Querelle sur les tests
«Le système scolaire est déjà à bout de souffle»

Le ministre de la Santé Alain Berset s'en prend aux cantons, car ceux-ci s'opposent à des tests généralisés dans les écoles. Silvia Steiner, la plus haute directrice de l'éducation en Suisse, lui rétorque que les cantons n'en ont pas les capacités.
Publié: 05.12.2021 à 06:08 heures
Reza Rafi

L'agacement d'Alain Berset était palpable lors de la dernière conférence de presse du Conseil fédéral. Le ministre de la Santé n'a pas pu s'empêcher de laisser transparaître la zizanie qui règne entre la Confédération et les cantons: vendredi, il a critiqué les cantons avec une virulence inhabituelle. Cela principalement parce que 17 d'entre eux se sont prononcés contre des tests scolaires généralisés, après avoir conjuré le Conseil fédéral de prendre des mesures au niveau fédéral. «Nous aurions beaucoup aimé déclarer les tests répétitifs à l'école obligatoires», lâchait le conseiller fédéral socialiste. Sa colère n'a pas plu à la directrice de l'éducation zurichoise Silvia Steiner (Centre). Celle qui est aussi présidente de la Conférence des directeurs de l'instruction publique (CDIP) prend ici la défense des cantons contre les reproches de la Berne fédérale.

Silvia Steiner, lors de la consultation, la majorité des cantons s'est opposée à des tests généralisés dans les écoles, au grand dam du chef du Département fédéral de l'Intérieur, Alain Berset.
Les cantons ne refusent pas les tests répétitifs, ils sont au contraire effectués dans de nombreux cantons.

Alors pourquoi s'être opposé à instaurer la mesure au niveau fédéral?
Une obligation imposée aux écoles dans toute la Suisse pose deux problèmes: premièrement, elle exigerait d'énormes capacités de test, alors que, selon les régions, le système est déjà à bout de souffle. La détection précoce des cas asymptomatiques ne serait plus atteinte si les laboratoires mettent trop de temps à communiquer les résultats. Deuxièmement, le dépistage reste volontaire pour les enfants. Sans leur acceptation et un taux de participation élevé dans les classes, le dépistage répétitif n'obtiendra pas de bons résultats.

«Les cantons assument leurs responsabilités dans le domaine de l'éducation», assure la conseillère d'état zurichoise.
Photo: Keystone

Le Covid se propage fortement dans les écoles lors de la cinquième vague, les élèves deviennent les moteurs de la pandémie.
Les enfants sont porteurs du virus et peuvent le transmettre, mais les qualifier de moteurs de la pandémie n'est pas correct. La meilleure protection pour les enfants, ce sont les adultes qui sont vaccinés et qui se comportent de manière responsable, même pendant leurs loisirs.

Les critiques exigent des cantons qu'ils soutiennent davantage la Confédération et introduisent des mesures plus rigoureuses. Comme justement des tests répétitifs ou une obligation générale de porter un masque.
Les cantons assument leurs responsabilités dans le domaine de l'éducation. Dans le canton de Zurich, le Conseil d'État a par exemple introduit la semaine dernière une obligation générale de porter le masque à partir de la 4e année à l'école obligatoire. En outre, quelque 120'000 élèves et enseignants sont testés chaque semaine, soit plus des deux tiers des écoles de mon canton. De nombreux autres cantons ont également renforcé les mesures.

En tant que responsable de l'éducation, que pensez-vous de la position de l'association faîtière des enseignants, qui s'oppose à une vaccination obligatoire du personnel enseignant ?
La mesure la plus efficace pour faire face à la pandémie est la vaccination. De nombreux enseignants sont déjà vaccinés aujourd'hui. Nous sommes tous dans le même bateau et faisons tout notre possible pour garantir le droit à l'éducation de nos enfants. Les enseignants poursuivent depuis des mois, au prix d'efforts considérables, l'objectif de maintenir les cours en présentiel. Cela mérite d'être reconnu.

Le conseiller fédéral Berset critique le fait que ce sont justement les cantons dans lesquels les hôpitaux tirent la sonnette d'alarme qui s'opposent à des mesures plus sévères. Cela démontre un manque de cohérence.
Je ne peux prendre position que sur le domaine de la formation. Les cantons en sont responsables de par la loi et ils mettent déjà en œuvre la majeure partie des mesures proposées par le Conseil fédéral. Depuis le début de la pandémie, les cantons appliquent le même mélange variable de mesures, qu'ils adaptent en permanence en fonction de la situation.

Pourtant, des divergences subsistent entre la Confédération et les cantons. Que fait la CDIP pour apaiser les tensions ?
Nous poursuivons tous le même objectif: mettre fin à la pandémie de Covid le plus rapidement possible. C'est aussi grâce au système fédéral que nous avons réussi jusqu'ici, contrairement à de nombreux autres pays, à maintenir l'enseignement en présentiel à l'école obligatoire et au degré secondaire II. C'est la grande force de notre démocratie. Le canton et la Confédération ont des rôles différents dans le domaine de l'éducation, l'échange avec la Confédération continue de bien fonctionner.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)


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