Selon le Tribunal fédéral
Préservatif retiré en secret: pas d'incapacité de résistance

Le Tribunal fédéral a jugé que retirer un préservatif en secret et sans l'accord du ou de la partenaire durant l'acte sexuel n'est pas un acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.
Publié: 09.06.2022 à 13:40 heures
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Dernière mise à jour: 09.06.2022 à 14:46 heures

Retirer un préservatif en secret et sans l'accord du ou de la partenaire durant l'acte sexuel ne constitue pas un acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. Selon le Tribunal fédéral, le droit actuel ne permet pas d'interpréter ce chef d'accusation de manière aussi étendue.

Dans deux arrêts rendus publics jeudi, les juges fédéraux se sont prononcés sur des recours des ministères publics zurichois et de Bâle-Campagne sur des cas jugés en deuxième instance en 2019. Ils les ont rejetés en grande partie tous deux. Les prévenus restent donc acquittés du chef d'accusation en question.

Violation de la dignité et de l'autodétermination

A Bâle-Campagne, le Ministère public avait estimé que le droit à l'autodétermination sexuelle protège la liberté d'une personne de décider si, quand, où, avec qui et de quelle manière elle souhaite prendre part à des actes sexuels. Selon lui, le retrait secret d'un préservatif viole ce droit et constitue une violation de la dignité personnelle.

Retirer un préservatif en secret ne constitue pas un acte sexuel sur personne incapable de discernement ou de résistance.
Photo: GETTY

De plus, l'intensité d'un rapport sexuel non protégé se distingue fondamentalement de celle d'un rapport protégé, invoquait le Ministère public de Bâle-Campagne. D'après lui, la décision commune d'utiliser un préservatif ne constitue donc pas un accord à toute forme de pratique sexuelle ni au retrait inopiné du préservatif, bien au contraire.

Pas d'assentiment, certes...

Le Tribunal fédéral (TF) concède que le retrait secret du préservatif porte atteinte à l'autonomie et à l'intégrité sexuelles individuelles. Il enlève à la personne lésée la possibilité de pratiquer l'acte sexuel comme elle le voulait.

En retirant en secret le préservatif pendant l'acte sexuel, le rapport consenti prend donc aussitôt fin en tant que tel. C'est le début d'un acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance.

...mais pas d'état d'incapacité non plus

Or, l'incapacité de résistance de la victime, nécessaire à l'accomplissement de ce chef d'accusation, n'est pas donnée dans un tel cas, estime le TF. Telle serait le cas si celle-ci était liée à un état permanent, en cas de handicap mental ou physique par exemple, ou à un état temporaire, comme l'ivresse notamment.

Cette incapacité de se défendre doit être indépendante des circonstances concrètes de l'acte sexuel. La personne lésée se voit, certes, enlever la possibilité de se défendre, mais elle en aurait la capacité intrinsèque.

Jugements à revoir malgré tout

Mon Repos ne confirme toutefois pas les deux jugements sur toute la ligne. Les deux tribunaux cantonaux devront évaluer si les faits reprochés par l'accusation constituent un harcèlement sexuel.

La révision en cours du droit pénal en matière sexuelle considère, elle aussi, que le retrait secret d'un préservatif ne constitue pas un acte d'ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance. La commission des affaires juridiques du Conseil d'Etat propose de classer une telle pratique parmi les actes d'abus sexuels ou de viol, au sens révisé de ces termes. (Arrêts 6B_34/2020 et 6B_265/2020 du 11 mai 2022)

(ATS)

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