1er sacre de Federer à Wimbledon
«C'étaient les deux semaines les plus folles de ma vie»

Il y a 20 ans jour pour jour, Roger Federer s'imposait pour la première fois en Grand Chelem. Ses compagnons de route se souviennent de ce jour historique – des larmes de joie, du pouf souvenir et du chat Ginger.
Publié: 06.07.2023 à 13:10 heures
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Marco Pescio

Avec son triomphe en finale de Wimbledon contre l'Australien Mark Philippoussis (7-6 6-2 7-6), Roger Federer a ouvert la porte de son Olympe le 6 juillet 2003. Il s'agit du premier, et sans doute du plus important, des 20 titres du Grand Chelem de sa carrière, qui s'est achevée l'automne dernier. Blick est parti sur les traces avec des compagnons de route de l'époque et de sa famille.

Dans la petite ville suédoise de Sundsvall, le portable de Peter Lundgren sonne. L'entraîneur de «RF» à l'époque répond. Et il ne peut s'empêcher de rire en racontant son anecdote: «Après le premier titre du Grand Chelem de Roger, j'ai passé les plus belles vacances de ma vie. Chez moi, en Suède. C'était magnifique.» Mais cela s'explique en premier lieu par la disparition de la tension: «J'ai simplement ressenti de la joie et du soulagement. Roger l'avait bien mérité. Et c'était aussi une délivrance après toutes les critiques qu'il avait dû entendre.»

Rétrospectivement, c'est à peine imaginable, mais il y a effectivement eu une période où Roger Federer a eu du mal à s'imposer sur la grande scène. Au cours des cinq tournois du Grand Chelem précédant son premier triomphe à Wimbledon, il avait été éliminé trois fois au premier tour. Après sa défaite initiale à Roland-Garros quelques semaines plus tôt, la presse internationale se déchaînait.

Les larmes d'une légende. Roger Federer laisse libre cours à ses émotions après sa victoire à Wimbledon en 2003.
Photo: Siggi Bucher
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«Une question de temps»

«À l'époque, Roger était déjà le numéro 5 mondial, se remémore Peter Lundgren. Beaucoup de gens venaient me voir pour savoir ce qui se passait. J'avais le sentiment que l'on m'en voulait aussi. Mais j'ai senti le soutien de l'équipe de Roger. Et aussi de sa famille.»

Le téléphone avec la Suède est raccroché et le deuxième appel s'enchaîne. La personne au bout du fil: Robert Federer, le père de Roger. Lui aussi se souvient de cette période: «La teneur était partout la même: 'Enfin, enfin!' Les gens se demandaient si cela allait arriver un jour. Mais avec ce succès à Wimbledon, il l'a démontré à tous. Il a confirmé qu'il en était capable.»

Marco Chiudinelli, ex-tennisman professionnel et ami de longue date de Roger Federer, abonde dans ce sens: «Nous savions tous que Roger en était capable. Ce n'était qu'une question de temps. Sur ce point, tous les sportifs sont dans le même cas. Lorsque l'on atteint un grand objectif, un poids s'envole. Dans le cas de Roger, cela a eu pour conséquence qu'il a en quelque sorte développé une conscience de soi pour répéter ses succès.»

Un trois-pièces à Wimbledon

Il y a 20 ans, Marco Chiudinelli jouait en double avec le Croate Lovro Zovko. Les deux joueurs avaient réussi à se qualifier pour Wimbledon, mais avaient été éliminés au premier tour. Le 6 juillet, Marco Chiudinelli était déjà parti pour Montréal. Il n'avait alors pu féliciter son ami que de loin.

L'entourage de Federer était encore restreint à l'époque. Cette année-là, le jeune homme de 21 ans ne réservait à Wimbledon qu'un appartement de trois pièces au 10 Lake Road, où il vivait avec sa petite amie, Mirka, son coach, Peter Lundgren, et son physio, Pavel Kovac. Ce dernier devait dormir dans le salon, par manque de place. La mère, Lynette, avait assisté à la finale et aux festivités, mais le père, Robert, était resté en Suisse pour son travail.

«Je me souviens très bien du jour où la presse britannique m'a appelé pour me demander pourquoi je n'étais pas sur place, confirme le père de Roger. Je ne savais pas vraiment quoi répondre, alors j'ai dit: 'Je dois nourrir le chat à la maison'.»

Il avait alors dit à cette époque au tabloïd «The Sun»: «J'ai regardé le match chez moi avec quelques amis. Et bien sûr, je suis très fier de lui.» L'anecdote du félin a plu à la BBC: «Si seulement le chat Ginger avait aussi été sur place…»

Le commentateur n'avait rien préparé

D'ailleurs, à cette époque, tout le monde parlait de Roger Federer au niveau international. Le battage médiatique autour du jeune Bâlois était énorme. Tout à coup, tout le monde voulait quelque chose de lui. Et les médias suisses gagnaient soudain en importance dans le monde du tennis.

Jann Billeter commentait la finale de Wimbledon pour la SRF, la chaîne alémanique. «On n'arrêtait pas de frapper contre notre box de commentateur. De nombreux confrères nous demandaient des explications, tous voulaient des informations sur sa famille. Federer n'a pas seulement fait œuvre de pionnier pour le sport suisse, il a également ouvert de nombreuses portes à la télévision et aux médias suisses en général.»

Celui qui était encore un jeune commentateur il y a 20 ans a été «émerveillé» par ce que l'engouement pour Federer a déclenché – même chez lui. «Rétrospectivement, c'est l'une des expériences les plus intenses de ma vie de journaliste sportif, raconte-t-il. Le fait que cela se soit passé à Wimbledon a rendu les choses encore plus spéciales. Précisément à cet endroit – avec cette histoire particulière que l'on ressent dès que l'on pose le premier pied sur le court. Je me souviens très bien: j'étais très nerveux avant la finale. Mais en même temps, je ne voulais rien préparer au cas où il gagnerait – cela devait se passer spontanément.»

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«Je pensais que je ne gagnerai jamais à Wimbledon.»
Roger Federer
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Ce dimanche après-midi, le monde du sport tout entier avait les yeux rivés sur Londres. En Suisse alémanique, l'audience TV était supérieure à 600'000, avec une part de marché de plus de 60%. Est-ce que Jann Billeter se souvient de ce qu'il a dit au micro lorsque Federer a concrétisé sa troisième balle de match? «Je crois que c'était juste un 'oui', sourit-il. Je savais que c'était un moment particulier.»

Nous appellons son co-commentateur, Heinz Günthardt, et le joignons chez lui, dans le sud de la France. Lui aussi se sent transporté par 2003: «Au début, cela m'a paru irréel qu'un Suisse ait effectivement gagné à Wimbledon. Mais Federer l'a fait. Il est allé jusqu'au bout. Il y a des joueurs qui ne savent pas gérer le rôle de favori. Chez lui, c'est différent. Il m'a dit un jour: 'Si je suis le favori, je suis aussi le meilleur. Et cela m'aide.' C'est pour cela qu'il a triomphé ce jour-là.»

Un chemin parcouru d'embûches

Dans la tribune, la petite amie de Federer, Mirka Vavrinec, et le coach, Peter Lundgren, s'étaient étreints. Un énorme poids s'envolait pour les deux protagonistes. Ils le savaient: le chemin de Federer vers la finale n'avait pas été facile. Il avait été marqué par un lumbago qu'il s'était infligé lors de l'échauffement pour son 8e de finale contre Feliciano Lopez. Roger Federer s'était battu tant bien que mal pour atteindre les quarts de finale, profitant par la suite d'un report de match en raison d'une pluie incessante.

Il battait ensuite le Néerlandais Sjeng Schalken, lui aussi touché, et était rétabli à temps pour la demi-finale contre l'Américain Andy Roddick. Roger Federer avouera plus tard avoir ressenti d'énormes douleurs: «Je pensais que je ne gagnerai jamais ici.» Peter Lundgren qualifie cet incident médical de «grave», mais il est ensuite stupéfait de voir à quel point Federer l'a finalement bien supporté.

Le Suédois poursuit son récit au téléphone: «Roger a joué de manière incroyable. En fait, la demi-finale contre Roddick était déjà une finale avant l'heure. La dernière marche contre Philippoussis, il l'a franchie de manière fantastique. Et ensuite, tout a continué. D'abord les rendez-vous avec les médias. Puis le dîner des champions, pour lequel nous avons dû enfiler directement nos costumes.»

Les superstitions de son coach

Peter Lundgren rit à nouveau. «Ce n'était pas comme si nous avions dansé sur les tables ce soir-là. C'était les deux semaines les plus folles de ma vie. J'étais claqué, Pavel aussi. Et Roger aussi était exténué. Nous avons tout fait pour ce succès.»

Vraiment tout, comme l'explique le Suédois en faisant allusion à ses superstitions: «J'ai acheté spécialement un coussin dans la boutique de souvenirs. Car je trouvais que les bancs du box, qui existaient encore à l'époque, étaient bien trop durs. Quand Roger a commencé à gagner, j'ai repris le coussin à chaque fois. Il m'a porté chance. Aujourd'hui, il est chez mon fils à Göteborg – mais j'ai oublié de le faire signer par Roger. Je suis trop bête!»

Grâce à cette victoire, Roger Federer est devenu mondialement célèbre en un instant. Le lendemain matin, il déclarait: «Je ne suis plus une simple star du tennis. Ma notoriété prend maintenant une autre dimension. Déjà, les gens me parlent différemment.» À l'époque, Blick écrivait: «Des hordes de fans et de photographes attendent devant l'entrée de l'hôtel Savoy. Il y a un déluge de flashes lorsque Roger descend de la limousine avec son amie Mirka – comme pour la cérémonie des Oscars à Hollywood.»

Le début de la Roger-mania

Pause-café avec notre collègue Cécile Klotzbach. Il y a 20 ans, c'était son premier Wimbledon pour Blick. «Federer est certainement arrivé en retard au dîner des champions ce jour-là, se rémérore-t-elle. Ce n'est pas parce que le match a été long – il l'avait emporté en trois sets. La raison était plutôt l'éternel marathon médiatique qui suivait. C'était l'une de ses fameuses et longues conférences de presse, qui sont devenues par la suite la norme chez lui. Il prenait toujours beaucoup de temps pour les journalistes. Si quelqu'un voulait l'interrompre, il s'interposait. C'était génial. Et le lendemain matin, il continuait avec toute une série d'interviews dans l'appartement qu'il avait loué. Je me souviens encore très bien – les unes de la presse mondiale étaient étalées sur une table lorsque nous nous sommes présentés au rendez-vous.»

Au cours de sa carrière, Federer a eu toute une équipe de managers derrière lui. Mais au début, c'est son amie, Mirka, qui s'occupait des relations avec les médias. L'ancienne joueuse, alors âgée de 25 ans, déclarait à Blick: «C'est énorme. En cinq minutes, j'ai reçu trois demandes. Je ne sais pas si c'est le cas pour tous les vainqueurs de Wimbledon. Une vraie Roger-mania.» L'émotion était aussi palpable chez celle qui deviendra Mirka Federer: «Je suis si fière de mon Rogi!»

Sa vache à l'abattoir

Dans son pays aussi, tout le monde était aux anges. Le lendemain de sa victoire, le tournoi ATP de Gstaad envoyait un jet privé à Londres pour l'emmener dans les montagnes bernoises. «N'importe quel autre tournoi m'aurait été égal, expliquait Roger Federer. Mais à Gstaad, on m'a donné ma première wild card (ndlr: à 16 ans) et on a toujours été sympa avec moi.»

Arrivé dans l'Oberland bernois, le directeur, Köbi Hermenjat, et son vice-président, Claudio Hermenjat, l'attendaient. Avec eux, un cadeau de 800 kilos. Une vache nommée Juliette, à laquelle il rendra même visite plus tard sur l'alpage (et qui finira quatre ans plus tard à l'abattoir en raison d'une trop faible production de lait). C'est une anecdote en marge de son premier grand triomphe. D'autres images, elles, étaient devenues virales: ses larmes de joie. Les journaux en étaient remplis.

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«Il m'a dit que ces larmes étaient aussi pour son coach Peter Carter, décédé un an plus tôt.»
Cécile Klotzbach, journaliste à Blick
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Cécile Klotzbach repense à son interview avec Federer, lorsque celui-ci avait parlé de ses émotions. Il espérait pouvoir retenir ses larmes, mais n'y était pas parvenu: «Il m'a dit que ces larmes étaient aussi pour son coach Peter Carter, décédé un an plus tôt. Il espérait que celui-ci aurait regardé de quelque part. Mais il les a aussi dédiées à tous ceux qui l'avaient soutenu dans son parcours.»

Qu'en a pensé Jann Billeter, qui devait décrire en direct à la télévision ces scènes émouvantes? «Cela nous a complètement surpris, répond-il. Nous ne connaissions pas encore ce côté de lui. Ces larmes, qui sont devenues plus tard sa marque de fabrique, ont redoublé l'importance du succès. C'était très touchant, même pour moi, d'un point de vue personnel.» Et comme le titrait Blick à l'époque, c'étaient des larmes pour l'éternité.

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