Quand le boom pose problème
Trop de véhicules électriques, pas assez de bornes de recharge

Sur les routes suisses, les voitures électriques supplantent peu à peu les engins à moteur. Malgré le boom des ventes et l'engouement de la population, l'offre de bornes de recharge dans les infrastructures privées et publiques est à la traîne dans le pays.
Publié: 22.02.2022 à 14:08 heures
|
Dernière mise à jour: 22.02.2022 à 17:21 heures
Christian Kolbe

La pandémie aura créé beaucoup de ralentissements en Suisse. Mais la vente de voitures électriques n’en fait pas partie. L’année dernière, près de 21'800 voitures hybrides et 31'800 véhicules électriques ont été immatriculés. La part de marché des véhicules électriques au sein des ventes de voitures neuves dépasse désormais les 22%. En janvier cette part atteignait les 23%.

Logiquement, les infrastructures de recharge devraient suivre la croissance des immatriculations. Pour recharger la batterie, deux solutions se profilent: la borne privée, à domicile, ou une borne payante. À moyen terme pourtant, la Suisse manque de points de recharge.

Repenser le système

Pour pallier cette carence, il s'agit tout d'abord de repenser le système. Si, pour les véhicules à essence, il était obligatoire de faire le plein dans une station-service — à moins d’avoir un pipeline qui mène à son garage —, pour l’électrique, c’est la borne privée qui prime. «Près de 90% des recharges se font à la maison ou sur le lieu de travail», explique ainsi Adrian Wachholz, responsable de la mobilité électrique chez ABB Suisse.

Le nombre de parkings souterrains équipés de stations de recharge ne cesse d'augmenter en Suisse.
Photo: Thomas Meier
1/7

L’avantage principal, c’est que la voiture est toujours prête le matin au départ. Pour les pendulaires, c’est l’idéal. Pour les personnes roulant sur de longues distances, le problème des possibilités de chargement en cours de route s'impose.

Près d'un demi-million de véhicules électriques

C’est précisément cette situation qui pose problème: le manque de bornes électriques payantes et accessibles en cours de trajet dissuade de nombreuses personnes de sauter le pas et d'acheter un véhicule électrique.

Selon Urs Pfister, ingénieur électricien et responsable d’une entreprise de conseil, la croissance future de ce marché va faire parler d’elle. «Faut-il d’abord avoir plus de véhicules électriques pour stimuler la construction de bornes de chargement, ou l’inverse?»

Blick a rencontré l’expert sur une aire d’autoroute, en Argovie. Depuis son réaménagement il y a deux ans, cette zone située à proximité de la commune de Würenlos compte 20 bornes de recharge rapide. Mais il s’agit là d’une exception à l’échelle nationale. «L’enjeu maintenant, c’est de densifier le réseau, analyse Urs Pfister. L’infrastructure de recharge en l’état est insuffisante.»

Une pénurie se profile

Adrian Wachholz n’ose le contredire qu’à demi-mot. «Pour l’instant et au vu du nombre de véhicules électriques immatriculés en Suisse, nous estimons que le pays dispose d’assez de stations de recharge. Mais les chiffres vont continuer à augmenter ces deux prochaines années et la pénurie risque de pointer le bout de son nez.»

Il craint par contre que les bonnes ventes des véhicules électriques ne pâtissent les conséquences d'une offre trop faible de station de recharge. Si trop d'utilisateurs ont de mauvaises expériences dans ce sens le boom du secteur pourrait être freiné. «En 2020, la Suisse a connu une véritable poussée de la construction de bornes de recharge. Fin janvier, la Suisse comptait 7148 bornes de recharges, réparties sur 3339 sites», explique Adrian Wachholz, avant d'ajouter que ce n'est pas suffisant. «Depuis 2020, le rythme de croissance s’est à nouveau nettement ralenti.»

Une activité à croissance rapide

Le problème est avant tout d’ordre financier. «On ne peut gagner de l’argent que si le parc de nouveaux véhicules électriques est suffisamment important, pointe Adrian Wachholz. Ce qu’il faut, ce sont de nouveaux investissements pour étendre les infrastructures. Ensuite seulement, cette activité pourra être rentable pour toutes les parties concernées, même à long terme.»

Sur l’aire d’autoroute de Würenlos, l’extension a coûté quelques millions de francs. Mais c’est bien d’un marché à plusieurs milliards que les fournisseurs de stations de recharge vont s’attaquer. ABB, qui exploite 600 stations dans le pays, compte bien prendre sa part du lion.

«L'exploitation des stations de recharge est l’une des activités des secteurs d’ABB qui connaît la croissance la plus rapide», explique Adrian Wachholz. Malgré tout, le chemin est encore long et la densité des stations de recharge varie fortement d’un canton à l’autre.

Places de parking avec borne très demandées

Quant à la situation des bornes privées, elle est très inégale. Pour les locataires d'appartements dans un immeuble, par exemple, l’accès aux places de parc équipées d'une borne n’est pas toujours pratique. «Les bornes de recharge sont toujours là où on n’en a pas besoin», concède une régie immobilière zurichoise qui vient d’équiper un nouveau bâtiment d’une douzaine de places de stationnement électriques.

À l'avenir, un locataire ayant besoin d’une place de stationnement avec une borne de recharge devrait pouvoir en discuter avec sa gérance. Mais il aura peut-être à payer le raccordement avec ses propres moyens. Un cas de figure destiné à évoluer: «Dans les nouvelles constructions, les places de parking avec des possibilités de chargement pour les voitures électriques sont celles qui sont louées le plus rapidement», explique Urs Pfister. Il s’agit non seulement de possesseurs de véhicules électriques, mais aussi de personnes qui envisagent d’en acheter un.

(Adaptation par Alexandre Cudré)

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la