«Je n'entendais plus mon fils pleurer»
Leonardo Genoni, l'ange gardien qui a fait d'une déficience une force

Avec ses sept titres de champion de Suisse et une médaille d'argent mondiale, Leonardo Genoni est à considérer comme l'un des meilleurs gardiens de l'histoire du hockey suisse. Pourtant, il possède une particularité étonnante: une ouïe déficiente.
Publié: 23.05.2024 à 08:59 heures
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Dernière mise à jour: 26.05.2024 à 19:40 heures
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Grégory BeaudJournaliste Blick

Il n'est pas rare de voir les stars de l'équipe de Suisse être choisies comme égéries de différentes marques. Certains s'affichent avec des montres de luxe au poignet. D'autres font la promotion de matériel sportif. Leonardo Genoni, lui, est ambassadeur d'une marque d'appareils auditifs. Étonnant? Pas vraiment si l'on sait que le gardien du EV Zoug en porte un depuis une dizaine d'années. Que ce soit dans la vie de tous les jours, à l'entraînement ou lors des matches, il ne se sépare pas de son soutien.

L'interview s'est déroulée lors du Mondial 2023 à Riga. Mais l'histoire est toujours la même. Leonardo Genoni s'assied et tourne subtilement sa tête pour présenter son oreille gauche. Celle qui fonctionne à 100%. Car aussi étonnant que cela puisse paraître, le gardien de l'équipe de Suisse possède une déficience de l'ouïe. «C'est à la suite d'un choc avec un adversaire lorsque je jouais aux GCK Lions, nous a-t-il confié. J'ai subi un traumatisme crânien et ai perdu de l'acuité à cet instant.»

Choc avec un adversaire

Si la baisse a été immédiate, Leonardo Genoni a mis du temps à s'en rendre compte. «Au début, tu te dis que c'est lié à la collision. Que c'est normal. Et puis j'ai remarqué que je devais beaucoup plus faire répéter les gens lors de discussions.» Les scènes banales de la vie de tous les jours ne l'ont pas inquiété. Mais il se souvient du déclic. «Un jour, je me suis rendu compte que je n'entendais plus mon fils pleurer. Je me suis dit qu'il y avait un problème et je suis allé faire des tests qui ont confirmé le problème.»

Photo: Getty Images

Il regrette le temps perdu entre la collision et la décision de prendre le problème au sérieux. «Tu as à peine 20 ans, cela fait bizarre de se dire que tu vas vivre toute ta vie comme ça, précise-t-il. Il faut un petit peu de temps pour comprendre le sérieux de la situation et, surtout, son irréversibilité.» Les contrôles ont prouvé que son acuité n'était plus que de 40%.

Ces résultats ont tout changé dans la vie du gardien qui a ensuite fait le nécessaire pour s'équiper en conséquence afin de poursuivre sa carrière qui, à l'époque, était prometteuse. «Je me souviens très bien du moment où j'ai pu entendre à nouveau parfaitement tout ce qu'il se passait autour de moi. C'était vraiment très émouvant, car tu te rends compte de tellement de petites choses. Cela peut paraître bête, mais rien que d'entendre les oiseaux, c'est magnifique. Je n'avais plus besoin de m'isoler et j'ai à nouveau pu être moi-même.» Même les pleurs de son fils qu'il entendait à nouveau lui ont parus agréables. Il rigole de la boutade: «Même ça, oui.»

C'est avec sa prothèse auditive que «Leo» a remporté ses sept titres tant à Berne, Davos que Zoug. A-t-il l'impression d'avoir vu ses capacités visuelles et sensorielles être améliorées durant la période où il a peut-être dû compense une ouïe déficiente? Il n'arrive pas à répondre à cette question. «Je ne peux pas l'exclure, précise-t-il. Mais je ne peux pas non plus le dire avec une certitude absolue. On parle finalement de légères nuances. Mais cela n'a pas été un frein à ma carrière. En un sens, c'est déjà une bonne chose.»

La trahison d'Hanlon

Depuis qu'il s'est équipé, Leonardo Genoni porte son appareil sous son casque. «Cela fait partie de moi. Je ne vois pas cela comme quelque chose de spécial, même si je comprends évidemment que cela puisse surprendre.»

Ce jeudi, c'est lui qui va, selon toute vraisemblance, être titularisé contre l'Allemagne pour les quarts de finale (jeudi à 16h20). En 2015, dans cette même ville d'Ostrava, il a suivi depuis le banc l'élimination face aux États-Unis. Le sélectionneur de l'époque, Glen Hanlon, lui avait pourtant promis le filet avant de se rétracter. «Exact», confirmait-il après le match joué contre le Canada. L'an dernier, il avait vu Robert Mayer lui être préféré. Mais cette fois-ci, il n'y aura point de mauvaise surprise. Et ce sera un Leonardo Genoni bon pied, bon œil... et bonne oreille qui sera devant le filet pour tenter de permettre à la Suisse d'attendre une nouvelle demi-finale, la première depuis 2018.

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