Inaccessible en Suisse romande
«The Last of us», la nouvelle série géniale… que vous ne verrez pas

Adaptée du jeu vidéo éponyme, la série «The Last of us», produite par HBO, est une très belle odyssée intime autant qu’une aventure trépidante. Mais pour des raisons de droits, elle n’est pas accessible légalement en Suisse romande. Explications.
Publié: 16.01.2023 à 20:38 heures
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Il y a de quoi être frustré. Alors que la plateforme HBO vient de diffuser le premier épisode de sa série la plus attendue de l’année, «The Last of us», les critiques sont unanimes. Pour une fois, une adaptation de jeu vidéo tient toutes ses promesses. Et le périple d’un mercenaire et d’une adolescente à travers une Amérique frappée d’apocalypse relève autant de l’aventure haletante que d’une odyssée intime, le tout dans des décors magnifiques. Seulement voilà, les Suisses romands en sont… tout bonnement privés. Pour des raisons de droits de diffusion, «The Last of us» n’est pas accessible légalement de notre côté de la Sarine.

OCS a perdu les droits de diffusion

Jusqu’en décembre dernier en effet, c’est la plateforme française OCS, accessible en Suisse romande via Canal+, qui détenait les droits des productions HBO. De «Game of Thrones» à «Succession», tout passait par elle. Il arrivait également à la RTS de négocier des droits au cas par cas, comme ce fut le cas pour «Euphoria», diffusée sur son antenne 24 heures après la sortie aux États-Unis. Mais HBO n’a pas renouvelé son contrat avec OCS. Et pour cause, sa maison mère, Warner, prévoyait de lancer en Europe francophone sa propre plateforme, HBO Max. Ce qui n’est finalement jamais arrivé. En raison de coupes budgétaires, Warner a abandonné l’idée à court terme… sans pour autant trouver de solution de repli.

Jusqu’à jeudi dernier, il n’y avait donc guère qu’en Belgique que les Européens francophones étaient certains de pouvoir regarder «The Last of us», grâce à un accord passé entre Warner et Be.TV. À la dernière minute, les sériephiles français ont poussé un soupir de soulagement: dans l’Hexagone, c’est Prime Video, la plateforme d’Amazon, qui a récupéré les droits de diffusion, non seulement de «The Last of us» mais de toutes les prochaines productions HBO. Moyennant un abonnement supplémentaire, les Français pourront donc apprécier sans attendre la dernière saison de «Succession», par exemple.

Les pays francophones environnants ont tous trouvé des accords pour diffuser la nouvelle série HBO.
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Reste la Suisse romande, où aucun accord n’a été trouvé dans l’immédiat. Ni avec Prime Video, ni avec la RTS, qui a expliqué sur Twitter que les négociations étaient «en cours» pour une diffusion «d’ici cet été». Voilà donc les Romands contraints soit de patienter, soit plus vraisemblablement de passer par des moyens illégaux pour visionner la série.

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Une série impressionnante

C’est d’autant plus dommageable que celle-ci est époustouflante. Fidèle à la trame du jeu vidéo dont elle est adaptée, «The Last of us» plante son décor vingt ans après une terrible pandémie qui a infecté les trois quarts de la population mondiale, transformant les malades colonisés par un champignon en zombies. Les rares survivants aux États-Unis sont désormais sous la coupe d’une dictature militaire, à laquelle s’opposent des groupes rebelles. Joel, ancien ouvrier dans le bâtiment, survit en se livrant à tous types de trafics et d’exactions. Et lorsque des rebelles lui demandent, moyennant paiement, d’emmener la jeune Ellie par-delà les murs de sa ville, il accepte.

Bien sûr, «The Last of us» ménage ses effets et ses «jumpscares», avec des zombies et des séquences terrifiantes à la mise en scène redoutablement efficace. La photographie est également magnifique, là encore dans la droite ligne du jeu vidéo, unanimement salué à sa sortie en 2013 pour avoir su mêler parfaitement art vidéoludique et cinéma. Les décors de la production HBO poussent le curseur plus loin. Musée en ruines, villes détruites dévorées par la mousse, centre commercial laissé à l’abandon… certaines ambiances feront date. La patte de Neil Druckmann, le créateur du jeu, également cocréateur de la série, est aisément reconnaissable.

La métaphysique de la science-fiction

On sent aussi nettement celle de son binôme Craig Mazin, scénariste de «Chernobyl», à l’écriture virtuose. Car la grande réussite de «The Last of us» est d’embrasser la dimension poétique et métaphysique de la science-fiction. Les «infectés», comme on les appelle, n’ont finalement qu’une place réduite dans les neuf épisodes de cette première saison. C’est avant tout à une odyssée intime que l’on assiste, portée par les personnages de Joel et Ellie (interprétés respectivement par Pedro Pascal, agent anti-drogue opiniâtre dans «Narcos», et Bella Ramsay, la jeune Lyanna Mormont dans «Game of Thrones»). Leur relation de plus en plus intense, leurs traumatismes passés, leur redéfinition des limites entre le bien et le mal et leurs angoisses face à la fin du monde: voilà le véritable sujet.

Désireuse d’étendre l’univers du jeu vidéo, «The Last of us» se paie le luxe de consacrer des épisodes entiers à des flashbacks ou à des personnages secondaires (l’épisode 3 est ainsi une merveilleuse histoire d’amour étalée sur vingt ans). Parce que, et c’est la marque des grandes œuvres de science-fiction, elle s’intéresse moins à ce qui agite les zombies qu’à ce qui meut les hommes.

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