Monarchie et libertés
La Reine Elizabeth II, monarque au service des valeurs démocratiques européennes

Une reine résistante: dès son adolescence, Elizabeth II s'est retrouvée plongée dans le tumulte de la guerre et de la lutte pour la défense des libertés. Son héritage est aussi celui d'une monarque constitutionnelle qui, toujours, respecta le résultat des urnes.
Publié: 09.09.2022 à 10:55 heures
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Richard WerlyJournaliste Blick

Elle monta sur le trône avec la volonté farouche de défendre l’Empire. Mais Elizabeth II, décédée jeudi 8 septembre après 70 ans de règne, fut d’abord la reine des libertés. Une monarque constitutionnelle scrupuleusement attachée, au Royaume-Uni, à ne jamais enfreindre la limite qui séparait ses prérogatives royales de celles, politiques, de ses quinze premiers ministres.

Une monarque qui, jamais dans son pays, y compris lors du référendum controversé sur le Brexit du 23 juin 2016, ne se déroba à la plus lourde de ses charges: défendre, envers et contre tout, la démocratie. Même lorsque celle-ci, via la presse, critiqua vertement certaines de ses attitudes et bouscula la dynastie Windsor.

Un engagement démocratique

Quatre images résument cet engagement, au service des valeurs démocratiques européennes. La première, bien connue, est celle de la princesse pas encore couronnée conduisant une ambulance militaire dans l’Angleterre bombardée par les Nazis. Londres est alors parsemée de ruines. Les aviateurs anglais et alliés ont sauvé de justesse, dans le ciel britannique, le destin d’un royaume que le Troisième Reich rêvait d’asservir.

Tout au long de son règne de 70 ans, Elizabeth II incarna le plus profond respect des urnes et des libertés politiques. Au point de devenir, à sa manière et malgré le Brexit, une icône des valeurs démocratiques européennes.
Photo: IMAGO/AAP

Elizabeth est une jeune femme en lutte. Elle se bat. Son pays devient, sous le règne de son père Georges VI, mort le 6 février 1952, la forteresse européenne des libertés, appuyée sur la puissance de l’Amérique et l’énormité géographique de son Empire colonial encore intact. C’est dans les larmes, la douleur et le sang que naît le règne de cette jeune femme, couronnée en 1953, d’autant plus consciente de cet enjeu que son oncle Edouard VIII, brièvement monté sur le trône en 1936 avant d’abdiquer, fut longtemps soupçonné de sympathies fascistes.

Elizabeth II et Winston Churchill

La seconde image suit justement son couronnement. Revenue au pays d’une tournée dans les pays du Commonwealth pour monter sur le trône, Elizabeth II est reçue, à l’aéroport, par Sir Winston Churchill. Tout est dit. Après avoir tenu bon face à l’oppression nazie, envers et contre tous, le «lion» de Downing Street a perdu le pouvoir après guerre, avant de le reconquérir dans les urnes. Il a, en 1946, prononcé à Zurich son fameux discours sur les «Etats-Unis d’Europe». La filiation est parfaite. Directe. Cette jeune Reine sera la sienne.

Quinze ministres défileront ensuite pour être reçus en audience par Sa Majesté Elizabeth II. Ses relations avec quelques-uns d’entre eux, dont Margaret Thatcher, première femme cheffe de gouvernement au Royaume-Uni, furent paraît-il houleuses. Mais jamais, la souveraine n’interféra dans le processus électoral. Ce qui ne l’empêchait pas d’être une reine de sa génération: convaincue, au moins au début de son règne, de la supériorité occidentale, chrétienne et blanche, fermant les yeux sur les atrocités commises par les Britanniques au nom de l’ordre colonial.

Le troisième cliché dit son respect de la liberté de la presse. Dans la tempête médiatique qui suit la mort accidentelle à Paris de Lady Diana, l’ex-épouse du prince Charles – désormais, le roi Charles III – Elizabeth II est l’accusée. La presse populaire britannique la décrit comme une reine sans cœur. Son premier ministre, le travailliste Tony Blair, rend hommage à la «princesse du peuple» morte dans une voiture aux côtés de son amant. La reine ne comprend plus. Les «tabloïds» anglais ne parlent que de la «firme», cette famille royale avant tout soucieuse de son budget annuel, de ses privilèges et de ses propriétés. Mais là aussi, la liberté l’emporte. Elizabeth II gagnera ensuite sa contre-offensive médiatique. Sa colère contre les journalistes est restée cachée dans le huis clos de ses palais.

«God Save our freedom»

La dernière image est celle de son discours du trône, le 21 juin 2017, à la suite de la victoire de justesse du «Leave» au référendum du 23 juin 2016 sur le Brexit. On ne saura jamais si la reine voulait, ou non, que son pays divorce avec l’Union européenne dans laquelle il était entré volontairement, sous son règne, le 1er janvier 1973, avant de confirmer cette décision par référendum en 1975.

Elizabeth II n’a pas, avant le 23 juin, prononcé la moindre phrase sur le sujet. Elle n’a pas incité les électeurs à la prudence, comme elle l’avait fait avant le vote populaire des Ecossais sur leur indépendance, le 18 septembre 2014. Sa réponse, en revanche, arrive en juin 2017, devant les députés de Westminster. Elizabeth II est vêtue de bleu, aux couleurs de l’Europe. Son chapeau est piqué de boutons jaunes en forme de fleurs. Les commentateurs feront le reste: s’agissait-il, ou non, d’une défense de l’Union européenne postérieure au verdict des urnes?

Quatre images pour un règne qui se déroula dans le respect le plus strict des libertés politiques, et du droit de la presse à tout critiquer, y compris l’institution qu’elle représente. Une fois de plus, Elizabeth II, défenseure de l’Empire, était l’héritière d’une colonisation qui causa, dans l'histoire, d’immenses dégâts humains. Mais pour son pays et pour l’Europe, elle fut un modèle de résistance démocratique. Avec elle, l’hymne national britannique s’est aussi écrit ainsi, durant sept décennies: «God save the Queen! God save our Freedom!»

Retrouvez Richard Werly sur le règne d’Elizabeth II à Public Sénat.

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