Télétravail ou bureau?
«De nombreux préjugés sur le télétravail sont désormais réfutés»

Le psychologue du travail Hartmut Schulze évoque pour Blick la nouvelle mixité au travail, les différents caractères et la manière dont le travail hybride fonctionne.
Publié: 03.05.2022 à 09:55 heures
Camille Kündig

Hartmut Schulze, êtes-vous assis dans votre bureau?
Oui.

Je vous appelle de ma terrasse et je suis une fan assumée du home office. Il y a aussi des détracteurs du télétravail. À qui appartient l'avenir?
Pour travailler longtemps de manière mobile, il faut être du genre à le faire. Et cela doit correspondre aux tâches. Selon les estimations, moins de 10% des collaborateurs souhaitent soit rester complètement à la maison, soit travailler uniquement au bureau. Depuis la fin de la pandémie, la majorité des employés de bureau souhaitent une possibilité flexible, de l'ordre du moitié-moitié ou 60%-40% et sont heureux de retourner au bureau après deux ou trois jours passés à la maison.

Qui est particulièrement attiré par le retour au bureau?
Les conditions de travail à la maison et dans l'entreprise sont souvent centrales. Les sondages le montrent: plus il y a de personnes dans un ménage, plus il est difficile de travailler à domicile. Les personnes qui ne peuvent pas s'aménager un endroit calme entre leurs quatre murs ne sont pas très enthousiastes pour le télétravail. Certains manquent aussi de structures à la maison. Il faut de l'autodiscipline pour réussir à travailler sans cela.

Hartmut Schulze est professeur de psychologie du travail et de l'organisation.
Photo: Thomas Meier
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Le caractère ne joue aucun rôle?
Le fait d'être introverti ou extraverti peut avoir une influence: on tire des forces des rencontres sociales, ou elles coûtent de l'énergie. L'échange et le soutien mutuel sont utiles à tous et constituent un amortisseur de stress. Les introvertis ont toutefois besoin de plus de recul.

Le home office n'est-il pas aussi apprécié parce qu'il est plus confortable?
Il est clair que les longs trajets pendulaires rendent malheureux. Certains travaillent de manière plus concentrée et gagnent du temps parce qu'ils ne doivent plus se rendre de Bâle à Zurich par exemple pour des réunions. Ils sont ainsi plus productifs.

D'autres sont heureux de pouvoir ainsi éviter des collègues désagréables...
C'est compréhensible. Mais le danger est que les conflits ne soient plus abordés que peu de temps avant l'éclatement, au lieu d'être réglés plus tôt autour d'un café.

Dans quelle mesure la cohésion est-elle affectée lorsque certains collaborateurs ne se présentent presque plus au bureau?
C'est un défi. Mais nous savons que les personnes entre lesquelles il existe de bons liens ont gardé des contacts étroits, même pendant le confinement. La difficulté apparaît dans l'équipe élargie, où vaut l'adage: loin des yeux, loin du cœur.

Les gens sont-ils moins créatifs lorsqu'ils discutent virtuellement plutôt que sur place?
Il existe une forme collective de créativité. Les idées surgissent souvent lors de la pause bavardage. De plus, les réunions en ligne sont incomparablement plus fatigantes pour nous, car l'interprétation de l'ambiance interpersonnelle sans contact visuel et avec un collègue de travail en format mini occupe une grande capacité mentale.

Comment concilier les différents besoins?
Nous recommandons la clarté au sein de l'équipe. Quand nous rencontrons-nous physiquement au bureau? Une journée, un jour et demi par semaine? Ensuite, il doit aussi y avoir de temps en temps un afterwork ou un déjeuner en commun pour renforcer les relations.

Comment se présentera à l'avenir la conjugaison entre télétravail et travail en équipe?
Tout dépend de plus en plus de la combinaison adéquate. Je pense qu'on se dirige vers un modèle où certains iront au bureau pendant quelques heures le matin, puis passeront l'après-midi à la maison. Le bureau est idéal pour le brainstorming et la collaboration intensive. La lecture, l'écriture ou les activités analytiques peuvent très bien se faire à la maison.

Certains supérieurs devraient se réjouir du fait que les employés en télétravail se font moins souvent porter pâles...
Il est certes plus facile d'effectuer une tâche à la maison lorsqu'on est malade, peut-être même depuis son lit si nécessaire. Même si ce n'est ni sain ni recommandé.

Certains se sentent sous pression pour en faire plus, afin que personne ne pense que l'on se repose...
Lorsque l'on travaille à la maison, le chef ne voit pas combien de temps on est resté au bureau. Le «Hé, tu es encore là, toi?» disparaît. On est moins valorisé pour les heures supplémentaires que pour le travail effectivement fourni.

La pandémie a été une expérience de terrain en matière de télétravail. Avec quelles conclusions?
Celui qui misait auparavant sur le télétravail devait éventuellement s'attendre à une baisse de régime de sa carrière. De nombreux préjugés sont désormais réfutés. Le travail à domicile n'est pas moins productif, il ne conduit pas non plus directement à l'isolement social. Mais cela nécessite davantage de communication, de feedback et de confiance. Les micromanagers ont plus de mal. Le télétravail est une grande ressource, mais il pose de nouvelles exigences.

Par exemple, en ce qui concerne l'aménagement des bureaux...
Lorsqu'un employé se rend sur place, il aimerait avoir des nouvelles de ses collègues et ne pas rester enfermé dans son bureau individuel. Dans un open space, en revanche, les espaces de retrait momentané sont essentiels. Car on sait que sinon, beaucoup se protègent du bruit et des distractions avec des écouteurs et que la communication en pâtit. Les zones de rencontre sont tout aussi importantes, les plantes sont également positives. Les lieux doivent refléter la culture d'entreprise et motiver les collaborateurs. Ils doivent se sentir à l'aise pour reconnaître les incitations à venir au bureau.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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