«Antifa, solidaire et autogéré»
Le FC Hardegger, un club lausannois qui (s')engage contre le fascisme

Il n'est pas impossible que vous ayez déjà croisé des maillots rayés noir et violet en ville de Lausanne. Ils appartiennent au FC Hardegger: une équipe lausannoise qui se revendique antifasciste. Blick a rencontré certains de ses membres avant un match.
Publié: 13.07.2024 à 12:20 heures
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Dernière mise à jour: 15.07.2024 à 11:52 heures
Nathan Clément

Plusieurs centaines de millions dépensés à chaque mercato, des désastres – tant humains qu'écologiques – qui ont rythmé les dernières Coupes du monde, le racisme dans les stades. Une liste non-exhaustive des maux du football moderne qui tend à faire oublier que le ballon rond s'est d'abord démocratisé dans une Angleterre ouvrière au XIXe siècle.

Une vision populaire du sport que revendique le FC Hardegger. Créé en 2022 par une bande d'amis, le club fort d'une trentaine de membres se décrit comme «antifasciste, solidaire et autogéré». Être un club antifasciste – à Lausanne – ça veut dire quoi? «On a la volonté de s'inscrire dans une tradition historique, explique Lola, l'une des fondatrices. De nombreux clubs antifa' se sont développés en revendiquant les valeurs sociales du football. Elles n'appartiennent pas à l'extrême droite.»

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«De nombreux clubs antifa' se sont développés en revendiquant les valeurs sociales du football. Elles n'appartiennent pas à l'extrême droite.»
Lola, joueuse au FC Hardegger
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Un nom revient fréquemment dans la conversation. Le Ménilmontant Football Club. Vieux de dix ans, le MFC 1871 (en rapport avec la Commune de Paris) se veut populaire, autogéré, autofinancé et militant. De ce côté de la banlieue parisienne – comme à Lausanne – on y mouille le maillot sur et en-dehors du terrain.

Le club a choisi le nom d'Hardegger en référence à Margarethe Faas-Hardegger.
Photo: FC Hardegger
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La solidarité comme créneau

En parlant de maillot, celui que portent les joueurs d'Hardegger est devenu une vitrine de leur militantisme. Charlotte, une autre membre de l'équipe, en est fière: «À travers lui, on peut revendiquer nos combats. On le porte partout. Parfois, on croise quelqu'un qui le porte dans la rue. C'est une manière pour les gens de nous soutenir.»

Violet, rayé de noir (ou l'inverse), le tissu que l'on croise parfois au détour d'une rue à Lausanne arbore plusieurs slogans: «Personne n'est illégal» en farsi (langue officielle en Iran) ou encore «Siamo Tutti Antifascisti» («Nous sommes tous antifascistes» en italien). En regardant le logo, le militantisme est tout autant explicite. Un poing levé vers le ciel devant les couleurs du club.

La vente du maillot participe à l'autofinancement du club.
Photo: FC Hardegger

Dans les faits, la dimension politique du FC Hardegger est-elle si importante? «Oui», répondent en chœur plusieurs membres. «Ça, c'est sûr». Lola continue: «La dimension politique est à l'externe, mais aussi à l'interne. On essaye d'avoir un cadre inclusif. C'est une équipe mixte – donc on intègre des femmes, des personnes issues de la migration. Il y a cette volonté d'ouvrir l'équipe à ceux qui n'y ont généralement pas accès. Mais il y a aussi évidemment tout ce qui est porté vers l'extérieur, dans nos revendications. On se décrit comme un club de foot antifasciste – les valeurs de solidarité sont centrales.»

A ce titre, plusieurs actions sont menées. Pendant l'Euro, le groupe organise des projections et récolte des fonds pour aider une famille à sortir de Gaza. Au mois d'octobre 2023, Le FCH avait organisé un tournoi et avait récolté plus de 4000 francs pour une organisation humanitaire palestinienne.

Un ovni qui plait

En Suisse romande, le FC Hardegger se retrouve bien esseulé à la pointe de la lutte antifasciste. Pour trouver des coéquipiers, c'est à l'international qu'il faut regarder. Les Parisiens de Ménilmontant, le Spartak Lecce (dans les Pouilles) ou peut-être le plus connu: le FC Sankt Pauli. Le club de Hambourg qui retrouvera la saison prochaine la Bundesliga après plus d'une décennie en deuxième division allemande.

Si le club fait figure d'exception dans le paysage footballistique romand, il n'en reste pas moins populaire. «On répond à un besoin», sort un joueur. Lola enchaine: «Il y a vraiment une demande pour ce football avec de la solidarité au centre. On est face à des dilemmes – on est presque surpassés.»

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«Je n'aurais jamais pensé rejoindre une équipe de foot»

Pour encadrer cet effectif, plusieurs joueurs expérimentés se partagent la casquette d'entraîneur. Plusieurs sont des anciens membres de clubs lassés des dynamiques qui persistent dans le foot de talus romand. «J'ai beaucoup joué étant plus jeune. Beaucoup. J'ai fait tous les juniors, puis de la 3e ligue. Un jour, j'en ai eu marre de ce monde très viril, très masculin. Je ne me retrouvais plus là-dedans», confie l'un d'entre eux. Un choix qu'il ne regrette pas le moins du monde: «Pouvoir partager ma passion, toutes les années que j'ai engrangées de foot, avec des personnes qui n'en ont jamais fait, je trouve ça merveilleux.»

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«J'ai fait tous les juniors, après de la troisième ligue. Un jour, j'en ai eu marre de ce monde très viril, très masculin. Je ne me retrouvais plus là-dedans»
Un joueur du FC Hardegger
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Il y a également des nouveaux aficionados du ballon. Parmi eux, plusieurs sont des femmes qui voient pour la première fois, avec le FC Hardegger, une structure qui ne les discrimine pas. Lola est l'une de ces footeuses qui le sont devenues sur le tard: «Honnêtement, je n'aurais jamais pensé rejoindre une équipe de foot. En tant que femme, je n'ai jamais vraiment été encouragée à la pratique du sport. Encore moins le foot, qui est souvent dans l'imaginaire collectif associé au virilisme ou à la masculinité.»

S'unir autour du ballon: un projet commun qui fonctionne

Le onze du FC Hardegger se veut solidaire. Plusieurs associations redirigent des personnes issues de l'immigration vers le club. L'occasion pour certains de continuer à pratiquer le foot, et, pour d'autres, de partager et d'appartenir à un groupe. Avec le bouche-à-oreille, les demandes d'intégration à l'équipe se font de plus en plus nombreuses.

Certains parlent de leur entraînement hebdomadaire comme du meilleur moment de leur semaine: Ils sont tous ensemble. Les retours sont bons, les potentiels membres sont nombreux. La question se pose certainement déjà en coulisses: faut-il monter une deuxième équipe?

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