Les dirigeants enragent à Kiev
Le commandant en chef ukrainien est résigné: «Nous perdons la guerre»

Le commandant en chef ukrainien s'est exprimé de manière très transparente sur la situation tendue au front. La contre-offensive est bloquée, il ne s'attend pas à une percée. Plus la guerre dure, plus elle devient difficile pour l'Ukraine.
Publié: 05.11.2023 à 16:37 heures
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Daniel Kestenholz

Les discours de victoire ont laissé la place aux appels à la persévérance et à l'endurance en Ukraine. On y parle même de plus en plus ouvertement de défaite face à la Russie. Une chose est à peu près certaine: un nouvel hiver épuisant se profile à l'horizon. Les mouvements sur le front devraient presque complètement s'arrêter après la longue impasse de ces dernières semaines. Le désenchantement s'installe parmi les soldats ukrainiens.

«Je le dis depuis un certain temps maintenant. Pas à pas, nous perdons la guerre». C'est ce qu'a déclaré un soldat à l'AFP lors d'un entretien téléphonique depuis le front. «Plus cette guerre d'usure et de position dure, plus nous sommes désavantagés.»

Depuis le mois de novembre de l'année passée, la ligne de front entre les troupes ukrainiennes et russes dans l'est et le sud du pays n'a guère changé. C'est ce qui a fait dire cette semaine au général Valeri Zaloujny, commandant en chef des forces armées de l'Ukraine, que les belligérants se trouvaient dans une impasse le long de ce front étendu.

C'est avec des mots étonnamment clairs que Valeri Zaloujny, commandant en chef des forces armées ukrainiennes, s'est exprimé sur le déroulement de la guerre.
Photo: Keystone
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Usure à tous les niveaux

La contre-offensive annoncée en grande pompe, avec beaucoup de nouveau matériel d'armement et de nouvelles recrues, n'a pu gagner que peu de terrain – 17 km au maximum à un endroit. «Comme pendant la Première Guerre mondiale, nous avons atteint un niveau technologique qui nous place dans une impasse», a déclaré Valeri Zaloujny au magazine britannique «The Economist».«Il est très probable qu'aucune grande et belle percée n'advienne.»

La guerre devient «positionnelle» – en d'autres termes, elle s'enlise. Même son ancienne estimation, selon laquelle il pourrait arrêter la Russie en saignant ses troupes, s'est avérée être une illusion: «C'était mon erreur», a déclaré le général. «La Russie compte au moins 150'000 morts. Dans n'importe quel autre pays, de telles pertes auraient mis fin à la guerre.»

Aujourd'hui, Valeri Zaloujny tente désespérément d'éviter une guerre dans les tranchées. «Le plus grand risque d'une guerre de tranchées épuisante est qu'elle peut se prolonger pendant des années et démoraliser l'Etat ukrainien.» Plus la guerre dure, plus il est difficile de la mener à bien. Valeri Zaloujny alarme: «Tôt ou tard, nous constaterons que nous n'avons tout simplement pas assez d'hommes pour nous battre.»

La colère gronde à Kiev

Cette estimation, surprenante et inhabituellement transparente du plus haut gradé ukrainien, a provoqué la colère de nombreux acteurs dans le pays. Igor Zhovkva, chef adjoint du bureau présidentiel de Kiev, a accusé Valeri Zaloujny de déstabiliser les soutiens à l'Ouest. Ce vendredi, Igor Zhovkva s'est énervé à la télévision nationale: «La dernière chose que je ferais serait de parler dans les médias de ce qu'il se passe et pourrait se passer sur le front.» Les révélations de Valeri Zaloujny feraient parfaitement le jeu de la Russie.

Il reçoit désormais des appels des plus hautes instances de l'Occident et on lui demande, paniqué: «Que dois-je signaler à mon chef d'État? Êtes-vous vraiment dans une impasse?»

Espoir d'armes plus modernes

En réaction aux déclarations de Valeri Zaloujny, le conseiller présidentiel Mykhaïlo Podoliak a déclaré que le pays se trouvait à un tournant et qu'il devait décider d'une stratégie pour gagner le conflit avec la Russie. Mykhaïlo Podoliak a toutefois reconnu lui-même à l'AFP que cette phase des combats avait rencontré des «difficultés».

Et quelles seraient les propositions de solutions de Valeri Zaloujny face à une situation que beaucoup considèrent comme sans issue? Des innovations dans le domaine de la technologie des drones et de l'anti-artillerie ainsi qu'une amélioration du déminage. Rien n'indique toutefois qu'une percée technologique, que ce soit dans le domaine des drones ou de l'électronique, soit imminente.

Zelensky se veut confiant : «Personne ne croit autant que moi à notre victoire. Personne»

L'Ukraine veut que ses alliés occidentaux lui fournissent des avions de combat F-16 et des missiles à longue portée, alors que l'infanterie ne peut pas lutter contre les profondes lignes de défense russes. «Nous avons trop de problèmes», a déclaré un autre soldat à l'AFP. «Premièrement, la qualité de l'entraînement de nos soldats. Deuxièmement, nous n'avons pas assez d'armes ou d'artillerie», a ajouté le jeune homme de 33 ans: «Nous manquons d'artillerie et la situation ne fait qu'empirer.»

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky se sent lui aussi de plus en plus seul. Le magazine «Time» lui consacre sa couverture – qui montre Zelensky dos à la caméra et le cite en gros caractères: «Personne ne croit autant que moi à notre victoire. Personne.»

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