Une rune utilisée par les SS
Deux UDC romands likent un symbole «nazi» sur Facebook

Deux membres de l'Union démocratique du centre (UDC) ont liké la photo de profil d'une figure de l'extrême droite condamnée par la justice, où l'on voit une rune d'Odal, un symbole utilisé par la 7e division SS. L'un d'eux l'a même tatoué sur son bras.
Publié: 08.11.2023 à 15:35 heures
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Dernière mise à jour: 08.11.2023 à 17:31 heures
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Antoine HürlimannResponsable du pôle News et Enquêtes

C’est un symbole cher au cœur des suprémacistes blancs. Au point que le National Socialist Movement, le plus important groupe néonazi des États-Unis, l’a préféré à la croix gammée pour «mieux s’intégrer et de s’adresser à un plus grand public», écrivait en 2017 le très sérieux média québécois La Presse. Alors pourquoi deux membres de l’Union démocratique du centre (UDC) «likent» cet emblème sur Facebook? Et pourquoi l’un d’eux l’a même encré sur son bras droit?

Posons le décor. Philippe Brennenstuhl, président du Parti nationaliste suisse (PNS), arbore une nouvelle photo de profil sur le réseau de Mark Zuckerberg depuis le 20 septembre. Ce Vaudois, condamné définitivement par la justice ce printemps pour discrimination et incitation à la haine après une allusion aux «invraisemblances dans l’histoire de la Shoah», y montre au premier plan son casque de moto.

Philippe Brennenstuhl, président du Parti nationaliste suisse (PNS), sur la plaine du Grütli, en 2007.
Photo: Keystone

Celui-ci est flanqué d’une rune d’Odal, la fameuse figure appréciée par l’extrême droite depuis des décennies. À tel point que la 7e division SS l’utilisait même comme logo, souligne la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme). Au total, 53 personnes aiment l’image postée par le sexagénaire. En regardant de plus près cette liste de personnes, deux noms sont familiers: celui de Christophe Loperetti et celui d’Eric Bertinat.

Les UDC Christophe Loperetti (fond vert) et Eric Bertinat ont liké sur Facebook la photo du président du Parti nationaliste suisse (PNS), qui montre un symbole utilisé par les nazis.
Photo: D.R.

Un UDC vaudois et un UDC genevois

Le premier est conseiller communal (législatif) UDC à Yverdon-les-Bains. Le second, qui n’a plus de mandat électif, était encore conseiller municipal (législatif) UDC à Genève le mois dernier. Il a par ailleurs siégé trois législatures au Grand Conseil du bout du Léman et a été quatorze ans durant secrétaire général de l’UDC-Genève.

Au bout du fil ce mercredi matin, Christophe Loperetti, le premier nommé, se distancie immédiatement de l’idéologie de Philippe Brennenstuhl «qui, lui, est vraiment d’extrême droite». «Je suis païen depuis plusieurs années et c’est pour cela que j’aime cette très vieille rune viking, que j'ai d'ailleurs tatouée sur mon bras, plaide-t-il. Les nazis ont effectivement repris beaucoup de symboles, comme la croix gammée et le motif qui nous intéresse. Il n’empêche que ces symboles ont un sens originel. Hitler était végétarien, ce n’est pas pour autant que tous les végétariens sont des nazis.»

Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux par l'UDC Ruben Ramchurn (à gauche), le tatouage de Christophe Loperetti est visible.
Photo: Capture d'écran/Ruben Ramchurn

Si l’élu de la deuxième ville du canton de Vaud n’épouse pas les thèses d’extrême droite, alors pourquoi avoir liké la photo de profil du président du PNS, dont les positions sont de notoriété publique? «C'est un copain biker, cela malgré nos divergences d'opinion*, glisse-t-il. J’ai dû le rencontrer il y a 18 ans, au Coyotte (ndlr: «le repaire des bikers d’Yverdon», selon «La Région»), lors d’une soirée. C’est quelqu’un avec qui je discute souvent et avec qui je suis par exemple allé faire des randonnées. J’ai des amis de tous bords politiques et je tiens à cette liberté.»

Christophe Loperetti assure en outre «assumer» son tatouage. Même si, toujours selon lui, ce dessin lui a plusieurs fois été reproché: «Je ne l’effacerai pas. À côté, j’ai le drapeau suisse. Si l’extrême gauche le reprenait à son compte, je ne l’effacerais pas non plus.»

«C'est l'inquisition!»

Eric Bertinat, lui, est beaucoup moins loquace. «Je ne vous connais pas, pourquoi je devrais vous répondre?, peste-t-il au téléphone. Je vois très bien où vous voulez m’emmener, c’est l’inquisition!» Après quelques vigoureux échanges, le Genevois consent finalement à s’expliquer. Mais avec l’aide de «son avocat» et par écrit: «Débrouillez-vous pour trouver mon adresse e-mail, je ne vais pas vous aider.»

Les questions lui sont envoyées 14 minutes plus tard. Connaissait-il la signification de cette rune pour l’extrême droite au moment de lever virtuellement son pouce? Si non, lui arrive-t-il fréquemment de liker des choses dont il ne connaît pas la signification? Plus généralement, quels sont ses liens avec Philippe Brennenstuhl?

À l'heure où ces lignes sont écrites, impossible de le savoir. Malgré plusieurs heures d'attente et une ultime relance par courriel et par SMS, celui qui a présidé le disparu mouvement nationaliste genevois Vigilance dans les années 1980 n'a plus donné signe de vie.

*Christophe Loperetti a souhaité modifier cette citation après l'avoir validée par écrit dans un premier temps.

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