En période de vaches maigres
Les épargnants suisses investissent de plus en plus dans les réserves d'urgence

Nombreux sont ceux qui ont de la peine à joindre les deux bouts avec l'augmentation des coûts. C'est ce que montre un sondage de la Banque Migros sur l'épargne. Toutefois, beaucoup de Suissesses et de Suisses tiennent à mettre de côté pour les cas de force majeure.
Publié: 07.01.2024 à 18:21 heures
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Dernière mise à jour: 07.01.2024 à 18:23 heures
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Lino Schaeren

En période de vaches maigres, les petits pécules pour faire face aux dépenses imprévues sont particulièrement bienvenus. En 2023, ce type de réserves financières est même devenu le principal objectif d'épargne de la population suisse, juste avant la prévoyance vieillesse.

C'est du moins ce qui ressort d'un sondage représentatif sur le thème «Epargner et investir», réalisé par l'institut d'études de marché Intervista, sur mandat de la Banque Migros. Les résultats sont disponibles en exclusivité pour Blick. La troisième raison la plus courante d'épargner est, comme lors du dernier sondage en 2021, la constitution d'un logement en propriété.

Il faut dire qu'en matière de stratégie d'épargne, l'horizon temporel s'est nettement raccourci. La priorité est désormais que les réserves soient rapidement disponibles face à l'augmentation des coûts et aux incertitudes mondiales. Cela se traduit également par l'importance plus grande accordée aux comptes d'épargne par les ménages suisses. Les investissements à risque – par exemple dans les crypto-monnaies telles que le bitcoin – ont quant à eux perdu de leur attrait.

Manuel Kunzelmann, CEO de la Banque Migros, déclare: «Les gens s'arment d'une somme d'argent de secours pour faire face à un environnement incertain.»
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L'importance croissante de l'épargne financière montre que de nombreuses personnes s'inquiètent de leur avenir. La population suisse est de plus en plus pessimiste quant à l'évolution économique du pays. Alors que seuls 29% des Helvètes tablaient sur de sombres perspectives en 2019, ils étaient 39% à l'automne 2023. Chiffre révélateur: 27% indiquent que leur situation financière s'est détériorée au cours des deux dernières années. «L'épargne est plus importante que jamais pour la population. Les gens s'arment d'une somme d'argent de secours pour faire face à un environnement incertain», explique Manuel Kunzelmann, CEO de la Banque Migros.

«L'épargne est élémentaire»

De fait, malgré la pression croissante sur les coûts, six personnes interrogées sur sept déclarent mettre régulièrement de l'argent de côté. «Les Suisses sont un peuple d'épargnants», clame Manuel Kunzelmann. Selon le sondage, 60% des personnes qui épargnent le font pour moins de 1000 francs par mois. 27% des sommes mises de côté sont constituées de contributions de 100 à 500 francs. Les chiffres montrent que les petits montants, jusqu'à 100 francs, sont aussi de plus en plus versés, poursuit Manuel Kunzelmann.

Pascal Pfister, directeur de Dettes Conseils Suisse, pense que les Suisses ont moins pu épargner ces derniers temps. Un résultat qu'on pourrait croire positif l'inquiète: six personnes interrogées sur sept indiquent toujours mettre régulièrement de l'argent de côté, malgré la pression des coûts. «Ce n'est pas bon signe si, pour une personne sur sept, les revenus suffisent tout juste à couvrir les dépenses mensuelles, estime-t-il. Epargner en cas de dépenses inattendues est élémentaire, les gens ne devraient pas avoir à payer leurs factures de dentiste ou leurs franchises à crédit.»

Les crédits dits à la consommation sont pourtant très répandus dans le pays. Rien qu'en 2022, 125'000 crédits de ce type ont été accordés pour un montant total de plus de 4,5 milliards de francs, comme l'a rapporté la SRF cette semaine. Puisque les taux d'intérêt sur ce type de crédits à la consommation librement utilisables se situent actuellement autour de 8%, les débiteurs doivent faire face à des coûts supplémentaires élevés.

Pascal Pfister s'attend à ce que davantage de personnes s'endettent dans les années à venir en raison du coût élevé de la vie. «C'est une bonne chose que le chômage soit actuellement bas. Sinon, le risque d'endettement serait encore plus grand», assure le directeur de Dettes Conseils Suisse.

L'association Budget-conseil Suisse constate quotidiennement la pression financière exercée sur la population. Les demandes de conseils personnalisés ont fortement augmenté, explique le directeur Philipp Frei. Ses équipes sont débordées et ne peuvent pas traiter toutes les demandes, ce qui provoque de longues listes d'attente.

Se serrer la ceinture

«Les demandes deviennent plus émotionnelles, car beaucoup n'y peuvent rien s'ils se retrouvent dans une situation financière difficile. Le comportement de dépense est le même, mais comme les prix augmentent, il reste moins dans le porte-monnaie», explique Philipp Frei. Les destins humains que l'on perçoit derrière les demandes de conseil touchent de près les équipes: «Nous côtoyons des personnes désespérées qui ne peuvent plus payer la fête d'anniversaire de leur fille ou leur loyer.»

Pour Philipp Frei, celles et ceux qui consultent le service de conseil en matière de budget ne sont pas seulement des personnes à faibles revenus ou qui se trouvent dans le besoin. Les statistiques des consultations montre que c'est surtout la classe moyenne qui utilise de plus en plus le calculateur de budget en ligne. «Même les personnes ayant un bon salaire ont désormais besoin d'optimisations pour qu'il reste une réserve à la fin du mois», note encore le directeur. Selon lui, la sensibilité à une utilisation consciente des moyens disponibles augmente de manière générale.

Le CEO de la Banque Migros l'observe également. «C'est justement lorsque la situation semble incertaine que nous gérons nos finances de manière encore plus économe», estime-t-il.

Il y a donc une certaine logique derrière ce sondage. Il montre que l'épargne est toujours considérée comme importante, même, voire surtout, dans les situations financières les plus délicates. «Les Suissesses et les Suisses sont prêts à se serrer la ceinture pour leurs dépenses de consommation», conclut Manuel Kunzelmann.

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