Pollution et santé publique en Valais
L'ancienne décharge de Gamsenried doit être assainie en quinze ans

Le groupe pharmaceutique Lonza doit assainir son ancienne décharge de Gamsenried en quinze ans et pas en un demi-siècle comme elle le prévoit, ont martelé mercredi quatre organisations environnementales. Il s'agit d'une question de santé publique.
Publié: 19.10.2022 à 18:01 heures

En septembre 2020, le Canton et Lonza sont arrivés à un accord de planification pour l'assainissement de l'ancienne décharge de Gamsenried dans le Haut-Valais, où l'entreprise chimique a déposé des déchets entre 1918 et 1978. Les travaux de nettoyage sont prévus par étapes et sur des décennies. C'est bien trop long, répètent depuis lors Médecins en faveur de l'environnement (MfE), le Groupe du Haut-Valais pour l'environnement (OGUV), Pro Natura Haut-Valais et le WWF.

L'Ordonnance sur les sites contaminés est en vigueur depuis 1998. Depuis, la décharge chimique de Bonfol (JU) a été assainie entre 2007 et 2016, celle de Kölliken (AG) entre 2005 et 2019, celle de Pont Rouge à Monthey (VS) entre 2012 et 2016. Il n'y a qu'à Gamsenried où Lonza retarde cet assainissement, accuse Martin Forter, expert en sites pollués et directeur des MfE, devant la presse réunie à Viège.

Pollution des eaux souterraines

Environ un tiers de la plaine est pris par la décharge de Gamsenried qui s'est construite par couches, année après année, et qui touche directement la nappe phréatique par endroits. Les déchets entreposés - l'équivalent de vingt-neuf terrains de foot - ont provoqué la pollution la plus étendue des eaux souterraines en Suisse, relèvent les ONG, inquiètes.

Un tiers de la plaine est pris par la décharge de Gamsenried, qui s'est construite par couches, année après année. Les déchets entreposés - l'équivalent de vingt-neuf terrains de foot - ont provoqué la pollution la plus étendue des eaux souterraines en Suisse, relèvent les ONG, inquiètes (archives).
Photo: VALENTIN FLAURAUD
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Certes, reconnaissent-elles, l'assainissement de cette zone où se mélangent métaux lourds (mercure notamment) et polluant organiques est un «projet énorme et complexe» mais cinquante ans constitue «une durée surréaliste». S'appuyant sur les autres assainissements suisses, elles jugent que quinze ans seraient suffisants pour mener le travail de nettoyage à bien. Lonza doit se montrer «aussi performante dans ce dossier que lors de l'organisation de la production du principe actif du vaccin contre le coronavirus». Il s'agit ici aussi d'un «problème de santé publique».

Protéger le «capital en eau» de la région

Perméable, la décharge constitue un risque trop important pour les habitants et l'environnement. «Depuis des décennies, de la benzidine pénètre dans les eaux souterraines et met l'eau potable en péril», explique Bernhard Aufdereggen, président des MfE. Au vu de l'asséchement climatique, la région «doit protéger son capital en eau», abonde Catherine Martinson du WWF.

La benzidine est une substance dangereuse pouvant provoquer le cancer de la vessie après un temps de latence prolongé. Un effet observé pour la première fois en 1895, ajoute le médecin. Or, souligne Sonja Oesch de l'OGUV, Lonza connaît la présence de benzidine dans la nappe phréatique depuis 2008, même si le canton et le grand public n'ont appris que vingt ans plus tard l'existence d'une pollution à grande échelle entre Gamsenried et Viège.

Et puis, «Lonza existera-t-elle encore dans 50 ans? En 2072, la majorité de ceux qui auront co-décidé aujourd'hui, seront décédés. Ce qui signifie qu'une quantité importante de savoir sera perdue», avancent les ONG. Esquissant un parallèle, ces dernières soulignent qu'on ne sait plus ce que l'entreprise a déposé à l'époque entre 1918 et 1978. Et que retrouver ce savoir se fait aujourd'hui à coup d'études historiques coûteuses.

Appel des ONG

Les ONG appellent donc à «un assainissement sûr, en une seule fois, c'est-à-dire sans interruption, et définitif de la décharge de Gamsenried». Pour ce faire, l'entreprise doit engager plusieurs bureaux d'ingénieurs, excaver les sols pollués et ne pas «tenter des traitements in situ qui ne permettent pas de contrôler correctement les valeurs».

Elle doit aussi créer des capacités de laboratoire et d'élimination des polluants sur place. Elle est également priée de démarrer les travaux de nettoyage simultanément à plusieurs emplacements de la décharge. Pour les quatre ONG, le canton du Valais doit de son côté intensifier sa surveillance, multiplier les analyses et prélèvements aux frais de Lonza et accroître sa pression sur l'entreprise même si elle est un employeur important de la région. Enfin, une analyse dynamique des risques est impérative. Toutes ces demandes leur ont déjà été envoyées.

(ATS)

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