Grève féministe du 14 juin
J'ai abandonné les tâches ménagères pendant 7 jours

Que deviendrait la maison si Madame boycottait les corvées domestiques? On peut imaginer que ça aurait été le bronx si nos mamies avaient osé franchir le pas. Mais qu'en est-il des jeunes couples hétéros aujourd'hui? Est-ce qu'on est vraiment sur du 50-50 en 2022?
Publié: 14.06.2022 à 11:57 heures
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Dernière mise à jour: 14.06.2022 à 15:08 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

«La Petite Maison dans la prairie», S7E12, ça vous parle? Non, à moins d’être une fan inconditionnelle de la série (c’est mon cas).

Dans cet épisode intitulé «Les Oleson», Caroline Ingalls se joint aux autres femmes de Walnut Grove et ensemble, elles décident de faire grève histoire de montrer tout le travail qu’elles accomplissent chaque jour. Bien sûr, les mecs galèrent comme jamais et finissent par se rendre à l’évidence: sans leurs donzelles, ce serait clairement le chaos.

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À l’occasion de la grève des femmes, je me suis dit qu’il fallait que je tente l’expérience. J’ai donc fait une grève domestique d’une semaine les sept jours qui précèdent le 14 juin. Même si, contrairement aux Ingalls, nous ne sommes plus au XIXe siècle et que j’estime que mon compagnon et moi nous partageons les tâches de manière efficace.

Une semaine à boycotter les tâches ménagères, c'est plutôt reposant.
Photo: Shutterstock

Nous nous répartissons en gros les lessives, la préparation des repas et les sorties de notre chien. Si les corvées sont partagées de façon équitable, le calcul diffère en ce qui concerne la charge mentale. Et oui, c’est souvent moi qui pense à anticiper certaines tâches. Mais depuis une semaine, c’est à lui de tout gérer. Journal de bord d’une gréviste.

Jour -7: L'appel de la poussière

Camarades, le premier jour de grève commence!

Si j’ai décidé d’abandonner toutes les corvées domestiques pendant sept jours, je suis restée flexible sur une seule chose: les sorties du chien. Une fois dehors aux aurores, je me demande si mon cher et tendre n’oubliera pas de faire le lit. Je l’ai sous-estimé car une fois de retour, le lit est parfaitement fait. Dans mes dents!

Je passe le reste de ma journée en télétravail. Entre un coup de téléphone et un passage à la cuisine, je me fige, glacée par l’effroi: un mouton de poussière est présent sur le sol.

Une force irrésistible (la pression sociale ou ma propre manie?) m’ordonne de le ramasser. D’autant plus que ce salaud me contacte par télépathie: «RAMASSE-MOI! PERSONNE N’EN SAURA JAMAIS RIEN. ET JE VAIS TE DIRE QUE JE…» Il est interrompu par mon chien qui vient de le gober…

En parlant de «manger», ce soir nous fêtons le premier anniversaire du Blick romand. Je m’éclipse donc en fin d’après-midi, laissant mon chéri seul avec la vaisselle et le toutou bouffeur de poussière.

Moi qui vis ma meilleure vie lors de l’anniversaire du Blick romand. Ma charge mentale a diminué et je trouve ça cool. J’avoue que je me demande ce que mon mec est en train de faire. A-t-il remarqué les moutons de poussière au sol? Je pense que oui et je ferais preuve de mauvaise foi si je disais qu’il ne prend jamais les temps de les ramasser (avant que le chien ne les gobe).
Photo: Alexandre Cudré

Jour -6: Au taff toute la sainte journée

Aujourd’hui, je suis à la rédaction. Pas de tâche ménagère en vue donc. Quoique… Je suis la main verte attitrée de l’open space. Ce qui veut dire que si je ne pense pas à arroser les plantes, personne (ou presque) ne s’en charge. Pour mener cette grève jusqu’au bout, je décide donc de ne pas m’occuper de la verdure. J’assiste donc, impuissante, à l’agonie de notre dragonier et de notre strelitzia nicolai…

Les plantes (mourantes) de la rédaction #RIP...
Photo: Valentina San Martin

Après réflexion, je réalise que c’est un peu pareil chez moi. L’une des tâches qui m’est exclusivement réservée, c’est l’entretien des plantes.

Il faut dire que je ne suis pas très douée mais je fais de mon mieux pour ne pas les tuer et avoir une déco plutôt sympa grâce à mon ficus et autres plantes grasses (faciles d’entretien).

Qu’on se le dise, sans moi, l’appart' serait complètement aseptisé. On n’aurait tout simplement pas de verdure ou alors ce serait tout sec par manque d’attention.

Ça me fait penser qu’il n’y a pas si longtemps, j’avais acheté une fausse plante en plastoc' histoire d’être sûre d’avoir un truc vert au cas où le reste devait mourir… Mon copain m’avait dit qu’acheter ce genre de trucs, c’était un manque de goût. Je me souviens que ça m’avait beaucoup vexée qu’il me donne son avis, alors qu’il ne prend pas le temps de s’occuper des vraies plantes. M’enfin qu’est-ce que vous voulez… dans la vie, il y a des cactus comme disait l’autre…

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Jour -5: Le début de la fin

À l’aube de ce troisième jour de boycott féministe, je me lève dans un drôle d’état. Un rhume? Une déprime? Non, c’est juste que ma cuisine est quelque peu en bordel, selon mes standards du moins. Mon lave-vaisselle est plein à craquer, le linge de cuisine est taché et la boîte autrefois remplie de café est vide. Ces petites choses dont je me serais chargée directement sont laissées de côté par mon compagnon. Rien de grave, mais là, elles commencent à s’accumuler.

Comme dit l’expression: «Le diable se cache dans les détails». Et il faut dire je suis quelqu’un d’assez maniaque en termes de ménage (merci maman). Rares sont les personnes qui ont le même niveau d’exigence que moi: c’est-à-dire le level Monica Geller.

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La boîte à café à remplir, la machine à laver la vaisselle à enclencher, des miettes laissées sur le set de table, l’enveloppe de points trophées Coop qui traîne depuis des semaines sur le comptoir de la cuisine, les chaussures qui sont constamment laissées en bordel dans l’entrée, l’anti-tiques pour le chien à aller acheter… Toutes ces choses qu’il considère comme accessoires, qu’il tend à oublier et qu’il ne remarque jamais lorsqu’elles sont gérées.

Alors, oui, je pourrais l’interpeller plutôt que de toujours me charger de toutes ces petites choses toute seule ou m’énerver dans mon coin. Mais voilà, je me dis que ça ne prend que deux secondes et surtout, l’idée d’endosser le rôle de maman en exigeant que les chaussures soient rangées, par exemple, ça me fout le cafard. Finalement, je n’ai pas envie de créer une dispute pour ce genre de trucs nuls.

La boîte à café est vide.
Photo: Valentina San Martin
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Voici donc l’une des premières révélations de cette expérience. Si mon chéri se charge de faire la cuisine ou de toutes les choses qui ne voulaient absolument rien dire pour nos grands-pères, voire nos pères, certaines petites corvées, elles, passent parfois à la trappe.

Lorsque j’en parle autour de moi, c’est clair comme de l’eau de roche: absolument toutes mes copines remarquent la même chose chez elles. Que faire pour améliorer la situation?

Le soir venu, je remarque que le lave-vaisselle mis en marche puis vidé et que la boîte à café a été remplie. Bon, j’étais peut-être un peu trop impatiente, c’est vrai. En revanche, l’enveloppe de points trophées est toujours flanquée sur le comptoir. Bref, 1 partout, balle au centre.

Jour -4: Et la lumière ne fut plus…

Voilà environ deux semaines que nous n’avons plus de lumière dans la salle de bains. Autant vous dire qu’aller aux toilettes une fois la nuit tombée, ça devient chaud.

Il n'y a plus de lumière dans notre salle de bain depuis quelques jours.
Photo: Valentina San Martin
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Apparemment, on est maudit puisque l’ampoule d’une lampe au salon commence à clignoter. On se croirait dans un épisode de «Stranger Things», c’est flippant.

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Ce qui devait arriver, arriva. L’ampoule pète et là je me dis: «Merde, une ampoule de moins et personne pour la changer». Heureusement, je me souviens qu’on en a un rab dans une armoire. «Euh… t’es sûre?», me demande-t-il. Affirmatif! Je sors donc une ampoule et je la lui tends. Il la prend et remplace l’ancienne. Il met ensuite la vieille ampoule dans un sac plastique à apporter à la déchèterie. Là, intérieurement, je panique… Le sac plastique va traîner dans la cuisine jusqu’à ce que quelqu’un pense à l’emmener… Sans parler du problème de la salle de bains qui n’est toujours pas résolu…

Jour -3: Bon week-end!

Premier jour du week-end: je sens que ça va être tendax. Par manque de temps, mon chéri n’a pas pu faire la lessive jeudi (notre jour). Résultat, la corbeille est chargée comme jaja. Mes soutifs et autres culottes qui débordent me font presque de petits coucous narquois quand je passe par-là. Ni une, ni deux, mon damoiseau dégaine des sacs Ikea et trie par couleurs. Il ne manque tout de même pas de me demander: «Les linges, on les fait à 60 ou bien?». Bah oui… «Non, je demande parce que pour moi, les linges et les draps peuvent très bien être lavés à 40, hein». La Monica Geller en moi n’est pas d’accord, mais passons.

Des kilos et des kilos d'habits à laver.
Photo: Valentina San Martin

Alors qu’il fait des allers et retours à la chambre à lessive, le tout chargé comme un âne, je ne peux m’empêcher de culpabiliser un peu. Je suis là, posée sur le lit à mater des vidéos TikTok et franchement, c’est pas cool. J’hésite à me lever et l’aider mais je me force à rester le cul posé. Lorsque nos regards se croisent, je baisse le mien parce qu’il faut le dire: je suis hyper gênée. Mais bon en même temps, une grève, ce n’est pas fait pour être sympa. Bien au contraire, l’idée c’est d’être chiant. Je crois que je mène ma mission d’une façon assez efficace puisqu'au moment de plier le linge et de le ranger, mon chouchou des îles me démontre sa frustration en tapant du pied ou en fermant sèchement les portes des armoires…

Si la grande majorité des habits ont été pliés et rangés, je remarque que trois de mes chemises et quatre de mes pantalons sont posés sur le dossier d’une chaise au salon. J’ose donc la question: «Pourquoi t’as laissé ces vêtements-là? Ils ne sont pas secs?», ce à quoi mon mec me répond: «Je ne sais pas où ça va». Là, dans ma tête une voix braille: «BAH T’AS QU’À DEMANDER, NON?». Mais par souci de maintenir la paix, je ravale ma bile et je me contente de ranger tout ça.

Encore une fois, je remarque que si les grosses tâches contraignantes sont faites, les petites choses sont laissées de côté, comme si c’était une évidence que j’allais passer derrière. Je suis énervée, lui aussi. Malgré le beau temps, le week-end ne va pas être très joyeux.

Jour -2: La dispute

«Je comprends ton initiative, mais t’as pas choisi le bon moment. J’étais débordé cette semaine et j’ai même fait des heures sup' tout le week-end. M’occuper de tout, tout seul, c’était de trop», voici les quelques mots que me lance mon cher et tendre dimanche. Je ne peux donc m’empêcher de lui rétorquer que comme ça au moins il se rendra compte de certains trucs. «Oui! Je me rends compte de ce que ça fait d’être une femme qui doit absolument tout faire à la maison parce que son mec ne fout rien. Or, je trouve que je fais quand même bien ma part, moi».

C’est vrai qu’il ne se comporte pas comme un rustre qui fout les pieds sous la table en attendant que je lui apporte un plat chaud. Encore heureux, on n’est pas dans les années 1950. Mais je crois qu’en 2022, on peut dire que chez les jeunes couples hétéros pas trop à la masse, ce genre de trucs va de soi. Le problème, c’est la charge mentale ou le fait de «penser à». Penser à ne pas laisser traîner mille moutons de poussières, penser à changer le néon de la salle de bains, penser à demander si on ne sait pas où ranger un vêtement… Lorsque je lui parle du problème, il est d’accord pour dire que c’est surtout moi qui endosse ce rôle. «Mais ça ne veut pas dire que je ne pense pas à faire certains petits trucs. C’est juste que contrairement à toi, je ne fais pas les choses dans la seconde mais quand j’estime qu’elles doivent être faites ou quand j’ai un peu de temps», m’explique-t-il.

Comme il a bossé tout le week-end, qu’il s’est occupé de faire à manger, vider le lave-vaisselle et faire la lessive, on décide de commander grec. Et deux souvlakis pour les tourtereaux, DEUX! Bon, il faut dire que c’est la fin de la semaine et que le frigo est quasi vide, on n’a donc pas vraiment le choix…

Jour -1: L'arroseur arrosé

Aujourd’hui, on fait le plein de bouffe. Pommes, saumon, de quoi faire des tortillas, Monsieur a pensé à tout. De quoi me boucler le caquet en somme. Avant de ranger le tout dans le frigo, il fait une liste des aliments avec leur date de péremption histoire de prévoir les repas en bonne et due forme. Cela fait une bonne année qu’il a mis ce système en place car on avait tendance à oublier certains trucs qu’on devait ensuite jeter…

Bon, on a de quoi bouffer pendant deux semaines.
Photo: Valentina San Martin

Moi, j’avoue que j’ai souvent la flemme de m’occuper de ça. S’il n’était pas là pour s’en charger, je ne pense pas que je le ferai de moi-même. Alors, la Monica Geller qui vit en moi aurait-elle déteint sur lui? Telle est la question!

Jour J: mardi 14 juin

Aujourd’hui, c’est jour de grève féministe. Aux armes citoyennes, sortez les banderoles!

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