Six ans avant le drame Tête Blanche
En 2018, la Haute Route s'était déjà muée en piège mortel

Triste certitude dans le drame de Tête Blanche en Valais: cinq des six personnes disparues ce week-end ont d'ores et déjà été retrouvées mortes. Ce n'est pas la première tragédie qui émaille la célèbre Haute Route. Retour sur la tragédie de 2018.
Publié: 11.03.2024 à 16:30 heures
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Sandra Meier

En 2018, ce cauchemar avait bouleversé la vie de 14 alpinistes au Pigne d'Arolla, en Valais. Sept d'entre eux n'étaient pas revenus vivants de leur aventure. Il s'agissait alors de l'un des plus graves accidents de ce type dans les Alpes suisses. On peut immédiatement faire le parallèle avec la tragédie de ce week-end, qui a vu au moins cinq randonneurs perdre la vie à Tête Blanche, en Valais. Car dans les deux cas, les mauvaises conditions météorologiques sur la Haute Route ont joué un rôle décisif.

Mais revenons en arrière. Un groupe de dix personnes part fin avril 2018 pour une expédition de six jours. Dans un premier temps, tout se déroule comme prévu. Le guide de montagne Mario C.* jouit d'une bonne réputation parmi les participants, qui ont d'ailleurs payé 1500 francs pour l'excursion. Mais au troisième jour, une tempête est annoncée. A 16h, le groupe arrive à la Cabane des Dix, à 2928 mètres d'altitude. Ils y installent leur campement pour la nuit. «Je me suis dit, on va voir si le temps va être mauvais et on décidera pour demain», expliquera plus tard l'un des survivants, Tomaso Piccioli, dans un documentaire de la RTS consacré à l'accident. «Nous n'avions pas à nous inquiéter, nous avions un guide expérimenté avec nous.»

Un GPS et un téléphone portable dysfonctionnels

Le lendemain, la visibilité n'est tout d'abord pas si mauvaise. Le guide de montagne Mario C. décide de s'attaquer à l'étape. Mais la tempête s'abat sur le groupe plus tôt que ne l'avait prévu le guide. La visibilité se dégrade rapidement. Ne parvenant pas à rejoindre le bon chemin, les randonneurs doivent faire demi-tour à plusieurs reprises. Ni le GPS ni le téléphone portable satellite ne fonctionnent. En chemin, ils rencontrent quatre Français égarés, qui s'étaient lancés dans l'excursion sans guide de montagne. 

En 2018, ce cauchemar avait bouleversé la vie de 14 alpinistes au Pigne d'Arolla, en Valais. Sept d'entre eux n'étaient pas revenus vivants de leur aventure. Il s'agissait alors de l'un des plus graves accidents de ce type dans les Alpes suisses.
Photo: Facebook
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Les températures sont négatives et atteignent rapidement les deux chiffres. Le vent fouette leurs oreilles à des vitesses allant jusqu'à 150 km/h. Après plus de 12 heures d'errance, le guide de montagne décide de bivouaquer sur une crête. Un refuge salvateur se trouve à 550 mètres d'eux. Ils ne le sauront jamais. Pour se protéger du vent et des intempéries, le groupe tente de s'enterrer dans la neige. Mais le sol est dur comme du bois. Tant pis. De toute façon, le groupe est trop épuisé pour continuer «J'ai dit au guide de montagne que nous allions mourir ici», raconte Luciano Cattori au sein du documentaire de la RTS.

«C'était comme dans un film de zombies».

Le guide de montagne part seul à la recherche de la Cabane des Vignettes, un refuge qui pourrait les sauver. Il sera retrouvé mort le lendemain. Les autres randonneurs passent la nuit à l'extérieur à une altitude de 3270 mètres. «Au bout de dix minutes, je tremblais déjà de tout mon corps», se rappelle Luciano Cattori. «Mon corps n'est pas fait pour ce froid. C'était comme dans un film de zombies.»

Le lendemain matin, l'une des plus grandes opérations de sauvetage dans les Alpes suisses sera lancée. Sept hélicoptères seront mobilisés, dans l'espoir de pouvoir transporter les randonneurs vers les hôpitaux. Mais pour beaucoup, les secours arriveront trop tard. Six personnes mourront à l'hôpital. Le Tessinois Andrea Cattori atterrira lui aussi à l'hôpital dans un état extrêmement critique: «26 degrés de température corporelle, cinq battements de cœur, sang épaissi. On a dû changer presque tout mon sang, c'était presque sans espoir.»

*Nom connu de la rédaction 

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