédigé par des experts internationaux.

L'année dernière, 411 réacteurs répartis dans 33 pays ont produit 2653 térawattheures d'électricité. Leur production a donc certes augmenté, mais leur part dans la production totale ne cesse de diminuer. Au cours des douze derniers mois, six réacteurs ont été mis en service et huit ont été retirés du réseau.

La part de l'énergie nucléaire dans la production mondiale d'électricité est tombée à 9,8% entre la mi-2021 et la mi-2022.
Photo: keystone-sda.ch
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En dix ans, une seule centrale nucléaire européenne a été raccordée au réseau

«Dire que le monde entier construit désormais des centrales nucléaires est une fantaisie, affirme Fabian Lüscher, responsable de l'énergie nucléaire à la Fondation suisse de l'énergie (SES). La tendance va exactement dans l'autre sens.»

Selon lui, les annonces faites par les politiques doivent être prises avec précaution. «Les gouvernements sont sous pression. Les promesses d'énergie nucléaire semblent alléchantes, car il s'agit de centrales de grande puissance». Mais en réalité, au cours des dix dernières années, une seule centrale nucléaire a été raccordée au réseau en Europe, en Finlande.

Malgré tout, on ne peut pas non plus évoquer la fin de l'ère nucléaire. En Chine, 50 nouvelles centrales ont été mises en service au cours des 20 dernières années. Aucune n'a été fermée. Et cela ne semble pas être une question de coûts puisque entre 2009 et 2020, les prix de l'énergie nucléaire ont augmenté de 36%. Dans le même temps, l'énergie solaire est devenue 90% moins chère.

Les centrales nucléaires demeurent un risque

Il faut considérer aussi que l'énergie nucléaire n'est pas vouée à être utilisée uniquement à des fins civiles. Aujourd'hui, 83% des réacteurs sont construits par des pays dotés de l'arme nucléaire. Le président français Emmanuel Macron avait nommé en toute franchise cette chaîne incassable il y a un an: «Sans nucléaire civil, pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil».

Et qu'en est-il de la sécurité d'approvisionnement? Actuellement, la moitié du parc nucléaire français est à plat. Les exploitants s'attendent à des pertes de production non planifiées d'au moins 60 térawattheures. Cela correspond à la consommation annuelle d'électricité de la Suisse, qui est également touchée par la débâcle des centrales nucléaires de nos voisins.

«Il est certains que les centrales nucléaires ne sont pas un remède aux problèmes énergétiques, assure Fabian Lüscher. Elles sont plutôt le risque central. Rien ne le démontre plus clairement que la situation actuelle en France»

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