Leen Heemskerk, CEO du Lausanne-Sport
«Un club comme Lausanne a besoin d'un directeur sportif»

Poste de directeur sportif vacant, ambitions en Super League, importance du public ou relation avec Ineos. Ces sujets, Leen Heemskerk les a abordés en long et en large avec Blick. Interview du CEO du Lausanne-Sport.
Publié: 14.07.2023 à 12:30 heures
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Dernière mise à jour: 16.07.2023 à 16:39 heures
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Matthias DavetJournaliste Blick

Il y a un peu plus d’un an, tout était bien différent au Lausanne-Sport. Le club venait d’être relégué, l’entraîneur et le directeur sportif faisaient leurs valises et le Néerlandais Leen Heemskerk décrochait le poste de CEO du LS.

En juillet 2023, tout semble bien plus calme à la Tuilière. Le club vaudois a décroché une promotion en terminant deuxième de Challenge Leage, il est de retour dans l’élite et l’entraîneur semble satisfaire ses dirigeants. Pour ce qui est du directeur sportif, le poste est toujours vacant. Mais cela n’empêche pas le CEO d’avoir de l’ambition pour son club. Et de pourquoi pas, à l’avenir, faire «une Leicester ou une Zurich». Interview de l’homme fort du Lausanne-Sport.

Vous êtes un homme assez discret. On vous voit assez peu dans les médias.
J’ai l’impression que je n’ai pas tant que ça à dire. Le plus intéressant, c’est de parler football et je pense qu’il est plus important pour les médias de s’adresser au coach à ce sujet… Ou à un responsable de l’académie si vous faites un sujet sur celle-ci. Mais s’il y a une question qui mérite une réponse «présidentielle», je serai là.

En mai 2022, Leen Heemskerk a été présenté à la presse.
Photo: Pascal Muller/freshfocus

Quand vous êtes arrivé à la tête du LS en mai 2022, vous aviez dit que vous ne connaissiez pas grand-chose au monde du football. Qu’en est-il, un an après?
J’ai beaucoup appris. Je ne dirais pas qu’au niveau de la tactique à proprement parler, je connais quelque chose au football. Mais c’est tout le contraire en ce qui concerne le fait de diriger un club de football – j’en sais beaucoup plus. Je fais des bons progrès et je m’y plais.

Vous pensez que cette méconnaissance était une faiblesse ou une force?
Je pense que c’était une force car j’avais le droit de poser des questions stupides – c’est toujours utile. Le fait que je vienne avec un bagage dans le business a aussi aidé.

Et vous appréciez venir au stade?
Oui. J’ai toujours été un grand fan de football et je traînais toujours dans des gradins. Mais la différence, quand c’est son propre club qui évolue, c’est que l’on connaît les joueurs, le staff et on sait ce qui se trame en coulisses.

Vous êtes beaucoup venu la saison dernière?
J’ai assisté à presque tous les matches à domicile – et quelques-uns à l’extérieur.

Et pour la saison qui arrive…
Pareil. C’est plus facile pour moi d’assister aux rencontres à domicile, comme j’habite à Nyon. Mais je ne me vois pas aller à beaucoup de matches à l’extérieur – à cause du temps que j’ai à disposition.

Mais vous avez maintenant des stades plus rapprochés, avec Servette, Stade Lausanne Ouchy ou Yverdon.
C’est un bon point (sourire) – c’est plus tentant. Et vu où j’habite à Nyon, il faut que je soutienne davantage le Stade Nyonnais (rires).

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«Avec tout le respect que j'ai pour le Lausanne-Sport, nous ne sommes pas autant imporant que Manchester United.»
Leen Heemskerk, CEO du LS
»

Sur un tout autre sujet, parlons de l’entraîneur. Vous entendez-vous bien avec Ludovic Magnin?
Oui, très bien. C’était un bon choix de débaucher Ludo. Quand il est arrivé, il nous manquait pas mal de joueurs et, avec Tony (ndlr: Chauvat, le responsable recrutement du LS), ils ont bien construit l’équipe. J’ai été satisfait par tous les transferts qu’ils ont faits la saison dernière. La dynamique entre nous trois fonctionne très bien.

Vous regardez dans la même direction?
Absolument. J’ai une anecdote un peu drôle. Dans le monde du business, on tisse des liens très forts avec des collaborateurs qui travaillent avec nous depuis 15 à 20 ans. Je discutais l’autre jour avec Ludo et je lui disais: «Tu sais statistiquement, dans deux ou trois ans, tu seras viré ou tu partiras de toi-même.» De ce point de vue des relations, le football est différent.

Donc vous essayez de ne pas être trop proche de lui?
Non, non, non (rires). Tout va bien.

Tirons un peu le bilan de la saison passée. Êtes-vous satisfait de comment les choses se sont terminées?
En étant si proche de l’équipe, je suis très content de la finalité. J’ai ressenti la pression. Et j’avais l’impression que tous les clubs sortaient leur meilleur match contre nous. C’était un peu trop intense à la fin mais il y a eu la promotion, et une grande fête.

Et d’un point de vue personnel, quelle conclusion vous tirez de votre première année à Lausanne?
Il fallait qu’on monte en Super League. On a besoin de rentrées d’argent, avec les supporters ou des sponsors de qualité. Pour moi, il y a encore du travail à cet endroit. La saison qui arrive sera intéressante et j’espère qu’on aura beaucoup de monde qui viendra nous voir. Une région comme le canton de Vaud et la ville de Lausanne mérite un club comme ça.

Avec le recul, auriez-vous fait quelque chose différemment?
(Il réfléchit) Non, je pense qu’on se développe bien. Quand je suis arrivé, beaucoup de joueurs et de membres du staff sont partis. Il fallait trouver l’entraîneur et les joueurs qui correspondaient – et je pense qu’on a fait les bons choix.

Quels sont vos objectifs pour la saison qui vient?
On veut bien sûr avoir une bonne saison en Super League mais on veut aussi créer de l’excitation autour de l’équipe – que les gens viennent au stade. On a besoin de ce genre de soutien à la maison. Et cela va directement se retransmettre sur le terrain.

L’année dernière, vous disiez que vous vouliez obtenir votre promotion devant 10’000 personnes. Lors du match quasi décisif contre Wil, il y avait 8000 spectateurs. Où pouvez-vous aller chercher les 2000 qui vous manquent?
Dites-le-moi (sourire). C’est vraiment notre objectif. Pourquoi ne voudriez-vous pas monter au stade, apprécier le match et rentrer chez vous? On va travailler dur là-dessus.

Le CEO a pris la parole pour la première fois au Papet du LS, en mai 2022.
Photo: keystone-sda.ch

Et l’ambition de l’équipe? Avez-vous un objectif de place au classement?
Une saison très solide en Super League, ce serait très bien. On ne veut pas avoir de panique liée à la relégation. Mais soyons réalistes, des clubs comme Bâle ou Young Boys vont probablement finir devant nous. On aimerait bien terminer à une solide place en milieu de classement.

Qu’en est-il du budget? Est-il plus important que l’année dernière?
C’est un assez grand budget mais ce n’est pas très loin de la saison dernière. Cette dernière était extrêmement coûteuse pour nous, car nous avions gardé un budget élevé, avec une équipe à un haut niveau. Mais on n’avait pas les rentrées d’argent de la Super League. C’était compliqué pour Ineos, avec un gros déficit. Cette année, on espère réduire ce déficit.

Pouvez-vous nous donner un chiffre?
Non, mais je peux vous dire que ce n’est pas le budget de Bâle ou Young Boys (sourire).

Pour atteindre cet objectif de milieu de classement, avez-vous besoin de recruter plus de joueurs ou êtes-vous satisfait avec l’effectif que vous avez actuellement?
Je suis surtout très heureux des deux dernières fenêtres de transferts. Les joueurs que nous avons recrutés à l’été 2022 et l’hiver 2023 sont ici et vont jouer. Et tous les autres qui sont sous contrat vont jouer en Super League avec nous. Cet été, nous nous sommes bien renforcés. Les cibles que nous avions ont été atteintes. Nous avons un effectif très complet pour la Super League maintenant. Ce n’est pas une grande équipe du point de vue de la taille – il y a encore, sur le papier, des endroits où nous pourrions engager et le mercato est encore ouvert. Mais maintenant, c’est surtout opportuniste. Il n’y a aucun besoin immense pour agir de notre côté.

Certains noms ont circulé, comme ceux d’Adrien Trebel et Steven Fortes. Pouvez-vous nous en parler?
Je les ai aussi vus passer. Mais ils ne rentrent pas en ligne de compte.

Vous êtes en Super League et vous n’avez pourtant pas de directeur sportif…
Non! (sourire)

Discuter des transferts avec Ludo, Tony et Matteo Vanetta, le nouveau directeur technique de l’académie, c’est quelque chose qui vous convient? Ou vous préféreriez engager quelqu’un?
Ma logique me dit qu’on devrait avoir un directeur sportif – et je pense que les trois autres aussi vous diraient ça. Mais la réalité est qu’il était tard dans la saison lorsque nous avons conquis notre promotion. Début juin, on était déjà tous actifs pour la nouvelle saison, et avec plutôt – je touche du bois – du succès. Il y a une très bonne harmonie entre nous. Oui, il y a toujours cette chaise vide… mais c’est comme si on n’avait pas eu le temps de la remplir. Mais à long terme – je ne vais pas le nier – un club comme le Lausanne-Sport a besoin d’un directeur sportif.

Quand vous parlez de long terme, vous pensez à pendant la saison qui vient ou à la fin de celle-ci?
Durant la saison.

Vous avez déjà parlé à de potentiels candidats?
Non, rien de concret. Des personnes ont fait des offres spontanées, mais je n’ai été engagé dans aucune discussion.

Si l’on se projette un peu plus dans l’avenir et sur les futures saisons… Est-ce que parler du titre à Lausanne est trop tôt ou est-ce que c’est un de vos objectifs en tant que président?
Je ne veux pas nous comparer à Leicester ou à Zurich – peut-être que je suis en train d’insulter quelqu’un par là-bas – mais si vous jouez toujours pour le milieu de classement, il y aura des saisons où vous allez jouer pour des places européennes. Ce serait fantastique d’obtenir ça – aussi du point de vue des revenus. Et ensuite, on peut continuer à rêver. Peut-être que si vous faites régulièrement des compétitions européennes, vous pouvez avoir plus d’argent, attirer des joueurs et peut-être que vous pouvez avoir une saison comme Zurich, durant laquelle vous battez Bâle et Young Boys. Mais pour ça, il faut rêver et nous n’y sommes pas encore. Je ne sais pas combien d’années ça va nous prendre mais je pense que la première étape est d’apprendre à gagner – même si c’est une victoire moche.

Changeons de sujet si vous le voulez bien et abordons votre firme, Ineos. Il est dit que votre patron, Jim Ratcliffe, est intéressé à racheter Manchester United. Si ça arrive, comment cela va-t-il impacter le LS?
Je ne sais pas… Avec tout le respect que j’ai pour le Lausanne-Sport, nous ne sommes pas autant important que Manchester United. C’est fou les chiffres autour de ce club. Je n’en ai pas discuté avec Jim. Mais je lui ai quand même dit que si Manchester United et Lausanne étaient les deux en Champions League, on aurait un conflit (rires). Nous, en train de rêver de Champions League…

Mais est-ce que quitter le Lausanne-Sport est une option pour Ineos?
Je ne vais pas commenter car je ne me suis jamais projeté sur cette question. Ce n’est pas dans mon champ d’action de répondre par la négative, car Jim pourrait très bien vendre toute son entreprise. On est très engagés en ce moment au LS. C’était compliqué pour Ineos avec la relégation la saison passée mais ça n’a pas été une discussion. Désormais, Jim et l’entreprise sont très enthousiastes à propos de la Super League.

A votre arrivée, il était écrit dans le communiqué que «la gestion de l’OGC Nice et du FC Lausanne-Sport sera séparée».
Oui, on se gère de manière indépendante ici. Personnellement, je n’ai rien à voir avec l’OGC Nice. Il y a juste notre responsable recrutement qui leur «vole» les données pour le recrutement. C’est seulement dans ce domaine qu’on leur demande un peu d’aide.

«Avec Ineos, on est très engagés en ce moment au LS.»
Photo: keystone-sda.ch

Cela signifie-t-il que les prêts entre Lausanne et Nice sont toujours facilités?
Oui. On a eu un bon deal sur Rares Ilie et on leur a même demandé s’ils avaient d’autres joueurs à prêter. Mais pour le moment, c’est le seul. Et quand on discute avec les footballeurs qu’on recrute, ils apprécient entendre parler de Nice.

Car ils savent que s’ils performent, ils pourront rejoindre le championnat français…
Correct.

Mais prenons le cas de Dan Ndoye. Il y a deux saisons, c’est un joueur de Nice mais il est prêté à l’un de vos rivaux, le FC Bâle. Comment est-ce possible?
A la fin, les gens sont toujours compétitifs. Des nombreux joueurs que Nice a prêté, peut-être que certains ne voulaient pas venir à Lausanne ou que leur agent leur conseillait de ne pas le faire. Ou alors, le club qui reçoit est peut-être prêt à mettre plus d’argent. Je n’étais pas là avec Dan Ndoye mais c’était sans doute ce genre de discussions.

Un dernier sujet dont je voulais vous parler est le fait que maintenant, il y a trois clubs vaudois en Super League avec les promotions d’Yverdon et du Stade Lausanne Ouchy. Considérez-vous ça comme une chance?
Je pense que c’est positif pour nous. Pour une raison que je n’arrive pas à comprendre, l’année dernière, lorsque nous jouions contre une petite équipe, il y avait 3000-4000 personnes au stade. Mais si on jouait Yverdon ici, il y avait 12’000 personnes. D’où viennent ces gens? Dans ce sens, je suis très excité à l’idée de jouer contre Yverdon, le SLO et Servette en Super League. Il y a l’occasion de faire de belles affluences.

Credit Suisse Super League 24/25
Équipe
J.
DB.
PT.
1
FC Lugano
FC Lugano
6
4
13
2
Servette FC
Servette FC
6
-3
12
3
FC Zurich
FC Zurich
5
6
11
4
FC Lucerne
FC Lucerne
6
4
11
5
FC Bâle
FC Bâle
6
9
10
6
FC St-Gall
FC St-Gall
5
5
10
7
FC Sion
FC Sion
6
4
10
8
Yverdon Sport FC
Yverdon Sport FC
6
-4
5
9
Grasshopper Club Zurich
Grasshopper Club Zurich
6
-4
4
10
FC Lausanne-Sport
FC Lausanne-Sport
6
-7
4
11
FC Winterthour
FC Winterthour
6
-7
4
12
Young Boys
Young Boys
6
-7
3
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