Une star de la Nati à Genève
Coumba Sow: «L'ambition servettienne m'a convaincue»

Servette Chênois a réussi un coup inattendu en attirant la star de l'équipe de Suisse. La Zurichoise a préféré les Grenat à sa ville natale. Interview à la veille d'un choc au sommet.
Publié: 11.02.2023 à 13:36 heures
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Dernière mise à jour: 11.02.2023 à 14:43 heures
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Ugo CurtyJournaliste Blick

Dans cinq mois, Coumba Sow sera l’une des stars de l’équipe de Suisse à la Coupe du monde. Une compétition que l’internationale (31 sélections, 12 buts) va préparer sous les couleurs servettiennes. L’ailière raconte les dessous de ce transfert surprise. Victime d’un problème cardiaque, la Zurichoise a aussi tremblé pour sa carrière.

Le championnat suisse reprend ce week-end avec un choc entre les deux mastodontes du pays: le FC Zurich et Servette Chênois. Coumba Sow sera très attendue dimanche au stade de la Fontenette. La joueuse de 28 ans, pur produit de la formation zurichoise, fera ses débuts sous le maillot grenat.

Comment est-ce que ce transfert à Genève est devenu réalité?
Tout s’est fait très vite en fait. Ma situation au Paris FC n’était plus très stable. Mon temps de jeu a baissé depuis le mois de novembre. Avec la Coupe du monde cet été, je me devais de jouer un maximum. La solution servettienne s’est imposée rapidement.

Coumba Sow portera les couleurs servettiennes au moins jusqu'à la fin de la saison.
Photo: UCY
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Vous êtes aussi proche de Sandy Maendly, votre ex-coéquipière en équipe de Suisse, qui est coordinatrice sportive au SFCCF.
Oui, j’adore Sandy. On passait beaucoup de temps ensemble avec la Nati. Comme elle, je suis sérieuse sur le terrain, mais j’aime rigoler et lâcher la pression en dehors. Elle m’a parlé des ambitions de Servette et je lui fais confiance les yeux fermés.

Vous avez pourtant été formée au FCZ. Pourquoi ne pas y être revenue?
J’ai l’impression que trop peu de choses ont changé pour les femmes au FCZ depuis dix ans. Les progrès auraient pu être plus conséquents. Il n’y a pas assez de moyens pour l’équipe féminine. J’ai envie d’avoir une vraie influence ici à Servette. C’est incroyable ce qui a été accompli en seulement quatre ans. Je veux aider le club à grandir encore.

Vous êtes encore attachée à votre ville de Zurich?
Oui, j’ai grandi à Oerlikon. J’étais tout le temps dans le quartier. Les grands nous laissaient jouer au foot. J’ai commencé tard en club, d’abord, c'était le foot de rue. Je jouais avec Francisco Rodriguez. Il y avait aussi d’autres jeunes qui sont devenus pros, comme mon cousin Djibril Sow ou Saidy Janko. J’adore mon quartier et ceux qui y sont toujours suivent ma carrière à fond. Ils se sont tatoués le chiffre 11, pour Kreis 11, le numéro Oerlikon. On l'a aussi fait avec mon amie Barla Deplazes qui jouait au FCZ.

Ils ne se sont pas sentis trahis quand tu as signé à Servette?
Ils étaient choqués (rires). J’ai reçu quelques messages: «T’es sérieuse?» Mais ils ont compris ma décision et veulent venir me voir dès dimanche.

Est-ce que vous avez aussi discuté en amont avec Inka Grings, la nouvelle sélectionneuse de l’équipe de Suisse?
Oui, tout à fait. Elle m’a bien guidée, conseillée. Inka m’a aussi confirmé que le projet servettien était ambitieux, parce qu’elle a affronté l’équipe avec Zurich. Elle est restée très objective.

Cette saison se jouera à nouveau lors de play-off. Que pensez-vous de ce système?
Tout se joue sur quelques matches et la première partie de saison appartient vite au passé. D’un côté, j’aime le fait que cela amène du suspense. De l’autre, tu n’as plus le droit à l’erreur et tu joues beaucoup contre les mêmes équipes.

Une finale contre le FC Zurich, ça serait un rêve ou un cauchemar pour vous?
Non, j’aimerais vraiment que ce soit l’affiche de la finale et que Servette gagne le titre. Même si j’aime beaucoup de monde là-bas. Ce serait le moyen de montrer aussi que le travail et les ambitions paient, que le FC Zurich doit faire plus.

Vous laissez au Paris FC Eseosa Aigbogun, votre coéquipière en équipe de Suisse, mais surtout votre meilleure amie. La séparation n’a pas été trop dure?
On se téléphone et on s’écrit tous les jours. Mais c’est aussi bien de progresser chacune de son côté. Paris n’est pas loin de Genève et Eseosa m’a encouragée à partir. Elle comprend mon choix.

Vous avez passé trois ans à Paris. Quel est votre bilan?
C’était très intense, avec des hauts et des bas. Le Paris FC n’était souvent pas loin de battre les grosses équipes comme l’OL ou le PSG. J’ai aussi été confrontée à la mentalité française qui est spéciale.

Comment ça?
Ce sont des mauvais perdants, comme moi, donc cela m’a plus. Mais ils ont tout le temps tendance à râler, à être négatif. Aux Etats-Unis, j’avais vécu l’inverse où tout est «amazing». A Paris, j’ai dû me blinder mentalement. Cette adversité m’a aussi fait progresser.

Vous avez été éloignée des terrains pendant trois mois.
Oui, j’ai eu une myocardite (ndlr: une inflammation du muscle cardiaque) à cause d’une infection au Covid ou due au vaccin. J’ai dû arrêter durant trois mois. Au début, ça ne devait être que trois semaines. Je ne pouvais même pas faire du gainage. Cela a été dur à vivre. Mais, j’ai aussi vu que mon corps pouvait très vite récupérer une fois que j’ai eu le feu vert.

Est-ce que vous avez eu peur de ne jamais pouvoir rejouer?
Oui, on m’a dit que si je ne guérissais pas, le football, c'était fini pour moi. J’ai fait confiance à mon corps et tout s’est bien passé au final. Avant de signer à Servette, j’ai eu des tests. Tout est en ordre. Visiblement, mon cœur va bien, il est juste plus grand que la moyenne (rires).

En français, une personne au grand cœur, c’est quelqu’un de généreux. C’est aussi votre cas?
Oui, surtout avec les personnes que j’aime. C’est important de partager dans la vie.

Vous êtes aussi une personne engagée en dehors du football.
Il n’y a pas que le football dans la vie. Chacun a un rôle à jouer sur cette planète. Parfois, j’aimerais faire plus, mais il a déjà pas mal de sollicitations. Il y a encore beaucoup de progrès à faire pour plus d’inclusivité.

La question de l’égalité est notamment très présente dans le football.
Absolument, je vois par exemple la différence avec mon cousin, Djibril Sow (ndlr: qui joue à l’Eintracht Francfort en Bundesliga et en équipe de Suisse). Même si je suis très heureuse pour lui. Plus que le salaire, le vrai problème, c'est le manque de moyens et de soutiens. En Ligue 1, certaines joueuses n’avaient même pas de couvertures d’assurances. Des choses vraiment basiques. C’est pénible d’en être encore à ce stade en 2023. Le potentiel est là, on l’a vu avec l’Euro en Angleterre ou ces matches du Barça au Nou Camp. Si le football masculin a progressé, c’est aussi grâce aux investissements. Je ne comprends pas pourquoi les gens ont peur.

Avec Djibril, est-ce que vous avez aussi parlé des rémunérations en équipe de Suisse? Est-ce que la Nati masculine aurait dû être plus proactive dans ce dossier?
Oui, je trouve. Ça nous aiderait s’ils prenaient plus la parole. Je sais que c’est compliqué pour les hommes parce qu’ils sont parfois restreints par leurs contrats, qu’ils ont parfois des craintes à s’exposer. Mais, c’est dommage. Ils ont une plateforme énorme. Si certains font beaucoup, dont sont complètement muets. Il suffirait de partager quelques messages sur les réseaux sociaux. En fait, j’ai l’impression qu’ils ne se rendent même pas compte de notre réalité, de ce qu’on gagne ou qu’ils sont dans leur bulle.

L’Association suisse de football a augmenté les primes, mais il n’y a pas encore d’égalité salariale à proprement parler. Qu’en pensez-vous?
C’est un pas dans la bonne direction. C’est une initiative portée par un sponsor. Je pensais que d’autres suivraient, mais ça n’a pas été le cas. Il y a encore du travail. Mais, encore une fois, ce n’est pas qu’une question d’argent.

Qu’est-ce qui vous manque le plus?
Les structures, notamment dans la formation. Quand j’ai fait mes débuts à Zurich, j’allais encore au lycée. Je me levais à 6h, entre les études, mes entraînements et les devoirs, j’allais me coucher à deux heures du matin. Jour après jour. C’était normal pour moi, mais en partant aux Etats-Unis après, j’ai aussi pris conscience que c’était possible de faire autrement, d’adapter les programmes pour permettre aux joueuses de progresser et de tirer le niveau vers le haut.

Même en équipe de Suisse, certaines joueuses travaillent à côté.
Oui, j’ai aussi dû faire un apprentissage d’un an avec les enfants dans des garderies. Cela m’a beaucoup plu. Après ma carrière, j’aimerais devenir assistante sociale ou travailler avec des enfants qui ont des besoins particuliers.

Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Lugano
FC Lugano
6
4
13
2
Servette FC
Servette FC
6
-3
12
3
FC Zurich
FC Zurich
5
6
11
4
FC Lucerne
FC Lucerne
6
4
11
5
FC Bâle
FC Bâle
6
9
10
6
FC St-Gall
FC St-Gall
5
5
10
7
FC Sion
FC Sion
6
4
10
8
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
6
-4
5
9
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
6
-4
4
10
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
6
-7
4
11
FC Winterthour
FC Winterthour
6
-7
4
12
Young Boys
Young Boys
6
-7
3
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