Pourquoi souffrent-ils?
Neufs enfants consultent chaque jour Pro Juventute pour des pensées suicidaires

Les chiffres 2023 de Pro Juventute font froid dans le dos. La santé mentale des enfants et jeunes suisses se détériore. Les pensées suicidaires augmentent. 850 jeunes contactent chaque jour la Fondation. Blick fait le point avec elle.
Publié: 24.04.2024 à 12:12 heures
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Dernière mise à jour: 24.04.2024 à 18:00 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Difficile de s'en rendre compte si l'on n'a pas d'enfants. Mais la crise du Covid, époque lointaine et vaguement floue pour certains, a radicalement changé la santé mentale des jeunes de notre pays.

Blick a appris que 850 enfants et jeunes s'adressent à Pro Juventute chaque jour en Suisse! La Fondation pour les familles et les jeunes répond au numéro 147, en ligne sur 147.ch, par WhatsApp, par e-mail. Autant de canaux qu'il y a de jeunes en détresse en Suisse.

Vous avez besoin d'aide?

Si vous avez des idées noires ou des pensées suicidaires, n’hésitez pas à vous faire aider. Voici les numéros d’urgence disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. N’hésitez pas à appeler, également si vous vous faites du souci pour un proche. Parlez-en et faites-vous aider:

La Main Tendue (adultes, 24/7): 143

Pro Juventute (jeunes, 24/7): 147

En cas d’urgence vitale, appelez les urgences au 144 ou la police au 117.

Si vous avez des idées noires ou des pensées suicidaires, n’hésitez pas à vous faire aider. Voici les numéros d’urgence disponible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. N’hésitez pas à appeler, également si vous vous faites du souci pour un proche. Parlez-en et faites-vous aider:

La Main Tendue (adultes, 24/7): 143

Pro Juventute (jeunes, 24/7): 147

En cas d’urgence vitale, appelez les urgences au 144 ou la police au 117.

plus

Pensées suicidaires

Ces prises de contact peuvent déboucher sur des consultations. En 2023, il y en a eu plus de 42'000. C'est 4,2% de plus qu'en 2022, au niveau national. Un chiffre plus vertigineux encore: chaque jour, neuf enfants ou jeunes – la limite est parfois mince – appellent le 147 pour des pensées suicidaires.

Chaque jour en Suisse, 850 enfants s'adressent à Pro Juventute, dont 9 appellent le 147 pour des pensées suicidaires. (image symbolique)
Photo: Getty Images

On le sait, les psys sont débordés, des maladies psychiques tardent à être diagnostiquées. Le stress augmente chez les petits. Mais comment expliquer ces idées noires, cette souffrance des enfants suisses? Qu'est-ce qui les préoccupe?

Crise à répétition

Une suite apparemment sans fin de crises est un début d'explication. «Une des interprétations de ces chiffres est liée au contexte multicrises, qui a débuté avec le Covid et une perte de repères, confirme la porte-parole de Pro Juventute, Anne-Florence Débois. Puis, il y a eu la guerre en Ukraine, le conflit au Proche-Orient, la crise du réchauffement climatique, de l'énergie, et enfin l'inflation.»

Ce n'est pas forcément que les enfants suivent ces conflits internationaux ou ces fluctuations financières de près. Mais tout cela «participe à un environnement anxiogène pour les jeunes, alors qu'ils et elles sont en plein développement, vivent une certaine vulnérabilité», précise la responsable médias.

Angoisse, pensées noires

Avant de composer le 147, l'anxiété fait son petit chemin destructeur, et d'un sentiment général naît un problème intime, concret. «Dans notre baromètre des préoccupations, les problèmes individuels occupent la première position, informe ainsi Anne-Florence Débois. Cela peut se manifester par de l'angoisse.»

De fait, les consultations en lien avec des pensées suicidaires ont augmenté de 26% en Suisse. Celles axées sur l'automutilation ont bondi de 48%.

Et la durée des appels ne fait qu'augmenter, ajoute la porte-parole. «Elle est passée de moins de cinq minutes avant la pandémie à près de dix minutes en 2023. Les psychologues FSP, infirmiers, éducateurs de Pro Juventute font face à des situations plus complexes depuis la crise sanitaire.»

Sévère manque de lien

Sur le baromètre des problèmes, viennent ensuite les questions liées à la famille, à l'amitié et à l'amour. L'école, le travail, sont en bas. Pas étonnant, finalement, quand on pense à ce constat de Pro Juventute: il y a un manque de lien clair dans la société.

D'ailleurs, pourquoi tant d'enfants se confient à un inconnu au bout du fil, plutôt que d'aller voir leurs parents? «Lors de nos consultations, le 147 de Pro Juventute ne soutient pas que des enfants issus de familles précarisées ou dans des situations exceptionnelles, cela touche toute une génération », glisse la porte-parole.

Génération individualiste

La majorité des jeunes sont actuellement élevés par une génération d'adultes ayant évolué dans un système très individualiste, analyse Anne-Florence Débois. Des parents nés entre les années 1970 et 1980, qui «ne remplissent pas mal leur rôle de parents», mais les injonctions sociales actuelles imposent une manière de vivre où l’on ne se permet plus de prendre le temps.

«Les adultes s'accordent moins de moments pour être des modèles, accompagner leurs enfants», ajoute-t-elle. Par ricochet, ces derniers ressentent cette injonction à gérer tout seuls leurs émotions, leurs emplois du temps. «Cela génère du stress, de la solitude et, en temps de crise, de l'angoisse.»

Tisser des liens avec ses proches

Au bout du fil, le 147 peut réorienter vers d'autres associations, au cas par cas. Mais aussi chercher à re-tricoter ce lien avec l'entourage en identifiant la «personne-ressource».

Soit ce parent, prof, copain, coach de foot à qui l'on peut se confier. Pro Juventute sensibilise aussi directement les parents, pour renforcer l'écouter et le dialogue avec leurs enfants.

Un tabou est brisé

Anne-Florence Débois voit en ces nombreuses sollicitations du 147 un signal positif, malgré le problème sous-jacent. «Les enfants et les jeunes demandent de l'aide, un tabou est brisé, souligne la porte-parole de la Fondation centenaire. Ils sont conscients de leurs besoins, c'est une génération qui sait se prendre en main.»

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