Tantôt riches, tantôt pauvres
La 13e rente AVS est-elle vraiment nécessaire pour nos seniors?

Selon les syndicats, la rente AVS actuelle ne suffit plus à subvenir aux besoins des retraités suisses. A la veille de la votation sur la 13e rente AVS, quelle est vraiment la situation pour les séniors? Sont-ils trop riches ou trop pauvres? Blick fait le point.
Publié: 22.01.2024 à 08:49 heures
|
Dernière mise à jour: 22.01.2024 à 09:17 heures
RMS_Portrait_AUTOR_1148.JPG
Sermîn Faki

En matière d'AVS, on entend souvent tout et son contraire. Les syndicats alertent sur la pauvreté des personnes âgées, tandis que leurs opposants n'hésitent pas à leur répondre que celles-ci font partie d'une «génération dorée». Avant la votation sur la 13e rente AVS, il faut dire que ces deux extrêmes existent vraiment. En Suisse, soit les retraités ne savent pas comment payer leur prochaine facture d'électricité, soit ils partent faire du golf au Cap, avant d'aller faire du shopping à Dubaï. Caricatural certes, mais pas tant que ça. 

Qui faut-il croire alors? La rente AVS ne suffit-elle vraiment plus, comme le prétendent les syndicats? Ou les retraités sont-ils au contraire tellement riches qu'une 13e rente AVS serait de l'argent jeté par les fenêtres? Blick fait le point.

Davantage de fortune

«Pauvre vieux, mon cul!»: tel était le titre évocateur d'un article de la «NZZ am Sonntag» la semaine dernière. Et pour cause, de nouvelles données montreraient que les seniors sont beaucoup plus riches que le reste de la population. Les retraités posséderaient en moyenne une fortune six fois plus importante que les moins de 65 ans. Ainsi, les trois quarts des couples de retraités seraient propriétaires de biens immobiliers, alors que dans le reste de la population, ils sont deux fois moins nombreux à pouvoir s'offrir un logement.

Blick fait le point sur la situation réelle des retraités en Suisse.
Photo: Keystone
1/2

Les retraités ont plus de patrimoine, c'est un fait. Mais la répartition n'est pas si évidente. Si l'on déduit les dettes (généralement des hypothèques), les plus de 65 ans ont en moyenne une fortune de 250'000 francs, contre environ 100'000 francs pour les moins de 65 ans.

Il n'est pas anormal qu'une fortune augmente subitement au moment du passage à la retraite. C'est en effet à ce moment-là que de nombreux retraités se font verser une partie de leur avoir de caisse de pension, ce qui est considéré comme une fortune. Par ailleurs

, les héritages se font aujourd'hui souvent autour de l'âge de la retraite, étant donné l'allongement de la durée de vie.

Cela ne change toutefois rien au fait que les seniors ont plus de patrimoine que les personnes en âge de travailler. Néanmoins, la fortune ne donne qu'une indication limitée sur la situation financière des individus. On ne peut effectivement pas payer une facture d'électricité avec la valeur de sa propre maison. Dans le même ordre d'idée, une vente de patrimoine signifie certes une rentrée d'argent supplémentaire, mais il faut considérer qu'il y a souvent un nouveau loyer à payer ailleurs par la suite. 

Moins de revenus

Car si l'on considère le coût de la vie quotidienne, la fortune est cette fois beaucoup moins déterminante que le revenu. Et là, les retraités ne se hissent pas au sommet. Logique: les salaires sont plus élevés que les pensions.

Selon une enquête de la Confédération, le revenu mensuel moyen d'un retraité est de 4069 francs, celui d'une retraitée de 3474 francs. Les couples de retraités disposent en moyenne de 6761 francs pour vivre. 25% des retraités doivent même se contenter d'environ 1000 francs de moins pour tourner. Ces chiffres datent de 2015, ils ont donc déjà presque dix ans, mais il n'existe pas de chiffres plus récents.

À l'aide du baromètre des retraites du Vermögenszentrum, il est cependant possible de dire quelle a été l'évolution depuis lors. «Les pensions baissent et ce depuis des années», peut-on y lire sans détour. Depuis 2002, les rentes ont en effet diminué de 21% en moyenne. Certes, l'AVS a augmenté de 19% durant la même période, mais les rentes du deuxième pilier ont baissé de plus de 40%.

C'est ici que la bât blesse: en 2002, un homme de 55 ans gagnant 120'000 francs par an pouvait espérer recevoir à 65 ans une rente de près de 75'000 francs provenant de l'AVS et de sa CP. Aujourd'hui, ce montant n'est plus que de 59'200 francs. Pire, la tendance devrait continuer: les caisses de pension vont abaisser leurs taux de conversion. La raison principale est, il faut le dire, que le capital doit être épargné sur une plus longue période, parce que nous vivons de plus en plus vieux.

Cela signifie à l'inverse qu'une part de plus en plus importante de la rente provient de l'AVS. En 2002, celle-ci contribuait pour un tiers à la rente totale et les caisses de pension pour deux tiers. Aujourd'hui, ce rapport est de 50/50.

Un plus grand risque de pauvreté

En conséquence, tous les seniors ne roulent pas sur l'or, comme le montre l'étude de la Confédération citée plus haut. Alors que 15% des moins de 65 ans ont un revenu inférieur de 60% au revenu moyen, ce chiffre atteint 22% chez les retraités.

L'écart est encore plus marqué si l'on considère les ménages d'une personne. 29% des femmes et 26% des retraités célibataires se trouvent en dessous de ce seuil. Chez les actifs, ce chiffre est de 17%. Cela s'explique par le fait que de nombreux retraités vivent encore exclusivement de l'AVS. Et pas moins de 12% des retraités perçoivent des prestations complémentaires.

Il faut toutefois préciser que les mères célibataires en âge de travailler ont encore moins d'argent à disposition.

Comparaison avec l'étranger

Si l'on compare le revenu des retraités suisses avec celui des retraités à l'étranger, ces derniers sont mieux lotis. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) calcule chaque année ce qu'on appelle le taux de remplacement net. Celui-ci reflète le revenu disponible à la retraite par rapport à ce qui a été gagné pendant la vie active.

Et là, la Suisse fait pâle figure: un salarié moyen dispose de 45% de son revenu professionnel après la retraite. Dans les pays de l'UE, ce chiffre atteint 70%, et même 92% chez nos voisins autrichiens. Ces comparaisons montrent une tendance, mais doivent cependant être considérées avec prudence car les systèmes sociaux et les conditions de vie sont très différentes d'un pays à l'autre. 

Mais là encore, un coup d'œil sur les chiffres du Vermögenszentrum, qui calcule un ratio similaire, permet d'y voir un peu plus clair: un homme qui gagnait 100'000 francs bruts à la retraite en 2002 recevait alors 62'420 francs de rente. Cela correspondait à 62% de son dernier salaire. En 2022, ce taux de remplacement net est tombé à 53%.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la