Tollé après l'enquête du «Sun»!
La Suisse, un «enfer pour la prostitution»? On est allés vérifier dans la rue

La Suisse, un «enfer pour la prostitution»? Après le tollé provoqué par le journal britannique «The Sun», Blick a voulu en avoir le cœur net et est allé dans la rue pour s'entretenir avec plusieurs travailleuses du sexe. Et voici ce qui en ressort.
Publié: 09.02.2024 à 20:35 heures
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Dernière mise à jour: 09.02.2024 à 22:13 heures
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Qendresa Llugiqi, Ralph Donghi et Nicolas Lurati

Tollé après un reportage du «Sun»! Son intitulé: «Bienvenue en Suisse, où payer pour du sexe est aussi simple que de commander un Uber.»

Dans ce pavé, le journal britannique dresse un portrait sombre de la Suisse et en particulier de Zurich, laquelle serait... la «nouvelle capitale du sexe»! La Confédération y est même qualifiée d'«enfer pour les prostituées»!

Vraiment? Piqué dans sa curiosité, Blick a voulu tâter le terrain et s'est entretenu avec plusieurs personnes directement concernées, travaillant dans l'industrie du sexe.

Tollé après un reportage du «Sun»! Le journal britannique a dressé un portrait sombre de la Suisse et en particulier de Zurich, laquelle serait... la «nouvelle capitale du sexe».
Photo: Ralph Donghi
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Des centaines de prostituées interrogées

Dans son enquête, «The Sun» a révélé que de nombreuses femmes se sont plaintes du comportement des clients. Vrai! L'une d'entre elles raconte à Blick: «Les hommes pensent qu'ils peuvent tout faire avec une femme parce qu'ils ont payé pour avoir des relations sexuelles avec elle. La prostitution est marquée par la pauvreté, la violence, le racisme et l'exploitation. En Suisse, c'est d'autant plus le cas.»

La faute, selon cette prostituée, à la législation suisse : «Nos lois s'adressent aux femmes qui choisissent volontairement de se prostituer.» Problème: le terrain montre que de telles femmes n'existent pas.

La prostituée rajoute: «Plus le commerce du sexe se développe, plus il y a de traite d'êtres humains. Car si la demande augmente, elle doit être satisfaite d'une manière ou d'une autre. Et les femmes sont introduites dans la prostitution le plus souvent sous des prétextes fallacieux.»

À tel point qu'une adaptation de la législation sur la base d'autres modèles – comme celui de l'Allemagne, par exemple – serait actuellement sur la table.

«Les sex-boxes sont un modèle de réussite»

En revanche, d'autres professionnels de l'industrie du sexe, comme Rebecca Angelini – directrice de ProCoRe, le réseau national pour les droits des travailleuses du sexe en Suisse – se sont étranglés à la lecture de l'enquête du «Sun»: «Moi qui m'occupe du sujet depuis des années et qui conseille les travailleuses du sexe, je trouve leur travail scandaleux et très éloigné de la réalité.»

Selon elle, le journal britannique mélange le travail du sexe légal et la traite illégale d'êtres humains. De plus, la diversité de l'industrie du sexe en Suisse a été ignorée: «Certains travailleurs du sexe travaillent dans des conditions précaires, d'autres dans des conditions privilégiées. On ne peut pas généraliser le travail du sexe.»

L'article du «Sun» présente également la Suisse comme un «enfer pour la prostitution». Faux, rétorque Rebecca Angelini: «Si l'on écoute les travailleuses du sexe, on arrive à une autre conclusion. Comme le travail du sexe est légal en Suisse, les travailleuses du sexe ont des droits et peuvent se défendre contre les abus.»

Ainsi, une prostituée peut poursuivre son client si ce dernier ne paie pas, ou appeler la police en cas de violence. Quant à l'attaque du «Sun» sur les sex-boxes, Rebecca Angelini est formelle: «Elles sont un modèle de réussite et offrent une protection aux femmes. Manifestement, ce journal a mal enquêté et ne connaît pas les faits.»

Rebecca Angelini ne comprend pas non plus les accusations portées contre la législation suisse, jugée trop «laxiste»: «La réglementation suisse ressemble à celle de l'Allemagne, de l'Autriche ou de la Belgique. En France et en Suède, en revanche, les clients sont criminalisés. Cela a des conséquences négatives sur la situation des travailleuses du sexe, car on bascule facilement vers la clandestinité.»

Traiter une prostituée «comme sa propre mère»

Blick s'est aussi rendu dans un club du canton de Soleure, le «Freubad». Les rumeurs concernant le milieu du sexe à Zurich et à Genève – les deux villes critiquées dans l'article du «Sun» – sont arrivées jusque-là. Mais dans le club, aucun client n'a eu de mauvaise expérience: «Tout se passe toujours proprement et correctement ici, vis-à-vis du client et des dames» assure-t-on.

Simi, une prostituée de 29 ans originaire de Roumanie et maman d'une petite fille de 14 mois, travaille depuis deux ans au Freubad. Elle fait ce travail parce qu'elle a besoin d'argent pour sa famille. Elle non plus n'a pas eu de mauvaises expériences. Mais elle avertit: «Une prostituée est une femme. Traitez-la comme si c'était votre mère. Et là, tout ira bien.»

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