Une atteinte à la neutralité?
Le secteur pharmaceutique suisse se fait un pactole en Russie

Alors que la plupart des autres pays vendent nettement moins de marchandises en Russie, certaines entreprises suisses y réalisent des chiffres records. Non sans susciter de vives critiques.
Publié: 28.07.2022 à 06:00 heures
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Dernière mise à jour: 28.07.2022 à 17:33 heures
Martin Schmidt

Une fois de plus, la Suisse a les yeux plus gros que le ventre. C’est du moins ce que l’on peut lire sur les réseaux sociaux, où elle y est accusée de profiter de la guerre ou d’être «exempte de moralité».

Le débat a été déclenché par la publication des derniers chiffres sur les exportations: ceux-ci montrent une augmentation fulgurante des exports de marchandises vers la Russie. Selon l’Office fédéral de la sécurité des douanes et des frontières, les exportations ont généré 430 millions de francs en juin. Ce qui correspond à une augmentation de pas moins de 78% par rapport à l’année précédente.

Surtout les entreprises pharmaceutiques

La Suisse, comme de nombreuses autres nations, a pourtant massivement réduit ses exportations vers la Russie après le début de la guerre en Ukraine. Le chiffre d’affaires des entreprises allemandes en Russie est, par exemple, inférieur de 55% à son niveau de 2021. Les entreprises françaises y ont même réduit leur chiffre d’affaires de 70%.

Les entreprises suisses font actuellement plus de chiffre d'affaires en Russie qu'avant la guerre. Cela suscite de vives critiques.
Photo: Shutterstock
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Mais il en va tout autrement pour certains groupes commerciaux suisses, qui ont, quant à eux, pu tripler leurs exportations vers la Russie depuis mars.

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La neutralité attaquée?

La comparaison entre les pays alimente les critiques: «Tant pis pour la neutralité suisse», écrit un utilisateur de Twitter. Un coup d’œil plus attentif aux statistiques d’exportation permet toutefois de faire taire les reproches.

De nombreuses entreprises suisses ont subi des pertes de chiffre d’affaires considérables en Russie. Dernièrement, le groupe suisse de spécialités chimiques Sika et le contrôleur de marchandises genevois SGS ont d’ailleurs annoncé qu’ils y réduisaient leurs activités.

Les ventes de marchandises électroniques de la Suisse vers la Russie ont également chuté de 64% en un an. Les fabricants de montres suisses ont même perdu 99% de leur chiffre d’affaires.

Cependant, la branche pharmaceutique va à l'inverse de la tendance: en juin, son chiffre d’affaires en Russie a augmenté de 262% par rapport à l’année précédente pour atteindre 326 millions de francs. Les ventes de médicaments et de produits immunologiques ont connu une croissance particulièrement forte, explique Donatella del Vecchio, porte-parole du Secrétariat d’Etat à l’économie. Les médicaments et autres produits pharmaceutiques sont souvent indispensables, voire vitaux, et échappent donc aux sanctions.

Gare aux conclusions hâtives

Comme la part de l’industrie pharmaceutique dans le gâteau des exportations suisses est particulièrement élevée – notamment en raison de géants comme Roche et Novartis –, un coup d’œil trop rapide sur les statistiques peut amener à tirer des conclusions erronées.

Et pour cause: les entreprises pharmaceutiques étrangères font elles aussi de gros bénéfices en Russie. Les firmes allemandes vendent par exemple environ 50% de plus qu’il y a un an. À savoir que le secteur pharmaceutique allemand exporte toutefois moins ses produits en Russie que le secteur pharmaceutique suisse.

(Adaptation par Nora Foti)

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