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Les vidéos de bagarres, un cercle vicieux qui isole certains jeunes

Des actes de violence commis, filmés et diffusés par des jeunes sont de plus en plus présents sur les réseaux sociaux. D'où vient cette évolution, quels sont ses effets et comment peut-on inverser la tendance? Blick a mené l'enquête.
Publié: 16.05.2022 à 14:18 heures
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Dernière mise à jour: 16.05.2022 à 15:40 heures
Dominik Mate

Avez-vous déjà aperçu des images brutales sur les réseaux? Le SonntagsBlick a posé la question à ses followers sur Instagram, et ce sont pas moins de 363 jeunes qui y ont répondu. Il va sans dire que le résultat est pour le moins… bouleversant: 86% de ces jeunes ont déjà été confrontés à des vidéos et autres clichés faisant l’apologie de la violence.

Des vidéos de bagarres font le tour du web à la vitesse de l’éclair et touchent des dizaines de milliers de personnes dans toute la Suisse. Selon Lothar Janssen, théologien, psychothérapeute et président de l’Institut suisse pour les questions de violence: «De tels affrontements n’ont pas forcément augmenté ces dernières années. Mais ils sont devenus plus visibles en raison du flux incessant de contenus qui est diffusé sur les réseaux.»

L’expert ajoute que les raisons qui poussent certains ados à relayer ces contenus se caractérisent par le sentiment de reconnaissance ou encore le besoin de se sentir fort. Une fois que l’adrénaline est redescendue après la bagarre, vient le boost de dopamine au moment de poster les images sur les réseaux sociaux.

La violence entre jeunes est toujours plus présente sur les réseaux. Souvent, les affrontements brutaux sont filmés et mis en ligne.
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Les ados instables: cibles privilégiées

Quelle est l’influence de telles vidéos sur les jeunes? Comment réagissent-ils aux scènes d’humiliation physique et psychologique? L’enquête démontre que ces violences sont généralement condamnées et même signalées par les individus présents sur Instagram et compagnie. Ces actes ne sont en aucun cas considérés comme cool. «Ce comportement ne s’applique toutefois pas à tous les jeunes», explique Lothar Janssen.

En fait, les jeunes qui ont la chance de vivre dans un environnement stable ne sont pas du tout friands de ce genre de contenus. «Mais malheureusement, les jeunes instables peuvent y être tout à fait réceptifs, continue Lothar Janssen. En effet, les auteurs de violence sont érigés en héros et permettent à certains ados sans perspective de s'identifier à eux. Ils représentent une sorte d’espoir de reconnaissance et de pouvoir.»

L'émergence en ligne de groupes islamistes ou d’extrême-droite repose sur le même principe: les jeunes qui consomment les contenus violents ont l’impression d’être reconnus et compris par la communauté et leurs nouveaux «amis». Ils finissent alors par s’isoler et se retrouvent dans un milieu où tout le monde partage la même opinion. Résultat: ils peuvent eux-même décider de s’essayer à la violence.

La censure n’est pas une solution

Que faire pour limiter la diffusion de vidéos violentes et protéger les jeunes? Selon Chantal Billaud, directrice adjointe de la Prévention suisse de la criminalité, la censure sur le Net n’est pas réaliste. À ses yeux, il est bien plus important de montrer aux jeunes les risques liés à ces problématiques et les aider à en comprendre les tenants et aboutissants. «Les parents doivent accompagner leurs enfants dans le monde numérique», note l’experte. Pour elle, le fait que les parents n’y connaissent pas toujours grand-chose en matière de technologie ne joue strictement aucun rôle. «En tant que parent, je n’ai pas besoin de savoir faire du snowboard pour imposer à mes enfants de porter un casque», illustre-t-elle.

Les enfants qui posent problème sont souvent ceux qui sont négligés à la maison et qui ne sont donc pas encadrés pour comprendre ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Lothar Janssen estime que les écoles doivent assumer cette fonction. Il essaie lui-même de remplir ce rôle en tant qu’enseignant. Pour lui, la clé du succès réside dans le fait de rester en contact permanent avec les jeunes: «Il faut des interlocuteurs qui soient crédibles, toujours prêts à apporter leur aide et qui se donnent pour mission de sensibiliser les ados à l’utilisation des réseaux sociaux.» Ainsi, le problème peut être combattu à sa source.

(Adaptation: Valentina San Martin)

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