Poussé par la gauche radicale
Unir la gauche espagnole en 2023? Mission (presque) impossible

Pedro Sanchez joue sa place au gouvernement. Le Premier ministre socialiste sortant doit, pour remporter les législatives de dimanche 23 juillet, convaincre les électeurs de gauche espagnols que l'union fait la force. Sauf que son camp politique est menacé d'implosion.
Publié: 21.07.2023 à 17:52 heures
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Dernière mise à jour: 22.07.2023 à 12:44 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

D’un casse-tête à l’autre. Après avoir remporté les élections législatives de novembre 2019, l’actuel Premier ministre espagnol socialiste Pedro Sanchez vivait sous la menace permanente de Podemos, la formation de gauche radicale conduite par le charismatique Pablo Iglesias. Quatre ans plus tard, alors que les électeurs du royaume votent à nouveau ce dimanche lors d’élections anticipées, le leader du PSOE (le parti socialiste) est de nouveau confronté à une contestation sur son flanc gauche.

Cette fois, le problème a pour nom Sumar, une coalition de gauche radicale créée par l’actuelle ministre du travail et ancienne militante communiste Yolanda Diaz, et créditée d’environ 13% des intentions de vote. Avec cette question dont dépend le sort du chef du gouvernement et de son actuelle majorité: comment convaincre les électeurs qu’une gauche unie, donc rassemblée au centre, peut encore faire la différence?

«La meilleure Espagne»

Le think-tank français Le Grand continent a publié une étude très fouillée de l’avant-scrutin. Sur la gauche espagnole, son verdict est en forme d’interrogation. «Le cadre proposé par le PSOE est celui de «La meilleure Espagne», dans lequel s’inscrit le dernier slogan en date «Adelante» («En avant»). Sumar a fait de même en choisissant «L’Espagne que nous méritons» pour finir par l’adopter en slogan de campagne «Es por ti» (C’est pour toi)» peut-on lire dans une note consacrée aux législatives de dimanche qui verront 37 millions d’électeurs être conviés aux urnes.

Le Premier ministre socialiste sortant Pedro Sanchez, au pouvoir depuis 2018, a décidé de dissoudre le parlement après sa défaite cinglante aux élections locales.
Photo: IMAGO/ABACAPRESS
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Sauf qu’en réalité, le curseur s’est déplacé. Pour gagner son pari d’une remontada victorieuse contre la droite donnée jusque-là gagnante dans les sondages, Pedro Sanchez a calqué son agenda sur celui de la gauche radicale. Moins de social, plus de droits individuels. Moins de bilan, plus de promesses. «Plus que de défendre ses quatre années de pouvoir, Sanchez présente un projet antagoniste à celui du bloc des droites», poursuit Le Grand Continent.

Les violences sexistes et la censure sont devenues les principaux sujets de débat. Au risque de relancer les fractures dans son camp politique au sujet de la loi controversée dite «Sólo sí es sí» ("Seul un oui est un oui") d’octobre 2022, selon laquelle un rapport sexuel sans consentement explicite constitue un viol mais dont l’efficacité pénale est très contestée.

Alors? Possible encore pour le Premier ministre sortant de «retomber sur ses pieds», comme il en a la réputation? Possible pour ce torero politique d’augmenter le nombre de voix de son parti tombé à 28,1% aux élections locales de mai dernier, contre 31,5% pour le Partido Popular (droite traditionnelle)?

Des électeurs de gauche divisés

La réponse à gauche, tient en trois sujets qui divisent les Espagnols acquis au camp progressiste. Le premier est celui des mœurs et des lois de plus en plus favorables aux minorités sexuelles, argument exploité à fond par la frange populaire du parti d’extrême-droite «Vox», qui dénonce en permanence le «Sanchismo», sorte de laisser-aller moral.

Le second sujet est celui des aspirations indépendantistes en Catalogne et aux Pays basque. Le fait d’avoir gracié, en novembre 2021, neuf leaders indépendantistes catalans condamnés pour la tentative de sécession de l’automne 2017 a nourri des blessures. De même que sa volonté d’apaiser et de proposer un «nouveau départ» entre l’Espagne et la région rebelle. La réforme du Code pénal afin de supprimer le délit de sédition a fait le reste.

S’y ajoute la figure controversée du leader indépendantiste en exil Carles Puigdemont, ancien président de la Generalitat (gouvernement) de Catalogne. La justice de l’Union européenne a refusé en juin de remettre en cause la levée de son immunité parlementaire. Ce qui l’expose toujours au risque d’extradition vers l’Espagne, même si celle-ci n’est plus pour le moment réclamée par Madrid.

Quelle stratégie d’union?

Troisième sujet de division: la stratégie d’union elle-même. Quel programme? Quelles ambitions pour un second mandat «Sanchez» après les bons résultats économiques de ces dernières années, et des sujets de discordes compliqués à gérer comme l’attitude face à l’immigration? Yolanda Diaz, de Sumar, a su tirer profit de la désintégration progressive de Podemos. Mais elle doit, si elle veut capitaliser sur la jeunesse, faire oublier la perte de crédibilité de l’ex-leader indigné, Pablo Iglesias, contesté après l’achat d’une villa de luxe près de Madrid.

D’où sa proposition d’un héritage universel, inspirée de l’économiste français Thomas Piketty. Ce projet permettrait, selon le porte-parole de campagne Ernest Urtasun, aux jeunes Espagnols de débloquer la somme de 20'000 euros à l’âge de 23 ans afin de «préparer leur insertion professionnelle, développer un projet d’entrepreneuriat ou encore faire une formation».

Milliards d’euros de dépense

Son coût d’environ 10 milliards d’euros serait financé par un nouvel impôt sur les grandes fortunes, ce que le PSOE se refuse à défendre pour maintenir l’attractivité économique du pays. D’autant qu’une autre mesure phare s’ajoute: la construction promise de deux millions de logements d’ici dix ans, par le biais d’un investissement de 1% du PIB chaque année, soit à nouveau 10 milliards d’euros financés par un nouvel impôt, dans un pays où la dette publique frôle les 100% du Produit intérieur brut.

Tenir, dans ces conditions, la gauche espagnole unie devant les électeurs ressemble presque à une mission impossible.

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