«Le Yodel est là pour connecter les gens. C’est vraiment le contraire de la politique»
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Melanie Oesch:«Le Yodel est là pour connecter les gens. C’est le contraire de la politique»

Mélanie Oesch: Queen du yodel
«Non, la youtse n'est pas une musique de vieux»

En pleine promotion son nouvel album, la reine du yodel, Mélanie Oesch, s'est entretenue avec Blick. Ensemble, nous avons discuté de son public, des clichés sur la youtse et même de hardstyle. Interview.
Publié: 23.08.2022 à 06:22 heures
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Dernière mise à jour: 23.08.2022 à 08:17 heures
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Valentina San MartinJournaliste Blick

Voilà 25 ans que la famille Oesch fait danser les Suisses au rythme de leur yodel revisité. La leadeuse du groupe, Mélanie Oesch, a profité de son passage en Suisse romande pour nous raconter son amour pour la youtse. Pour la jeune femme, c'est sûr, cette musique n'est pas qu'un simple chant traditionnel campagnard.

Être une femme de 34 ans et star du yodel à l’international, c’est tout sauf commun.
C’est vrai qu’on ne voit pas beaucoup de femmes de mon âge faire du yodel et partir en tournée à travers le monde (rires). Mais vous savez, quand j’ai commencé la youtse avec ma famille, on ne s’imaginait pas que ça prendrait une telle ampleur. En fait, la musique, c’est avant tout une passion. Quant au style un peu moins traditionnel qu’on propose au public, c’est vraiment ce qui me correspond.

Justement, elle vient d’où cette passion?
Je suis née dans une maison baignée par la musique. Mon grand-papa et mon papa ont joué dans plusieurs groupes, ma maman a chanté dans un chœur quand elle était jeune et ma grand-maman faisait partie d’un groupe de danseuses. Bref, toute ma famille aime la musique et l’a pratiquée d’une manière ou d’une autre.

Pour Melanie Oesch, le yodel n'est pas qu'un simple chant traditionnel campagnard.
Photo: IMAGO/Bildagentur Monn
Le grand-père et le père de Mélanie Oesch: Hans et Hansueli Oesch.
Photo: zVg

Ne vous êtes-vous pas un peu sentie obligée de faire de la musique car toute votre famille en faisait?
Non, pas du tout. C’était vraiment génial de grandir dans cet univers. C’était comme une école de la vie. Nous étions très jeunes, mes frères et moi, quand mon père et mon grand-père répétaient à la maison. La musique était d’abord une découverte et puis elle est devenue un art de vivre.

Pourtant, c’est en écoutant du yodel à la radio que vous avez découvert que c’était ça que vous vouliez faire.
Oui, c’est ça. Après avoir entendu un morceau, j’ai dit à Vätu (papa en Suisse allemand) que j’adorais ça. Il avait de l’expérience dans le yodel et il jouait aussi de la Schwytzoise. C’est lui qui m’a montré quelques trucs pour maîtriser la youtse. J’ai ensuite commencé à improviser et j'ai trouvé mon style. Aujourd’hui, je dirais que le yodel me permet de m’exprimer sans avoir besoin de mots.

Cette année, on fête les 25 ans du groupe Oesch’s die Dritten et les Suisses vous adorent. Mais faire du yodel vous a-t-il valu des moqueries dans votre jeunesse?
C’est drôle parce qu’on me pose souvent cette question. Mais pas du tout. Pour moi, c’était plutôt une sorte de vêtement qui faisait partie de moi. Souvent on me demandait de chanter ou d’expliquer ce que c’était. On me demandait aussi quand était ma prochaine représentation. En fait, le yodel a toujours été une sorte d’outil qui me connectait aux autres. Après, j’ai aussi fait une maturité spécialisée en musique, donc tout le monde était super intéressé par cet art.

En parlant de votre formation gymnasiale spécialisée en musique, depuis quatre ans, il est possible d’étudier le yodel à la Haute Ecole de Lucerne. Intéressant, non?
Oui, très. Mais il faut savoir que le yodel a plusieurs couleurs, plusieurs styles. Il y a la youtse très traditionnelle, il y a des chansons qui intègrent quelques petites notions de yodel et il y a des groupes qui modernisent cet art en y mettant des touches de jazz ou autres… Mais dans cette école, on a surtout une formation classique, ce qui constitue bien sûr une base merveilleuse. Je trouve très bien qu’il y ait ce genre de formations car ça participe à démocratiser la youtse. Mais en même temps, il y a tellement de styles différents qui valent la peine d’être écoutés…

Vous, vous avez votre propre style plutôt cadencé et vous êtes autodidacte.
Oui, comme je l’ai dit avant, c’est mon papa qui m’a enseigné le yodel. Je me suis aussi beaucoup entraînée de mon côté, en essayant de yodeler sur d'autres types de musique, par exemple. Avec le temps, j’ai compris que mon truc à moi, c’était un yodel très rythmé. J’adore ça. Mais ce n’est pas exactement ce que l'on appelle le yodel suisse traditionnel. Pour certains, ce que je propose avec ma famille, ce n’est pas vraiment du yodel helvétique.

Ah bon?
Oui… au début, certains puristes n’aimaient ou ne comprenaient pas vraiment la musique qu’Oesch’s die Dritten proposait. Mais avec le temps, je crois que les plus farouches ont compris et ils ont accepté qu’on s’inscrivait dans un autre registre. Quand on y réfléchit, dans la musique, il y a souvent des termes génériques dans lesquelles s’inscrivent d’autres choses. La folk a plein de sous-genres. Pareil pour le rock ou la pop…

Avez-vous déjà été peinée par ce genre d'opinions?
Non, je peux comprendre que ça ne fasse pas l’unanimité. Chacun sa sensibilité. Si on aime moins, on peut écouter autre chose et c’est ok.

En quoi la signature musicale d'Oesch’s die Dritten est différente de ce qu’on fait traditionnellement?
Eh bien notre yodel est composé de plusieurs couleurs. Mon père aime plutôt le traditionnel, ma mère la musique country, mes frères aiment le rock ou le blues et moi j’aime tout (rires). On a un peu mélangé tout ça pour en faire notre style bien à nous. On n’a jamais voulu se restreindre, au contraire. Je crois que ça se ressent dans notre musique. Et je dois dire que le public nous inspire aussi. Le but, c’est surtout de partager quelque chose avec eux.

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Malgré le souffle nouveau que vous insufflez à la youtse, diriez-vous que le yodel souffre encore du préjugé selon lequel c’est une musique paysanne, traditionnelle, voire conservatrice?
Oui bien sûr, ce genre de clichés sur le yodel est encore bien présent. Entre nous, je pense que tout cliché a sa part de vérité, mais pas que… Il y a tellement de choses en plus à explorer. Après, le stéréotype n’a pas que des désavantages. Je veux dire, si on veut présenter le yodel à quelqu’un qui ne le connaît pas, on va toujours montrer quelque chose de très typique et qui rentre parfaitement dans l’idée qu’on s’en fait. Le but, je pense, c’est que la personne qui découvre cette musique s’en souvienne. Et puis la deuxième ou la troisième fois, on va peut-être montrer quelque chose d’autre. La magie de la musique, c’est qu’elle a plusieurs facettes.

Je n’y avais jamais pensé mais c’est juste. Si demain je devais présenter le yodel à une amie qui n’y connaît absolument rien, j’opterais pour quelque chose de très classique, limite avec des chanteurs qui portent des vêtements traditionnels.
Oui, exactement! Et si on est honnête, tout le monde fait ça. J'avoue que quand j’étais plus jeune, je voulais atténuer ce côté vieillot. Je voulais casser ce cliché. Mais maintenant, j’accepte tout ça et j’ai compris qu’il fallait simplement trouver un autre chemin, une autre inspiration qui me correspondait davantage.

Bon, sans mentir, le yodel reste quand même une musique très appréciée des personnes âgées, non?
C’est ce qu’on pense. Mais non, le yodel n’est pas forcément une musique de vieux. Le yodel s'adresse à tout le monde: jeunes et moins jeunes. C'est une musique qui réunit les gens. Il suffit de venir en concert pour le constater.

Justement, est-ce que votre public est différent selon les régions où vous vous produisez?
Oh oui! Il y a beaucoup de différences. À titre personnel, je trouve vraiment super d’avoir plusieurs publics parce que c’est très intéressant pour nous de changer le programme en fonction des affinités des spectateurs. Nous avons par exemple le titre «Yodel-Time», qui est la chanson la plus connue dans le monde car elle est très streamée. Ici en Suisse romande, les gens l’adorent. C’est un peu l’hymne du yodel (rires). En Suisse alémanique, en revanche, on ne la joue jamais parce que les gens n’aiment pas. Franchement, dès qu’on passe la frontière à Berne, on voit directement que les goûts varient.

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Les Suisses allemands sont moins fun, alors…
(Rires) Je dirais plutôt que les Suisses allemands sont plus calmes, surtout au début des concerts. J’ai l’impression que de l’autre côté de la Sarine, on garde son énergie pour le final. En Suisse romande, le public est déjà à fond dès le début. Je remarque aussi qu’en Valais les gens sont beaucoup plus fêtards qu’à Berne. Enfin, peut-être que tout ça, c’est aussi un peu un cliché… Après, tout dépend aussi beaucoup du type d'événement où l'on se produit.

En parlant de la Suisse romande, vous êtes l’une des rares artistes suisses à avoir réussi à passer la barrière du Röstigraben, c’est quoi le secret?
Aucune idée. Entre nous, être super connus en Romandie et y donner beaucoup de concerts n’a jamais été un but. Mais je trouve ça juste génial. C’est très inspirant et ça permet à notre groupe de rafraîchir un peu notre français (rires). Une explication que j’aime bien, c’est que, peut-être, au-delà du fait d’apprécier notre musique, les gens ont surtout envie de faire partie de notre famille.

Vous chantez même quelques chansons en français. Avez-vous un attachement particulier à cette langue?
Il se trouve que c’était ma matière préférée à l’école! J’ai toujours apprécié le français, je ne sais pas pourquoi. Je trouve que c’est une belle langue pour chanter. J’aime bien parler en français aussi, même si parfois je cherche mes mots (rires). Le français fait aussi partie de la Suisse. Nous avons la chance de vivre dans un pays avec quatre langues. Alors pourquoi ne pas en profiter?

En plus d’être appréciée en Suisse romande, votre musique a été reprise par un groupe de hardstyle norvégien. Cette version a même été jouée au festival Tomorrowland en 2019!
C’est ça la musique, elle ne connaît aucune frontière et heureusement (rires)! Franchement, c’est cool parce que jamais on n’aurait pensé avoir une collaboration comme celle-ci. Pour tout vous dire, je ne sais pas du tout comment ce groupe nous a découverts. Ils nous ont simplement tagués une fois sur Instagram et quelques semaines plus tard, ils nous ont approchés pour parler de droits d’auteur et reprendre la chanson de manière officielle. De notre côté, on s’est dit: «Ok, pourquoi pas? On y va!»

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Est-ce que vous avez gagné de nouveaux fans grâce à cette reprise?
Eh bien c’est rigolo parce que nos voisins qui n’appréciaient pas vraiment notre musique ont commencé à aimer en découvrant cette version.

Dès le début tout le monde était motivé à être repris à la mode hardstyle? J’imagine que vos parents étaient sceptiques.
Non, au contraire. Tout le monde était assez étonné au début et puis on s’est dit que c’était cool d’être repris. Après c’est clair que ce n’est pas notre style et qu’on ne va pas présenter cette version sur scène. Mais on reste curieux et très ouverts.

Votre soif de faire de nouvelles découvertes ne semble jamais s’arrêter puisque vous avez récemment écrit un livre pour enfants…
Oh vous savez, j’aime beaucoup écrire. Ça me calme et ça m’aide à structurer mes pensées. Ce que j’aime, c’est observer les gens et imaginer des histoires. J’ai eu la chance de grandir dans une maison où vivaient trois générations. J’ai rapidement été confrontée à des points de vue très divers. Ça m’a permis d’aiguiser mon esprit d’analyse pour pouvoir ensuite raconter des choses.

«Elin» le livre de Mélanie Oesch raconte l'histoire d'une petite fille amoureuse de la forêt.
Photo: THOMAS LUETHI / HEG

Qu’est-ce qui vous a inspirée pour écrire cette histoire-là?
Plusieurs choses. Mon enfance passée dans la nature mais aussi mon amour pour le merveilleux. J’aime bien mélanger la réalité et la fantaisie. C’est ça qui a donné naissance à ce livre.

Pensez-vous parfois à vous reconvertir en tant qu’autrice ou vous vous imaginez faire du yodel toute votre vie?
Ah c’est une bonne question! Très honnêtement, je peux tout à fait m’imaginer aller encore plus loin dans l’écriture. Publier plusieurs livres pour enfants me plairait beaucoup. Mais je n’en n'oublie pas ma passion pour la musique. Pourquoi ne pas connecter les deux: écriture et musique? Je pense que les deux sphères peuvent très bien se compléter. Je peux aussi m’imaginer écrire pour d’autres groupes, un jour… ou venir en aide à des jeunes grâce à la musique et l’écriture. Franchement, l’univers des possibles est tellement vaste. Je ne peux pas m’arrêter sur une seule et unique option.

Les prochains concerts de Oesch’s die Dritten en Suisse romande
21/10/22: Conthey (VS)
22/10/22: Yverdon-les-Bains (VD)
19/11/22: La Chaux-de-Fonds (NE)
20/11/22: La Tour-de-Trême (FR)
09/12/22: Lausanne (VD)

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