Le Donbass au lieu du Hamas
Ce soldat d'élite israélien préfère se battre pour l'Ukraine

Grigory Pivovarov a autrefois servi dans une unité d'élite israélienne. Mais aujourd'hui, le combat en Ukraine est devenu sa priorité absolue, explique-t-il à notre reporter sur le front au Donbass. Pour la Suisse, l'Israélien a un message clair.
Publié: 23.11.2023 à 06:06 heures
|
Dernière mise à jour: 23.11.2023 à 12:11 heures
Blick_Portraits_328.JPG
Samuel Schumacher

Grigory Pivovarov saute d'un camion militaire crasseux, avance au pas de charge et se dirige jusqu'à une maison vide où lui et ses camarades se cachent entre leurs missions de combat. Son regard est sérieux, sa poignée de main ferme.

Ce soldat d'élite a été formé dans la brigade israélienne Golani et sort tout juste du champ de bataille. Pourtant, Grigory Pivovarov ne combat pas le Hamas à Gaza, mais se bat sur le front ukrainien près de Bakhmout. L'adversaire est le même, estime le soldat. Selon lui, l'influence des Russes s'étendrait partout dans le monde. «Mais je préfère me battre en Ukraine, pour attaque la Russie en son cœur, plutôt que de me battre contre sa main en Israël.» Cette guerre-là, conclut l'homme à la barbe sombre, est désormais plus importante que tout le reste.

Dans le Donbass, on l'appelle simplement «le Juif». Grigory Pivovarov retire son équipement de combat, allume une cigarette, fume à la hâte et dit: «Je n'ai jamais vu d'antisémitisme en Ukraine. C'est un pays très, très favorable aux juifs.»

Le soldat d'élite israélien Grigory Pivovarov se bat en Ukraine.
Photo: Samuel Schumacher
1/6

Il donne ses ordres pendant l'interview

Après le soulèvement du peuple ukrainien sur le Maïdan en 2014 (La révolution de la Dignité), Grigory Pivovarov a fait ses valises et quitté son pays pour l'Ukraine. Il a rejoint le tristement célèbre bataillon Aidar, qui intervient depuis le début de la guerre sur les secteurs les plus difficiles du front.

Grigory Pivovarov a été formé dans la brigade israélienne Golani.
Photo: X @11Knuk123

Au cours de l'entretien d'une heure, le commandant donne plusieurs fois des ordres par téléphone à sa troupe. Des hommes sont occupés à se battre contre des Russes qui les assaillent à quelques kilomètres de là. «Krawa, tu en envoies deux. Puis 20 degrés au nord, encore deux!» Grigory Pivovarov s'excuse pour l'interruption. La nuit dernière, la première neige est tombée dans le Donbass. Le sol est mouillé, les routes sont creusées, les champs recouverts de boue.

Lorsque le Hamas a attaqué son pays natal le 7 octobre, il avait brièvement envisagé de rentrer, raconte le commandant d'Aidar. «Mais Israël est bien équipé. Pour moi, c'est clair: on a plus besoin de moi en Ukraine qu'en Israël. Nous devons d'abord faire le ménage ici. Ensuite, nous pourrons nous occuper de la main russe en Israël.»

La distinction de Zelensky ne lui sert à rien

Grigory Pivovarov esquisse de rapides sourires, mange et fume rapidement. Un homme comme lui a peu de temps pour s'amuser. Ses passe-temps? Parfois la musique, parfois une excursion pour se détendre, parfois un Monopoly avec ses camarades. Et bien sûr, la bonne cuisine de Victor, le cuisinier d'Aidar, qui coupe des pommes de terre. Il ne goûte jamais avant de servir, dit Victor. «La Vierge Marie a conçu Jésus sans souillure. Alors pourquoi ne devrais-je pas avoir confiance en Dieu aussi?»

Victor rit, Grigory rit, un bref moment de légèreté en ces temps difficiles.

Dans la cachette des soldats d'Aidar, le cuisinier Victor coupe des pommes de terre pour le déjeuner.
Photo: Samuel Schumacher

Récemment, «le Juif» a reçu une distinction du président Volodymyr Zelensky pour son courage au combat. Mais combattre tient actuellement de la lutte. Les Russes tiennent bon, prennent les Ukrainiens par surprise avec de nouvelles vagues de soldats. Les munitions se font rares. Le soutien international s'effrite. Le moment est pourtant crucial et l'Ukraine aurait besoin de puiser dans ses ressources. «Nous devons couper la tête du serpent une fois pour toutes, lance Grigory Pivovarov. Il ne suffit pas de l'effrayer un peu.»

Sa motivation? Plus élevée que jamais!

Ce n'est pas la motivation de ses hommes et de ses femmes qui fera défaut, assure-t-il. «Au début de la Grande Guerre, nous avons simplement fait notre devoir et les avons tenus en respect. Mais maintenant, nous voulons nous venger de tout ce qu'ils nous ont fait», dit Grigory Pivovarov. L'expression de son visage s'assombrit. Il a vu beaucoup d'horreurs ces dernières semaines. Beaucoup de brutalité.

«Le monde devrait nous aider à mettre fin à l'enfer ici en Ukraine. Sinon, il l'engloutira bientôt lui aussi», prévient-il. La neutralité? A quoi bon, demande Grigory Pivovarov. «Rappelez-vous: l'Ukraine aussi était neutre jusqu'en 2014, puis elle a réalisé qui étaient ses voisins. Et bientôt, ce pourraient être vos voisins aussi.»

Encore un pain au chocolat, un coup d'œil à l'horloge. Puis Grigory Pivovarov se lève, remonte son équipement de combat et disparaît dans le froid glacial. En enfer, personne ne peut se permettre de faire de longues pauses.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la