Guillermo del Toro sur Netflix
Comment la série «Cabinet de curiosités» réussit à mettre la chair de poule

Le réalisateur mexicain a créé une série d’horreur anthologique. Les huit épisodes, réalisés par autant de cinéastes, balaient à peu près tous les motifs du genre. Bien qu’inégaux, ils se dévorent sans déplaisir.
Publié: 31.10.2022 à 10:39 heures
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Margaux BaralonJournaliste Blick

Un pilleur de tombe pris au piège par des rats, un couple d’ornithologues dépressifs pris au piège d’une maison hantée, un jeune homme à la recherche de sa jumelle décédée… voilà quelques-uns des personnages que l’on peut croiser en ce moment sur Netflix, dans la série «Le Cabinet de curiosités». On doit cette anthologie horrifique en huit épisodes à Guillermo del Toro, réalisateur mexicain à l’origine, notamment, du «Labyrinthe de Pan» et de «La Forme de l’eau».

Non content de créer la série, il en a également écrit deux épisodes et s’applique à tous les introduire, à la manière d’un «Alfred Hitchcock présente». La réalisation, en revanche, a été confiée à huit cinéastes différents qui, toutes et tous, se sont déjà illustrés dans l’horreur. On retrouve par exemple Vincenzo Natali («Cube»), Jennifer Kent («Mister Babadook») ou Ana Lily Amirpour («A girl walks home alone at night»), mais aussi Catherine Harwicke (le premier «Twilight», qui est évidemment un film d’horreur, mais pour de mauvaises raisons).

«Le Cabinet de curiosités» souffre du mal inhérent à toute anthologie: tous ses épisodes ne se valent pas. Et certains, à commencer par «L’Exposition», aussi verbeux que laid, ne méritent pas le détour. Mais pour peu qu’on accepte qu’il n’y a pas là de quoi frissonner réellement, mais plutôt un ensemble assez cohérent de sketchs léchés, on y retrouve aussi de délicieuses petites friandises.

La série démarre sur les chapeaux de roues avec un épisode offrant pêle-mêle satanisme, garde-meubles et vieil héritage.
Photo: KEN WORONER/NETFLIX
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L’ouverture, «Le lot 36», réalisée par Guillermo Navarro (qui n’est autre que le chef opérateur préféré de del Toro) s’amuse ainsi à nous perdre dans les dédales d’un entrepôt de garde-meubles. Dans «L’autopsie», un médecin légiste découvre une créature monstrueuse dans un cadavre. Et «Rats de cimetière» se révèle très efficace dans sa mise en scène simple d’un homme obligé de ramper dans des tunnels à la poursuite de rongeurs mal intentionnés… avant que les rôles s’inversent.

Chaque cinéaste imprime sa marque

Guillermo del Toro a donné carte blanche aux cinéastes invités, et c’est tant mieux. Chacun parvient à imprimer sa marque en donnant à son épisode une atmosphère particulière. Certains sont plus friands du «body horror», d’autres d’ambiances gothiques, d’autres encore versent volontiers dans le thriller. Dans tous les cas, il y a toujours quelque chose à picorer dans chacun des épisodes, même les moins réussis présentant, par exemple, un excellent casting.

À l’inverse, les meilleurs morceaux sont ceux qui parviennent à amener la chair sanguinolente ou les monstres gluants vers autre chose. «Le lot 36», comme «Rats de cimetière», esquissent un portrait de l’Amérique profonde déclassée et percluse de dettes, toujours à la recherche d’un dollar pour se sortir la tête de l’eau. Dans «La prison des apparences», Ana Lily Amirpour met en scène une jeune femme pas très jolie si désireuse d’être acceptée par ses collègues superficielles qu’elle se tartine d’une crème supposément miracle qui la défigure peu à peu. Et si le message peut manquer de subtilité, la réalisatrice tire son épisode vers une morale ambiguë, ou plutôt une absence totale de morale, qui lui confère une épaisseur supplémentaire.

À la jonction du frisson et du questionnement existentiel

Les deux épisodes les plus réussis sont certainement «Murmuration» et «L’Autopsie». Le premier, que l’on doit à la géniale Jennifer Kent, suit un couple d’ornithologues endeuillés, partis à la poursuite de bécasseaux sur une île isolée au milieu d’un lac. Plus que le «jump scare», Kent est intéressée par la distance instaurée par le malheur entre ces deux êtres tour à tour épuisés, en colère ou plein de culpabilité. «L’Autopsie», en revanche, assume de s’inscrire plutôt dans la tradition du film noir (le réalisateur, David Prior, a notamment travaillé pour David Fincher) pour interroger le rapport de chacun à son corps et à sa propre finitude. C’est lorsqu’elle se pose exactement à l’intersection du frisson et du questionnement existentiel que la série touche le plus juste.

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