Patrick Foletti à l'interview
«Yann a souffert au Bayern, mais il a tenu bon»

Son arrivée à l'Inter Milan ne laisse aucune place au doute: Yann Sommer est, et reste, le numéro 1 en équipe de Suisse. Patrick Foletti, entraîneur des gardiens de la Nati, dit pourquoi Sommer ne pouvait pas être plus performant au Bayern que ce qu'il a été.
Publié: 07.09.2023 à 11:19 heures
Sebastian Wendel

En tant que Tessinois, parlez-vous désormais uniquement italien avec Yann Sommer?
Nous avons déjà rigolé à ce sujet! D'ailleurs, le premier SMS que je lui ai envoyé après sa signature à l'Inter, je le lui ai écrit en italien. Et j'ai déjà pu entendre à l'entraînement qu'il avait appris quelques mots en italien, pas forcément toujours beaux! Mais plus sérieusement, nous sommes habitués à parler en allemand sur le terrain et on va continuer ainsi, c'est plus simple.

Mais vous pourriez lui donner des cours gratuits...
Yann est très doué pour les langues, il va très bien y arriver sans mon aide! Il parle déjà bien espagnol et français, d'ailleurs.

Trois matches, zéro but encaissé. Vu de l'extérieur, il a réussi ses débuts à Milan. Qu'en pense le spécialiste du poste?
Je suis très satisfait également. Pour tout le monde à Milan, il est le numéro 1 et cela n'est pas à sous-estimer. Yann s'intègre parfaitement au système de Simone Inzaghi et à sa façon de jouer. Et puis, avec Gianluca Spinelli, il se trouve entre les mains du meilleur entraîneur de gardiens du monde. Avec lui, Yann peut encore franchir un palier, même à 34 ans.

La complicité entre les deux hommes est réelle.
Photo: TOTO MARTI

Devra-t-il adapter un peu son style de jeu en Italie?
Oui, sans doute un peu dans le domaine technique et tactique. À l'Inter, on travaille de manière très méticuleuse, très précise. Inzaghi n'accorde pas beaucoup de congés à ses joueurs et exige une intensité très haute à l'entraînement. Après huit ans en Allemagne, Yann se trouve face à un nouveau défi.

L'Inter peut-il rendre Yann encore plus fort?
Oui, clairement.

Murat Yakin a évoqué récemment les six mois compliqués de Yann Sommer au Bayern, se montrant très critique envers le club et son environnement. Partagez-vous son constat?
Il a utilisé une expression allemande que je ne connaissais pas en tant que Tessinois (rires)! Je le dirais ainsi: le football n'a aucune mémoire. Beaucoup de choses ont été dites et écrites, mais le passé ne m'intéresse pas. Ce qui est sûr, c'est que cette demi-année a été une expérience importante pour Yann, pour son développement. De ce point de vue, je suis heureux qu'il ait eu à la vivre. Même si tout n'a pas été beau et facile pour lui.

A-t-il été traité injustement?
En tant qu'entraîneur des gardiens de l'équipe de Suisse, j'aurais aimé plus de soutien, c'est certain. Les experts et les observateurs ont été durs.

Comment jugez-vous ses performances avec le Bayern?
Pas toujours optimales, aucune discussion là-dessus. Mais il faut surtout se poser la bonne question: était-il possible de faire mieux dans cette situation? J'en doute. Je ne suis pas sûr que beaucoup de joueurs en seraient sortis indemnes. Yann a reçu des coups, a vacillé, mais il n'est pas tombé. En perspective de tout ce qu'il a dû affronter, ses performances ont été excellentes.

Vous êtes également proche de lui sur un plan personnel. Les critiques l'ont-elles atteintes?
Il a souffert, ce qui est normal. Il s'est retrouvé pour la première fois en difficulté, à l'âge de 34 ans, après avoir toujours été sur la pente ascendante. Mais il s'en est sorti grâce à sa grande force mentale.

Sommer aurait pu rester au Bayern et se retrouver sur le banc après le retour de Manuel Neuer. Avez-vous évoqué ce scénario pour l'équipe nationale?
Si nous n'avions pas toujours une deuxième, une troisième ou une quatrième option en tête, nous ne serions pas en train de faire notre travail de staff. Mais nous ne devions pas non plus réfléchir uniquement en termes de probabilités. Ce qui est clair, c'est qu'en principe, le gardien titulaire de la Nati doit jouer régulièrement en club.

Combien de temps Yann Sommer va-t-il rester le numéro 1 de la Nati?
Je n'en sais rien. Ce n'est pas Yann qui va le décider, ni moi, mais Dame Nature, selon le principe de Darwin. Lorsque ce sera l'heure, un autre gardien sera dans les buts.

Qui décide du nom du gardien titulaire? Vous ou Murat Yakin?
J'ai le pouvoir de donner mon avis, parce que je suis proche des gardiens et que je les accompagne aussi en marge des rassemblements de l'équipe nationale. Avec Murat, nous échangeons beaucoup, et j'apprécie. Nous donnons nos arguments et à la fin, nous sommes tous convaincus du choix.

Les discussions ont été brèves récemment, non?
Je dirais que de manière générale, Murat et ses prédécesseurs ont toujours suivi mes propositions. Même si au début des discussions, nous n'étions pas toujours d'accord.

Murat Yakin a laissé entendre qu'avec le recul, il n'aurait pas forcément aligné face au Portugal, en 8es de finale de la Coupe du monde, les joueurs qui étaient malades. Y compris Yann Sommer.
Si un tel scénario devait à nouveau apparaître, nous serions mieux préparés. Ce qui ne veut pas dire que Yann ne jouerait pas. Nous examinerions les choses de manière plus globale, et non plus seulement du point de vue de certains titulaires qui se disaient aptes à jouer.

Gregor Kobel est-il le successeur naturel de Yann Sommer en équipe de Suisse?
Par rapport aux autres gardiens, ce n'est pas correct de le dire ainsi. Gregor est celui qui en est le plus proche aujourd'hui au travers de ses performances et de sa personnalité. Mais il ne peut pas se reposer sur ça, parce que plusieurs gardiens sont très proches de son potentiel: Jonas Omlin, Yvon Mvogo, mais aussi les plus jeunes Philipp Köhn, Pascal Loretz et Marvin Keller.

Gregor Kobel aimerait être numéro 1 et hier plutôt qu'aujourd'hui ou demain... Est-ce difficile de lui faire comprendre qu'il doit rester patient?
On pourrait le penser, vu de l'extérieur. Je connais Gregor depuis dix ans, nous avons trouvé une bonne manière de communiquer. Il a effectué un processus interne depuis plusieurs mois qui lui a permis d'accepter son rôle. Il réfléchit de manière globale et pas seulement en fonction de sa personne.

Qui avez-vous dans le radar après Yann Sommer, Gregor Kobel, Jonas Omlin et Yvon Mvogo?
Pascal Loretz est génial avec Lucerne. Nous observons Marvin Keller, il a un grand potentiel, même s'il ne joue pas régulièrement avec YB. Tim Spycher et Marwin Hübel, qui jouent désormais à Baden et Aarau en Challenge League sont aussi à suivre. Et puis, en M17 et en M18 aussi, il y a des gardiens avec des profils intéressants, mais je préfère ne pas les citer nommément aujourd'hui.

Anthony Racioppi est excellent avec YB. Pourquoi n'est-il pas un sujet pour la Nati?
Il était titulaire avec les M21, puis il a choisi un chemin pour sa carrière et cela a eu pour conséquence qu'il n'a plus beaucoup joué en club. Les circonstances ont fait que c'était difficile pour lui de mettre un pied en équipe nationale. Je l'observe attentivement et je vois qu'il a fait des progrès. Maintenant, on verra s'il reste titulaire à YB ou si David von Ballmoos lui repasse devant.

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