Reto Berra
«Je suis meilleur aujourd'hui que lorsque j'étais en NHL»

Le gardien de Fribourg Gottéron est le joueur du mois d'octobre. Reto Berra, 34 ans, a permis aux Dragons de vivre un début de saison faste. Il a accepté de tomber le masque pour se dévoiler.
Publié: 08.11.2021 à 10:21 heures
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Dernière mise à jour: 09.11.2021 à 10:27 heures
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Grégory BeaudJournaliste Blick

Après Damien Brunner en septembre, c’est Reto Berra qui est le joueur du mois d’octobre. Grâce aux performances remarquables du gardien international, Fribourg Gottéron a remporté dix matches consécutifs et s’est temporairement installé au sommet du classement de National League. Arrivé en 2018 sur les bords de la Sarine, le Zurichois est l’une des pierres angulaires du dispositif des Dragons qui pointent à la seconde place du classement au moment de la trêve dédiée à l’équipe nationale.

Les coulisses de l'interview

«Vous pourrez boire un café à 12h40 avec Reto Berra au Sports Café». Le rendez-vous est pris dix jours avant avec l'aide du service de communication de Fribourg Gottéron. L'occasion de se rendre à la BCF Arena pour assister à l'entraînement des Dragons. À 11h10, Reto Berra quitte déjà la glace. A-t-il oublié?

Une trentaine de minutes plus tard, il ressort du vestiaire avec un sac à la main. «Reto, tu n'as pas oublié?» Un furtif coup d'oeil au téléphone avant la réponse. «Pour tout dire, oui j'ai oublié. Vous vouliez boire un café? Ça vous va si on s'assied sur le banc et que l'on discute? Je dois aller récupérer mon chien.»

Finalement les «quelques minutes» se sont transformées en 25 minutes d'interview. Un temps qui aurait probablement été suffisant pour boire un café. «Quand on parle de hockey, j'ai tendance à m'emballer», rigole-t-il au moment de prendre congé.

«Vous pourrez boire un café à 12h40 avec Reto Berra au Sports Café». Le rendez-vous est pris dix jours avant avec l'aide du service de communication de Fribourg Gottéron. L'occasion de se rendre à la BCF Arena pour assister à l'entraînement des Dragons. À 11h10, Reto Berra quitte déjà la glace. A-t-il oublié?

Une trentaine de minutes plus tard, il ressort du vestiaire avec un sac à la main. «Reto, tu n'as pas oublié?» Un furtif coup d'oeil au téléphone avant la réponse. «Pour tout dire, oui j'ai oublié. Vous vouliez boire un café? Ça vous va si on s'assied sur le banc et que l'on discute? Je dois aller récupérer mon chien.»

Finalement les «quelques minutes» se sont transformées en 25 minutes d'interview. Un temps qui aurait probablement été suffisant pour boire un café. «Quand on parle de hockey, j'ai tendance à m'emballer», rigole-t-il au moment de prendre congé.

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Sous contrat jusqu’en 2024, le gardien de 34 ans ne s’est jamais senti bien dans sa peau et dans ses patins. Il nous explique pourquoi et comment il a changé son état d’esprit. Et, aussi, comment il gère les interactions avec les joueurs de champ. Ce qui n’est pas toujours une tâche aisée.

Reto Berra, la question est obligatoire. Combien de fois vous a-t-on fait la blague sur la montagne, la Berra, qui se trouve dans le canton de Fribourg?
(rires) Beaucoup trop de fois, déjà. Avant d’arriver ici, je ne savais pas que c’était une montagne. Je connaissais évidemment le panneau sur l’autoroute, mais je croyais que c’était un village. Donc forcément, les gens m’en ont parlé quelques fois. Ce sont davantage les personnes âgées. Les jeunes ne savent-ils pas qu’il y a une montagne nommée ainsi dans le canton? Mais vous savez le pire? Blick alémanique m’avait fait grimper au sommet de la Berra pour prendre une photo lorsque je suis arrivé à Fribourg.

Photo: Sven Thomann

Oui oui, ce sera la photo d’illustration de l’interview.
Non, vous êtes sérieux? Je n’ai plus du tout la même tête aujourd’hui. Vous n’en avez pas d’autre?

On ne change pas autant en si peu de temps.
Cela fait tout de même… Attendez… Cela fait tout de même trois ans, déjà. Bientôt quatre. Mon Dieu, le temps passe vite. Bon d’accord, utilisez-la. C’était marrant d’aller là-haut, je dois bien avouer. J’en garde un bon souvenir.

Parlons du temps qui passe, justement. Vous avez 34 ans. Comment vivez-vous le fait d’être plus proche de la fin que de votre début de carrière?
Plutôt bien, je dois dire. Mon rapport au temps n’est pas une source de stress. Bien au contraire, d’ailleurs. Je me rends compte que je me bonifie avec les années, notamment d’un point de vue psychologique. Aujourd’hui, je suis dans une optique de plaisir. Je suis là pour profiter des années qui me restent. Je ne suis pas naïf et je sais que je ne suis physiquement pas aussi fort qu’à mes 25 ans. Mes os et mes muscles ont tout de même souffert de la répétition des efforts. Mais paradoxalement, je suis meilleur aujourd’hui que lorsque j’étais en NHL.

Vraiment?
Oui, vraiment. Pour la simple et bonne raison que je me connais beaucoup mieux. Je me sens bien plus fort grâce à mon expérience. Physiquement, je sais ce que je peux et ne peux pas faire à tout moment. Je ne dois plus réfléchir à mes besoins en matière de préparation ou de régénération. Cela m’apporte beaucoup de calme et de confiance en moi. Sans oublier de l’énergie. De ne pas avoir à réfléchir tout le temps, cela aide beaucoup à jouer à un haut niveau.

Que pouvez encore améliorer?
Je vous le dis, mais vous ne l’écrivez pas d’accord? (il éclate de rire)

Promis.
Plus sérieusement, je pense que je peux tout faire un tout petit peu mieux. Un petit peu plus vite. Un peu plus efficacement. Comme gardien, les déplacements peuvent toujours être améliorés. Il y a des détails techniques spécifiques à mon poste qui peuvent encore être perfectionnés. Mais je préfère ne pas vous en dire plus, on ne sait pas qui lit vos articles (rires).

Plus tôt dans l’interview vous parliez du plaisir que vous avez aujourd’hui. Cela n’a pas toujours été le cas?
C’est surtout d’un point de vue mental que je n’étais peut-être pas aussi serein que je le suis aujourd’hui. Il faut apprendre à aimer cette pression que tu as tous les soirs sur les épaules. Pas seulement accepter de vivre avec. Mais l’accepter et l’apprécier. Je suis sûr qu’il y a des personnes qui viennent au monde et ne ressentent pas la moindre pression. Jamais.

Ce n’est pas votre cas?
Surtout pas! J’ai toujours eu besoin de trouver une façon de faire qui me convenait. Qui me permettait d’être en accord avec moi-même. Tout a toujours été un long processus pour moi entre les différentes déceptions et les défaites qu’il fallait apprendre à accepter. Durant ma meilleure saison, je me suis blessé au pied et j’ai dû mettre une croix sur la suite de mon aventure en NHL. C’était difficile. Mais je pense en être sorti plus fort.

Vous avez encore quelques bonnes années devant vous actuellement.
Oui, ce d’autant plus que j’ai trouvé un bon équilibre entre mon amour du jeu et mon expérience. Ce n’était pas le cas auparavant, comme je vous l’ai expliqué. J’ai envie de continuer aussi longtemps que possible à profiter de ce sport. Mais je saurai aussi m’arrêter au bon moment. Si mon niveau n’est plus à la hauteur, je saurai dire «Stop». J’espère encore avoir 5 ou 6 ans devant moi.

Sur ce que vous montrez depuis le début de saison, vous semblez en effet avoir encore de belles années devant vous…
C’est en équipe que cela se passe bien. Durant ce mois d’octobre, nous étions dans une spirale positive incroyable. Jouait-on mieux que lors des quelques récentes défaites? Pas nécessairement. Mais tout tournait continuellement dans notre sens. Nous avons mérité ces victoires, mais la réussite nous a accompagnés.

Le renfort de Raphael Diaz semble vous aider. Fribourg paraît beaucoup plus compact défensivement, non?
Absolument! La défense ce n’est pas que le problème des deux arrières et du gardien. Durant ces dix victoires de rang, j’avais peu de shoots et surtout peu de gros arrêts à effectuer. «Raphi» a joué un rôle dans cette évolution, c’est sûr.

Avouez-nous. Vous avez travaillé en coulisses pour qu’il vienne?
Durant les jours qui ont mené à sa signature, il m’a appelé et nous avons longuement parlé de Fribourg et des infrastructures à disposition. J’ai poussé pour qu’il vienne. Je savais qu’avec ses qualités sur et hors de la glace, il avait tout pour être extrêmement important pour notre défense. Lorsque j’ai appris qu’il allait venir, j’étais très content. En tant que gardien, c’est difficile d’être un leader. Je joue une tout autre position et tu n’as jamais été à leur place. Tu dois faire gaffe de ne pas trop parler aux défenseurs car il faut également leur montrer que tu leur fais confiance.

Reto Berra (à g.) avec Raphael Diaz et le sélectionneur national Patrick Fischer.
Photo: PKP/Pius Koller

Quels sont vos rapports avec vos défenseurs?
C’est spécial. Le plus important c’est l’effort. Ils doivent voir que je me donne de la peine. Que je fais tout mon possible pour arrêter les pucks. Quand un coéquipier en a conscience, il va plus facilement avoir tendance à se jeter sur un puck pour toi. Il verra que tu travailles si dur, qu’il doit se sacrifier pour toi. C’est le contrat de base entre un gardien et ses défenseurs. Il n’y a pas besoin de parler et de taper sur les épaules des gars dans le vestiaire en leur disant à quel point ils sont super. C’est sur la glace que cela se passe, pas ailleurs.

Sur la glace, vous ne leur parlez pas beaucoup?
Ha si si, je n’arrête pas. Je suis surpris que vous ne m’entendiez pas depuis le haut de la tribune.

Depuis le retour de fans, il y a trop de bruit…
C’est vrai. C’est tellement agréable, même s’il faut parler un peu plus fort. La saison dernière, lorsque nous regardions des vidéos de matches à huis clos, on n’entendait que mes cris (rires). C’était presque gênant.

Que leur dites-vous?
Cela peut être un positionnement en leur demandant de ne pas se mettre sur la ligne de puck pour me libérer la vue ou un conseil sur le timing. A-t-il du temps pour jouer? Sera-t-il sous pression? Doit-il passer derrière le but? Ils n’ont pas d’yeux dans le dos et je suis leur deuxième paire. Ces contacts sont tellement importants dans ce sport. Et puis c’est aussi important pour moi. Si je n’ai pas beaucoup de travail, cela me permet de rester impliqué dans la rencontre.

Si l’on se replace dans le contexte de votre arrivée à Fribourg, vous avez tout de même pris un risque de venir dans un club sans nouvelle patinoire, non?
Non car la construction de cette nouvelle enceinte était déjà prévue. Christian Dubé, le directeur sportif, m’avait d’ailleurs dit beaucoup de bien des infrastructures qui étaient en préparation à la place de Saint-Léonard.

Le résultat était-il à la hauteur?
Plus que ça. Je m’attendais à une arène moderne et multifonctionnelle comme dans beaucoup d’endroits. Mais c’est beaucoup plus que cela. Et nous le remarquons d’autant plus lorsque les fans sont présents. La saison dernière, c’était déjà incroyable de jouer ici. Mais sans ambiance, ça n’avait pas la même saveur. Depuis le début de cette saison, nous voyons une sacrée différence.

Mais tout de même. Un Zurichois qui débarque à Fribourg, ce n’est pas commun non?
Vous exagérez (rires). Depuis ici, je suis en deux heures auprès de ma famille à Bülach. Vous parlez tout de même à quelqu’un qui a été trimbalé durant cinq ans entre la NHL et la AHL. Dans un continent immense comme l’Amérique du Nord, c’est sûr que les voyages ont une vraie importance. Mais pas en Suisse.

Vous faites partie des cinq joueurs à avoir gagné deux médailles d’argent en 2013 et 2018. Que reste-t-il de ces tournois?
Beaucoup de choses. En 2013 à Stockholm, c’était une aventure extraordinaire. Dès le premier jour sur place, nous avions vu que ce serait spécial. La météo était géniale. La ville est fantastique. Nous avons commencé par deux victoires contre la Suède et le Canada et tout a roulé par la suite jusqu’en finale. Malheureusement, il nous a manqué un petit quelque chose pour nous imposer. Mais avec du recul, on garde surtout le positif.

Vous aviez joué la demi-finale contre les États-Unis et pas la finale. Cela vous reste-t-il en travers de la gorge?
Je ne le dirais pas ainsi. Durant tout le tournoi, nous avions alterné entre Martin Gerber et moi. C’était donc le choix logique de continuer ce qui avait fonctionné jusque-là. Imaginez si le sélectionneur national (ndlr Sean Simpson) avait décidé de m’envoyer devant le filet en finale, tout le monde n’aurait retenu que cela. Mais c’est sûr que je n’aime pas être sur le banc. Tu te sens impuissant. Comme lorsque tu es en tribunes et que tu vois quelqu’un se blesser. Tu sais bien qu’il a besoin d’aide, mais tu ne peux rien faire. C’est désagréable.

En 2018, c’était Leonardo Genoni devant le filet durant toute la phase finale…
Et il l’a totalement mérité. Je n’ai aucune amertume à ce sujet.

Reto Berra (à g.) et Leonardo Genoni, son coéquipier et concurrent en équipe nationale
Photo: Sven Thomann|Blicksport

Cette année, il y aura les Jeux olympiques de Pékin. Avez-vous déjà réservé votre ticket?
Ce que je peux vous dire, c’est que je vais tout faire pour m’y rendre. Je sais que je fais partie du cadre élargi, mais au final je vais me concentrer sur les prochains matches. Je sais que les journalistes n’aiment pas ces réponses, mais c’est pourtant un fait. Je vais déjà penser au prochain match. Ce sera face à Genève (ndlr l’interview a eu lieu jeudi dernier). Ensuite, il y aura la pause de l’équipe nationale et tout va s’enchaîner très vite. À moi d’être au niveau pour donner envie à Patrick Fischer de me convoquer.

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