Un bébé: mission (im)possible
«On a créé un crowdfunding pour financer notre FIV»

La procréation médicalement assistée par don de sperme sera ouverte aux couples de femmes mariées dès le 1er juillet en Suisse. La PMA reste un chemin parsemé d'embuches. Témoignage d'un couple hétérosexuel presque ruiné après être passé par deux fécondations in vitro.
Publié: 10.06.2022 à 16:42 heures
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Dernière mise à jour: 25.04.2023 à 14:35 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Cécile et Hervé se sont rencontrés en 2017 et, très vite, ils ont parlé d’être parents. «J’ai toujours rêvé d’avoir un bébé. Petite, je disais déjà que je voulais être mère au foyer», nous confie Cécile, assistante médicale de 36 ans. Cette fibre maternelle presque innée, elle se l’est même fait tatouer sur l’épaule gauche: une femme nue, entourée d’une fleur, avec un ventre tout rond.

Ça, c’était il y a plus de 10 ans. Aujourd’hui, cette envie d’enfanter ne l’a toujours pas quittée. Elle l’a d’ailleurs poussée à mettre en place un financement participatif pour l’aider à couvrir les frais d’une potentielle grossesse.

Cécile s'est fait tatouer une femme enceinte il y a environ 10 ans.
Photo: GABRIEL MONNET

Oui, parce que tomber enceinte est devenu un réel parcours du combattant pour ce couple vaudois. Après deux ans de «sport intensif», comme ils s’amusent à le dire, les amoureux ont commencé à se poser des questions. Ils consultent des spécialistes et font des examens médicaux.

Cécile et Hervé rêvent d'agrandir leur famille.
Photo: GABRIEL MONNET

En 2019, la nouvelle tombe: Hervé est infertile. «Je produis du sperme en petite quantité et les spermatozoïdes qui restent peine à être mobiles et efficaces.» Donner la vie naturellement, ça sera donc difficile à moins d’un petit miracle. La solution: la procréation médicalement assistée (PMA). «Nous avons parlé d’adoption mais c’est vrai que nous rêvons tous les deux de faire un enfant ensemble», avoue le jeune couple. Pour un résultat optimal, les experts leur conseillent d’opter pour une fécondation in vitro avec avec micro-injection intracytoplasmique (FIV-ICSI).

Première tentative ratée

S'ensuit alors injections d’hormones, prélèvements de sperme, anesthésie, ponction d’ovocytes et, enfin, transferts d’embryons. «Il y avait quatre embryons qui étaient congelés, on me les a implantés un à la fois. Malheureusement, ça n’a jamais pris. Ces quatre chances se sont révélées être quatre échecs, donc quatre deuils», confie la jeune femme de 36 ans, encore très marquée.

Cela fait bientôt deux ans que le couple tente d'avoir un enfant à l'aide de la PMA.
Photo: GABRIEL MONNET

Assis à côté d’elle, Hervé passe sa main sur son dos pour la consoler… Les amoureux se prennent alors dans les bras, s’embrassent et esquissent un léger sourire. «Heureusement, nous sommes soudés, c’est ce qui nous aide à continuer malgré les épreuves», confie l’ex-bûcheron devenu monteur de grue.

Pas de remboursement

En plus de toute l’énergie dépensée pour tenir le coup, la FIV est aussi une question d’argent. «En Suisse, peu de choses sont remboursées par l’assurance lorsqu’on entre dans un parcours de la PMA», précise Cécile. Seuls les spermogrammes, les frottis et les consultations chez l’urologue ou le gynécologue sont pris en charge, pour autant que la franchise ait été dépassée.

La PMA en Suisse

En Suisse, l'assurance de base ne rembourse que trois inséminations dans le cadre d’une infertilité qui découle d’une maladie ainsi que des traitements pour stimuler l'ovulation. Malheureusement, cela ne suffit généralement pas à tomber enceinte.

Par conséquent, les couples doivent financer eux-mêmes leur FIV qui coûte une dizaine de milliers de francs en moyenne, ce à quoi s’ajoutent en général d’autres frais. Au total, une tentative peut coûter environ 20'000 francs.

Depuis 2020, la caisse maladie complémentaire Sanitas propose de couvrir la procréation médicalement assistée sous certaines conditions. Sanitas couvre 75% des frais mais jusqu'à 12’000 francs uniquement, ce qui ne représente qu'une FIV. Sans oublier qu'il y a un délai d'attente de 24 mois à partir du moment où la patiente signe le contrat d'assurance.

En Suisse, l'assurance de base ne rembourse que trois inséminations dans le cadre d’une infertilité qui découle d’une maladie ainsi que des traitements pour stimuler l'ovulation. Malheureusement, cela ne suffit généralement pas à tomber enceinte.

Par conséquent, les couples doivent financer eux-mêmes leur FIV qui coûte une dizaine de milliers de francs en moyenne, ce à quoi s’ajoutent en général d’autres frais. Au total, une tentative peut coûter environ 20'000 francs.

Depuis 2020, la caisse maladie complémentaire Sanitas propose de couvrir la procréation médicalement assistée sous certaines conditions. Sanitas couvre 75% des frais mais jusqu'à 12’000 francs uniquement, ce qui ne représente qu'une FIV. Sans oublier qu'il y a un délai d'attente de 24 mois à partir du moment où la patiente signe le contrat d'assurance.

plus

Les amoureux ont donc dû payer plusieurs actes médicaux de leur poche comme la ponction d’ovocytes, la fécondation, la congélation des embryons, le transfert de ces embryons, les hormones… Lors de cette première année à tenter de concevoir un enfant de façon médicale, les deux jeunes trentenaires en ont eu pour quelque 24’000 francs.

Le couple doit tenir leurs comptes à jour, sans oublier la paperasse.
Photo: GABRIEL MONNET
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«À notre âge, il y a des couples qui investissent pour acheter leur première maison ou pour préparer l’arriver d’un enfant. Nous, on a pioché dans toutes nos économies pour en faire un», raconte Hervé. Après ces tentatives ratées, les deux tourtereaux ont décidé de faire une pause. Ce n’est que récemment qu’ils ont décidé de s’y remettre. «Le truc, c’est que nous n’avons bientôt plus de sous en réserve. On a donc créé un crowdfunding à la mi-mai. Jusqu’ici, nous avons réuni un peu moins de 4000 francs», explique Cécile.

Si les Vaudois étaient plutôt stressés au moment de leur première FIV, ils ont décidé de prendre les choses avec plus de calme cette fois. Un paradoxe, quand on sait que c’est peut-être leur dernière tentative, budget serré oblige.

La majorité des frais ont été couverts par leurs soins certes, mais les dons récoltés ont tout de même permis de combler un petit manque. Ces quelque 4000 francs généreusement offerts par une quarantaine de contributeurs ont pu payer les accotés comme les médicaments, la congélation et les transferts d’embryons. «Peut-être qu’à l’heure où on parle, une 'petite cacahuète' est en train de grandir en moi», lance la potentielle future maman.

Environ deux semaines après la récolte de dons, le couple s'est rendu au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) pour que Cécile puisse se faire transférer un embryon.
Photo: GABRIEL MONNET

Le 30 mai, la jeune femme s’est fait transférer un embryon. Elle saura bientôt si elle est enceinte ou non. «Je pourrais faire des tests de grossesse, mais je ne veux pas avoir de faux espoirs. Je préfère attendre ma prise de sang et être sûre du résultat.»

Une organisation quotidienne

Alors qu’elle avait opté pour des injections d’hormones pour favoriser une grossesse, Cécile a fait un autre choix pour cette seconde tentative sponsorisée au bon cœur des internautes: des pastilles composées d’hormones à prendre trois fois par jour. Elle a même mis une alarme sur son téléphone, afin de ne pas oublier.

En plus du réveil matinal pour aller au travail, Cécile a configuré trois alarmes sur son téléphone: une le matin, l'autre à midi et la dernière le soir. Il s'agit des heures où elle doit prendre ses hormones.
Photo: GABRIEL MONNET

«Eh oui, la PMA, on y pense tout le temps, elle fait partie de notre quotidien, jusqu’à atterrir sous forme de piqûre de rappel sur son téléphone», plaisante-t-elle avant d’ajouter: «Je n’ai pas voulu refaire des injections parce que c’est quand même assez impressionnant. Certes, ce n’est pas un plaisir de s’enfiler des pastilles, mais c’est moins violent.»

Et Monsieur alors?

Au moment où l’alarme sonne, Hervé regarde le téléphone et ne peut s’empêcher de réagir: «C’est frustrant quand même. Je ne peux rien faire du tout. Le souci vient de mon sperme mais je n’ai strictement aucune médication, rien. C’est parfois difficile à accepter.»

Pour Hervé, c'est parfois difficile de ne rien pouvoir faire d'autre qu'attendre.
Photo: GABRIEL MONNET

Malgré tout, Hervé n’a jamais eu honte de son infertilité. «J’en ai tout de suite parlé autour de moi. Je ne voulais pas que ce soit un tabou. Parce que non, être infertile ou stérile ne rend pas moins viril! Je veux dire, j’ai fait des examens génétiques et ma testostérone atteignait des pics…»

Hervé tente de libérer la parole concernant l’infertilité masculine et le recours à la PMA au sein d’un couple. «Vous savez, il y a tellement de gens qui font appel à la PMA. Plus que vous ne le pensez. C’est ce que j’ai pu constater lorsque j’ai commencé à en discuter avec mes proches ou des collègues», nous explique-t-il.

D’après l’Office fédéral de la statistique (OFS), un enfant sur quarante naît en effet grâce à une fécondation in vitro en Suisse. En 2020, cela représentait 2207 naissances exactement. De leur côté, Hervé et Cécile espèrent que bientôt, ils pourront, eux aussi, participer à l’augmentation de ce chiffre. Une chaise haute vintage est d’ailleurs toute prête à accueillir un nouveau fidèle propriétaire. «Nous n’avons pas pu investir dans du mobilier pour le moment. Mais on espère que cette vieille chaise qui a servi à ma sœur et moi, servira un jour à mon bébé», confie Cécile.

Cécile a gardé une vieille chaise haute pour son futur bébé.
Photo: GABRIEL MONNET


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