Mobilité douce
Pourquoi les Suisses craquent-ils pour les vélos électriques?

Après des ventes record en 2020, la petite reine électrique gagne encore du terrain en Suisse, et le phénomène n’est pas près de s’arrêter. Qu’est-ce qui séduit tant ces nouveaux adeptes qui n’hésitent plus à délaisser voiture ou transports publics?
Publié: 19.01.2022 à 10:12 heures
Alessia Barbezat

Pour fêter ses 30 ans, le compagnon et les amis de Valentina Lasso Gomez se sont cotisés pour lui offrir un e-bike, un Ella Ride Hybrid de la marque allemande Cube. Un cadeau longtemps convoité par la Lausannoise qui avait renoncé à la bicyclette classique, refroidie par les pentes de la capitale vaudoise. «Cela a complètement changé ma vie. Je l’utilise tous les jours, qu’il pleuve ou qu’il vente peu importe. C’est un moyen de transport gratuit qui me permet une grande flexibilité. Avant, je réfléchissais à deux fois avant de me rendre hors du centre-ville, tout est en pente et les trajets peuvent sembler une éternité. Dorénavant, dès que ça monte, j’enclenche l’assistance électrique qui me permet de pédaler sans faire d’efforts. Je peux me rendre à mes rendez-vous professionnels rapidement et sans arriver en sueur. Ça fait toute la différence.»

Valentina Lasso Gomez: «Le vélo électrique a complètement changé ma vie. Je l’utilise tous les jours, qu’il pleuve ou qu’il vente peu importe. C’est un moyen de transport gratuit qui me permet une grande flexibilité.»
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Des ventes en forte croissance

Elle n’est pas la seule à louer les qualités du véhicule à propulsion électrique. Les ventes explosent ces dernières années, en particulier depuis le début de la pandémie: la croissance a approché les 30% en 2020, avec plus 170'000 vélos électriques vendus, et les importations du premier semestre 2021 (+16%) présagent d’une croissance importante des ventes sur l’ensemble de l’année dernière (les chiffres de Vélosuisse pour 2021 seront publiés au printemps).

À Genève, la boutique Bikes2fold & Bikes2load ne désemplit pas. Bastian Jaccard, le responsable de projet, a assisté en 2020 à l’essor du vélo électrique comme moyen de transport. Une tendance qui s’est poursuivie en 2021. Quel est le profil de la clientèle? «Ce sont essentiellement de nouveaux usagers qui roulaient surtout durant leurs loisirs mais n’utilisaient pas la bicyclette comme moyen de transport. Plutôt des personnes actives, entre 35 et 55 ans. Egalement des seniors qui, grâce à l’avènement de l’électrique ont pu renouer avec les joies d’une balade sans effort et sans stress. Beaucoup de familles citadines aussi, qui ont troqué leur voiture pour un vélo cargo. L’électrique amène des solutions pour ces «actifs» qui souhaitent dorénavant se rendre au travail sans pour autant arriver en sueur et devoir prendre une douche. En ville, la circulation reste bouchée, on gagne énormément de temps en se déplaçant à vélo.»

Un moyen de transport à part entière

Les embouteillages genevois ont eu raison de la patience de Nadia Tanner, une naturopathe de 37 ans, qui s'est séparée de son automobile et s’est offert un vélo électrique d’occasion à 1200 francs. «Avant, j’étais accro à ma voiture mais en ville les bouchons te font perdre la raison. Sans compter qu’il faut encore passer une demi-heure à chercher une zone bleue pour la garer. J’ai besoin d’action, d’être dans le mouvement et d’arriver d’un point A à un point B sans perdre de temps.» Et les transports publics? «Attendre un bus, en changer, manquer la correspondance provoque un stress inutile chez moi. Il me fallait 40 minutes pour rejoindre mon lieu de travail. À vélo? 17 minutes. Ma vie est plus simple et cela me procure un sentiment de liberté et de sérénité.»

Toujours dans la Cité de Calvin, le musicien Nicolas Rabaeus explique avoir opté pour un vélo cargo à propulsion électrique pour transporter Alphonse et Lili. Ses enfants? «Non, mes deux chiens, répond le Genevois de 37 ans. De mon studio, situé près de Plainpalais, il me faut 10 minutes pour rejoindre les Berges de Vessy où ils peuvent se dépenser durant la pause déjeuner. Avant, c’était un véritable casse-tête logistique. Je ne pouvais pas me rendre au studio à vélo, il me fallait rentrer à la maison à midi, prendre la voiture pour les emmener se balader et chercher une place de parking, etc. Ça me simplifie grandement la vie et ça me permet aussi de faire de l’exercice, j’essaie de couper le plus possible l’assistance électrique.»

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Une amélioration du quotidien qui a toutefois un coût, le musicien a dû se délester d’environ 6000 francs pour acquérir son biporteur Bullitt fabriqué par la marque danoise Larry vs Harry. «Ce n’est pas donné, mais c’est une excellente marque, solide et très maniable. Et je le considère comme mon moyen de transport principal même si ma femme et moi, possédons toujours une voiture, que nous utilisons essentiellement le week-end.» Une réalité observée par Bastian Jaccard dans le magasin genevois. «Une majorité de familles citadines délaisse la voiture en semaine. Elle a été vendue ou est devenue un objet du week-end. Le phénomène a pris de l’ampleur avec la crise sanitaire. Nos clients ont sauté le pas par crainte d’entrer en contact avec le virus dans les transports publics.»

Les délais s’allongent

La pandémie a dopé les ventes de véhicules à pédalier électrique et il faut compter dorénavant 8 à 12 semaines pour obtenir l’objet de ses rêves: «Selon le degré d’urgence, le ou la client(e) devra faire des concessions sur la couleur ou les options désirées», dit le marchand Bastian Jaccard. Nullement pressé, Barnabé Devaux, 21 ans et étudiant en première année à la Haute Ecole d’Ingénierie et d’Architecture à Fribourg a attendu... une année et demie avant de pouvoir pédaler sur son Convercyle à 3000 francs, un engin urbain qui se déplie pour devenir un vélo cargo. «J’ai découvert cette petite start-up allemande sur Instagram. Leur communication était super efficace, je me suis mis à suivre leurs actualités et suis devenu un vrai fan boy. Entre le financement de leur campagne de crowdfunding, la livraison des composants retardée par la pandémie et l’obtention de la certification européenne, se sont écoulés 18 mois. Mais je ne le regrette pas. Son design est unique, je suis le seul à l’avoir dans la région.» Autre avantage? «Je n’ai plus besoin de prévoir mes journées en amont. Je le plie ou le déplie en fonction de mes besoins ou de mes activités.»

Le musicien Nicolas Rabaeus a opté pour un vélo cargo à propulsion électrique pour transporter ses deux chiens, Alphonse et Lili.
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Gain de temps, liberté de mouvement, paix d’esprit, les arguments en faveur du vélo électrique sont nombreux. Mais avant de commander votre bicyclette électrique et de pédaler cheveux au vent, Bastian Jaccard met en garde les néophytes: «Ce n’est pas parce qu’on a fait du vélo étant enfant que l’on sait rouler dans le trafic. Surtout avec des engins qui peuvent monter jusqu’à 45km/h. D’où l’utilité de suivre des cours de sensibilisation. Mais il est parfois difficile de le faire entendre à certaines personnes. Pourtant, il ne se passe pas une semaine sans qu’il y ait un accident devant le magasin. Certains se comportent comme de vrais dangers publics.»

Le Conseil fédéral s’est emparé du sujet à la veille de Noël et prévoit de sévir. Dès 2024, les véhicules électriques atteignant les 45 km/h devront être équipés d’un compteur de vitesse «afin de respecter les limitations en zone 20 et 30», précise le gouvernement. Avec, à la clé, une contravention de 30 francs pour les chauffards sur deux-roues qui s’affranchiraient des règles de circulation.


(En collaboration avec Large Network)

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