Une Suissesse était dans de sales draps
Une maman de trois enfants a failli devenir blanchisseuse d'argent

Pour Karine P., agricultrice et maman de trois enfants, la recherche d'emploi sur Internet aurait pu très mal se terminer. Tombée sur des escrocs, elle a bien risqué de se mettre dans de sales draps.
Publié: 19.09.2022 à 19:54 heures
Michael Sahli, Nicolas Lurati

Certaines escroqueries sont conçues pour faire de leurs victimes des complices. Karine P.*, une Suissesse qui vit en Argovie, a bien failli tomber dans un tel panneau sur Internet. «Il s’en est fallu d’un cheveu que je ne devienne blanchisseuse d’argent!», souffle-t-elle à Blick.

Cette femme de 45 ans, mère de trois enfants, aurait en effet pu se rendre punissable aux yeux de la justice suisse. Elle gère avec son mari une petite exploitation agricole. Et cette Argovienne aimerait bien trouver de quoi mettre du beurre dans les épinards: elle cherche donc depuis quelques temps un petit job pour compléter son activité principale. «J’ai écumé sur le Net les annonces de jobs à temps partiel en home office», explique-t-elle. Elle veut rester disponible pour sa famille et lorsque son mari a besoin d’un coup de main à la ferme. Elle souhaite un travail avec des horaires flexibles.

Après de longues recherches sur Facebook, elle tombe sur une annonce qui semble répondre à tous ses critères. Une société immobilière établie en Suisse romande cherche à s’étendre en Suisse alémanique. Elle veut embaucher une «assistante du représentant régional». Les conditions? Six heures par semaine, à répartir de manière flexible, pour un salaire mensuel de 2400 francs.

Karine P., maman de trois enfants, était à la recherche d'un petit boulot compatible avec son quotidien familial.
Photo: Philippe Rossier
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La rétribution paraît élevée, poursuit à Karin P. «Mais l’entreprise existe vraiment en Suisse, il y a même un site Internet», affirme-t-elle. Après son inscription, elle reçoit même des documents rédigés dans un allemand parfait. De quoi dissiper ses premiers doutes.

Le job? Transférer de l’argent de son compte à l’étranger

La maman de trois enfants remplit alors différents formulaires. Et se renseigne sur le type de travail dont il s’agit réellement. Mais là, elle va de surprise en surprise. «Connaissez-vous un bureau de poste dans les environs et si oui, combien de temps faut-il pour s’y rendre?» Le prétendu service RH lui pose des questions de plus en plus étranges.

Après plusieurs e-mails et après que Karine P. a donné son adresse et d’autres informations personnelles, elle comprend quelle est la teneur de sa mission: recevoir de l’argent et le transférer à l’étranger depuis son propre compte. C’est là que la candidate réalise vraiment que ce prétendu job d’appoint est trop beau pour être vrai.

L’entreprise indique sur sa page d’accueil qu’il s’agit de «paiements de loyers» qui doivent être reportés. Dans la description de l’emploi, on trouve même des exemples: «Bob, l’assistant du représentant, a reçu le montant sur son compte bancaire. Il s’est connecté à sa banque en ligne et a transféré le paiement du loyer au client en Turquie.» Ou encore: «Michelle, l’assistante du représentant, a reçu le montant sur son compte bancaire. Michelle s’est rendue physiquement à la succursale de la Western Union et a envoyé le paiement au client en Australie.»

Le proprio de l’entreprise ne sait rien… et ne veut rien savoir

L’arnaque en question est bien connue. Elle a même un nom: elle implique de servir de «Money Mule», c’est-à-dire de passeur d’argent. La définition? Le transfert à l’étranger «d’argent gagné de manière délictueuse», avertit la police cantonale de Zurich sur son site cybercrimepolice.ch. Ce qui est particulièrement perfide dans cette arnaque à l’argent sale? Tous ceux qui y participent prennent part au blanchiment d’argent. Et c’est ainsi que l’agricultrice argovienne aurait pu se retrouver avec une inscription au casier judiciaire au lieu d’un job d’appoint.

Les gérants de cette fameuse société, un couple** originaire du canton de Vaud selon le registre du commerce, n’ont pas souhaité répondre aux questions de Blick. Ils ne sont au courant de rien, a rétorqué l’un d’eux au bout du fil, avant de raccrocher.

Elle risquait de se rendre complice de blanchiment d'argent.
Photo: DR

Pour Karine P., la recherche d’emploi se poursuit. Mais dans l’immédiat, elle pense plutôt tenter sa chance hors ligne. En effet, l’annonce suivante sur laquelle elle était tombée s’est également révélée être une arnaque. L’employeur était fictif, mais demandait une «avance» sur le matériel de travail. Encore une arnaque classique.

* Nom modifié

** Noms connus de la rédaction

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