«Nantermod incarne le nouveau PLR: rien à foutre de l'environnement»
5:05
#Haters:«Nantermod incarne le nouveau PLR: rien à foutre de l'environnement»

Nantermod sur les déboires du PLR
«Nous sommes un parti politique, pas un club de pétanque»

Philippe Nantermod vient d'être réélu à la vice-présidence du PLR Suisse, parti en perte de vitesse. Bête politique, le conseiller national valaisan tentera de redresser la barre en offrant des solutions libérales aux préoccupations de la population, climat en tête.
Publié: 09.11.2021 à 16:54 heures
|
Dernière mise à jour: 09.11.2021 à 17:10 heures
AmitJuillard.png
Amit JuillardJournaliste Blick

Il vaut mieux l'avoir avec que contre soi. «Nantermod, il est terrible, c'est un débatteur-né, il dévore ses adversaires, nous confiait récemment une parlementaire fédérale de gauche. Je me souviens avoir défendu le même objet lors d'une campagne de votation populaire: sur les plateaux télé, il osait dire ce que je n'aurais jamais osé prononcer. Je sortais le pop-corn et j'observais.»

La Suisse romande connait peu de bêtes politiques qu'on appelle volontiers uniquement par leur patronyme. Peu de politiciens aussi clivants. Le bulldozer Philippe Nantermod, récemment réélu à la vice-présidence d'un PLR Suisse en perte de vitesse constante, donne des ulcères à gauche mais soulève les foules — sur Twitter surtout en cette période de pandémie — à droite.

La cible préférée du conseiller national valaisan de Morgins: les écologistes et les partisans de la décroissance. Par exemple lorsqu'il prétend, à tort selon les spécialistes interrogés, que l'apocalypse des insectes n'a jamais eu lieu ou lorsqu'il épingle la députée Verte Magali di Marco pour ses vacances aux Comores, créant le malaise au sein du parti de l'ancienne triathlète.

Ces derniers mois, ce défenseur de la piqûre est aussi devenu l'un des ennemis jurés des antivax et des anti-certificat Covid. Hasard ou pas, l'avocat se profile sur les thèmes qui inquiètent le plus les Suisses, selon le dernier baromètre électoral de la SSR. De passage dans les locaux de Blick pour le tournage d'une vidéo, Philippe Nantermod esquisse ses réponses libérales aux problèmes de notre monde.

Philippe Nantermod, vous avez toujours voulu siéger au Parlement fédéral. A 37 ans, vous effectuez déjà votre deuxième législature au Conseil national. De quoi rêvez-vous encore? Du Conseil fédéral?
Mon premier objectif est de bien faire mon boulot au Conseil national. Et peut-être dans une autre chambre à Berne, si l’occasion se présente. Ça serait extraordinaire que le PLR arrive à décrocher la timbale du Conseil des Etats en Valais. Et je n’exclus pas… Enfin, vous savez, le graal du Conseil fédéral, c’est ce qui motive plein de jeunes parlementaires. Si l’occasion se présentait...

... vous hésiteriez?
C’est le sommet ultime d’une carrière politique, donc j’y réfléchirais. Une telle décision dépend de plein de facteurs: de la répartition des sièges au moment où ça se présente, de votre situation familiale… Je pense plutôt que ma carrière politique arrivera à son terme dans six ans, à la conclusion de mon troisième mandat. Selon les statuts de notre parti en Valais, je ne pourrai pas rester plus longtemps à Berne. A moins d’arriver à décrocher un siège au Conseil des Etats…

Et après?
Je ne sais pas. Peut-être que je m’engagerai dans ma commune. Ou au niveau cantonal, mais au Grand Conseil. Je ne voudrais pas du Conseil d’Etat: il faut savoir laisser la place aux autres.

Franchement?! Vous allez nous faire croire que vous bouderiez l'Exécutif valaisan?
Oui.

Revenons au présent. Déjà en perte de vitesse depuis les fédérales de 2019, le PLR concède encore 1,5 point dans les intentions de vote, selon le baromètre SSR de mi-législature. Pas trop difficile à porter, l'étiquette du loser?
Ça fait longtemps que le PLR n’est plus un parti hégémonique au niveau fédéral. Dans les faits, la situation varie au gré des cantons même si, c’est vrai, globalement, le bilan de ces dernières années est assez faible. Nous devons vraiment nous réveiller. Ce baromètre électoral doit être un électrochoc. Cela dit, nous restons le parti avec le plus d’élus en Suisse, environ 2'500, et nous avons aligné quelques belles victoires cette année en Valais, à Neuchâtel et plus récemment à Fribourg, même si l’on est loin d'avoir tout résolu.

Quel est votre diagnostic?
Nos convictions et nos valeurs ne sont peut-être pas toujours dans l’air du temps. C’est peut-être pour ça que nous avons perdu en 2019. C’est ennuyeux, mais ça n’est pas trop grave. On ne peut pas systématiquement défendre les valeurs à la mode, celles qui constituent la référence du moment. Quand un parti dit simplement ce que tout le monde veut entendre sur chaque sujet, ce n’est plus un parti politique, mais un club de pétanque.

Mais alors, qu'est-ce qui serait grave?
Le pire serait de perdre notre boussole. Devenir tellement lisses que les gens ne savent plus pourquoi ils se tournent vers nous. Pour moi, c’est ça qui va compter lors des prochaines élections. Il faudra d’abord renforcer notre ligne, la rendre encore plus profilée. C’est ça qui nous avait fait gagner en 2015 avec Philipp Müller à la tête du parti. Nous gagnons quand nous ne rougissons pas de notre positionnement politique.

Comment inverser la tendance? L’économie et la compétitivité ne préoccupent plus vraiment les Suisses et le libéralisme ne semble plus faire recette…
Le PLR n’a pas, par sa seule intervention, le pouvoir de replacer l’économie au centre du débat. En revanche, nous pouvons amener des réponses libérales aux thèmes qui inquiètent la population aujourd’hui. Prenons par exemple la question du climat, encore aujourd’hui la première préoccupation des Suisses. Une réponse libérale à ce problème, c’est de proposer des solutions pour lutter contre le réchauffement climatique, plutôt que pour lutter contre le capitalisme. En face, des mouvements de gauche, comme les Verts, se cachent derrière un programme qui doit prétendument servir les intérêts du climat mais vise en réalité la décroissance. Sans présenter les coûts et les conséquences de cette décroissance.

Peut-on lutter contre les changements climatiques sans décroître?
Si l’on veut le bien de l’humanité, c'est un devoir. On connaît l’objectif: réduire nos émissions de gaz à effet de serre, ramener les 50 millions de tonnes de CO2 produites chaque année à zéro net en 2050. On peut le faire en électrifiant au maximum la société, avec une énergie décarbonée. Peut-être faudra-t-il rouvrir le débat sur le nucléaire? Limiter les possibilités de s'opposer aux énergies renouvelables? Peut-être faudra-t-il remettre la question des OGM sur la table?

Les OGM? Vous aimez les combats perdus d'avance...
Le génie génétique est certainement l’une des réponses les plus intelligentes que l’on puisse apporter pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’agriculture, qui représentent près de 20% des émissions en Suisse. Quand on voit les merveilles qu’a pu amener le génie génétique en un an durant la crise du Covid, ça devrait nous faire revenir sur cette espèce de peur médiévale qu’on avait dans les années 90 qui nous a poussés à introduire des moratoires farfelus qui interdisent encore aujourd’hui la production d'OGM et limitent de facto la recherche à ce sujet en Suisse. Sur toutes ces questions, la réponse libérale est la meilleure. Et c’est possible: depuis 1990, la Suisse réduit ses émissions de gaz à effet de serre alors qu’on a une croissance économique et démographique.

Rouvrir le débat sur le nucléaire… Vous comptez voler d'autres idées à Madalena Martullo-Blocher?
Je ne pense pas que l’idée est de Madame Blocher. Elle est sur toutes les lèvres aujourd’hui en Europe. Pour décarboner notre société et continuer de croître, il n’y a pas un million de solutions sur la table. Et ça n’exclut ni l’éolien ni le solaire. Je ne peux pas dire si le PLR s’engagera dans cette voie, mais il y a au moins une chose que nous refusons: les Denkverbot, ces interdictions de réfléchir que l’on s’impose par idéologie.

Pourquoi avez-vous si peur de la fin de la croissance? Ce n’est pas si grave de ne pas pouvoir changer de téléphone portable chaque année, non?
Revenir aux émissions de gaz à effet de serre de la Suisse de 1960 en réduisant notre production et notre consommation au niveau global ne serait pas sans conséquence. Cela signifierait plonger plus d’un milliard de personnes de plus sous le seuil de pauvreté dans le monde et condamner presque autant de personnes à la faim. C’est ça, la contrepartie de la réponse anticapitaliste!

La croissance infinie dans un monde fini, c'est une utopie. Il faudra bien tirer le frein à main à un moment donné.
En deux ans de pandémie, malgré toutes les fermetures, malgré l’effondrement du trafic aérien, malgré une réduction de près de 10% du PIB dans toutes les démocraties occidentales, nous n’avons atteint que la moitié des objectifs fixés dans les accords de Paris. Si on voulait les atteindre en tirant le frein à main, le choc économique serait donc deux fois plus grand que celui de la crise du Covid-19. Et cela sans discontinuer durant les trente prochaines années… Pour absorber un tel séisme, on devrait commencer à réduire les dépenses publiques, notre qualité de vie et les infrastructures de base de notre société. Ce modèle-là n’est pas viable.

Alors on continue notre course à la consommation?
On assimile la croissance au changement annuel de nos téléphones portables. C’est une erreur: renoncer à la croissance économique, c’est renoncer à notre système de santé et à nos retraites. Durant les dix dernières années en Suisse, la croissance économique a été intégralement consacrée à financer ces deux postes.

Pourquoi ne pas juste aller chercher l’argent où il est?
Mais la richesse doit être créée avant d’être consommée! Et la décroissance c'est justement moins produire. Chaque franc que l’Etat dépense, il faut que quelqu’un le crée à un moment ou un autre. La décroissance n’est pas plus compatible avec l’augmentation des dépenses publiques que privées.

Le GIEC annonce de violentes catastrophes. Vous n'avez pas peur pour votre enfant?
Non, je suis assez confiant. J’ai lu les rapports du GIEC. Ils sont inquiétants. Les conséquences du réchauffement climatique n’ont rien de réjouissant, il faut en être conscient. Mais il faut aussi les lire en détail. De quoi parle-t-on? On parle de catastrophes climatiques, de catastrophes naturelles, de vagues de sécheresse ou de migration climatique. Des choses qu’on a déjà connues par le passé. On a déjà eu des inondations, des feux de forêts gigantesques…

Oui, mais peut-être pas dans les mêmes proportions.
Je n’en suis pas sûr. Peut-être en quantité, oui. Mais je vous ferais remarquer que, depuis un siècle, le nombre de victimes de catastrophes naturelles a continuellement diminué. Jamais l’humanité n’a aussi bien protégé les gens des cataclysmes climatiques et naturels qu’aujourd’hui.

Pendant que la maison brûlera, on va pouvoir gérer, c’est ça que vous dites?
On a de plus en plus les moyens pour gérer, y compris dans les pays en voie de développement. Parce qu’ils sont de plus en plus riches. On nous annonce, dans le plus mauvais scénario, plus de 50 millions de personnes supplémentaires qui seraient touchées par la faim. C’est dramatique et insupportable. Mais vous savez que c’était le cas il y a dix ans? Et que s'est-il passé en dix ans? Il y a eu une croissance économique mondialisée. A raison, on s’inquiète des catastrophes que peut causer le réchauffement climatique. Mais attention, le remède ne doit pas produire des conséquences encore plus graves que la maladie.

Après le climat, la deuxième préoccupation des Suisses est la lutte contre la pandémie. Vous avez été un grand défenseur de la vaccination de masse, du certificat Covid, des tests payants… Vous avez pas peur des antivax, qui se montrent parfois menaçants?
J’ai reçu des menaces. Beaucoup. Souvent. Ma foi, ça fait partie du jeu et ça ne m’inquiète pas beaucoup. Je trouve ça un peu ridicule et je passe au-delà.

Quel genre de menaces?
J’ai été brocardé avec toutes sortes de noms d’oiseaux plus ou moins sympathiques. Il y a aussi ces fameux tribunaux qu’on promet aux politiques. Les «on vous jugera» et les «vous serez pendu». Encore récemment, on m’a promis l’échafaud.

Quand on voit les tentatives d'encouragement à la vaccination, comme la tombola du Conseil d'Etat genevois, on se dit que la politique est à court d’arguments.
Si on prend les plus de 30 ans, on est proche des 80% de vaccinés. Les chiffres commencent à devenir assez bons. Mais on est face à un problème de… raison. Qu’est-ce qui fait qu’un cinquième, un quart de la population prend des décisions qui sont totalement déraisonnables?

Face à cette frange de la population, vous ne savez clairement plus quoi faire. Le pass sanitaire n'a pas vraiment eu d'effets sur ses choix.
Il y a toujours des gens qui se vaccinent, qui font ce choix, et c’est important de les y encourager. Le pass sanitaire est aussi là pour protéger les gens vaccinés et pour éviter une explosion des cas dans les hôpitaux, pour éviter de devoir à nouveau freiner le système. Avec le nombre de cas actuels, sans certificat Covid, nous serions confinés. En tant que vacciné, j’en ai marre de ne plus pouvoir mener une vie normale à cause de personnes qui refusent de se faire vacciner. Ils ne veulent pas se faire vacciner ou se faire tester, très bien: ils en assument les conséquences.

Ne serait-il pas temps de mettre fin à toutes ces mesures anti-Covid?
Si les infections et les hospitalisations baissent, le Conseil fédéral sera bien obligé de lever les mesures. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, on en est loin.

Les opposants au pass sanitaire n’ont que le mot «liberté» à la bouche. Ils considèrent que les mesures vont à l’encontre des libertés fondamentales. Or vous y êtes favorables. Vous êtes libéral quand ça vous arrange?
Vous savez, on se dit tous libéraux en Suisse. A l’inverse de la France ou personne n’ose le dire. Ici, même les syndicats se prétendent libéraux. A mon avis, le libéralisme c’est la défense des libertés individuelles, mais aussi de l’idée de responsabilité individuelle. Vous ne pouvez pas les délier. Parce que la liberté absolue, sans barrières, c’est l’anarchie. Et être libéral, ce n’est pas être anarchiste. Ou peut-être un tout petit peu, des fois. Mais un libéral accepte l’existence d’un Etat et d’une société. Être libéral, c’est accepter, bon gré mal gré, de payer des impôts, de vivre en société et ça implique que, pour le cas précis, face à une pandémie qui tue des gens et qui met sous l’eau notre système de santé, l’on puisse imposer un certain nombre de règles. Celle d’être vacciné pour pouvoir se retrouver dans des lieux où le virus circule a priori librement me semble légère et admissible. Depuis le début de la pandémie, nous n’avons jamais été aussi libres: avec le certificat Covid, on peut enfin enlever ces fichus masques au bistrot. Le pass sanitaire, c’est aussi un peu de liberté.

Vous êtes l'un des quatre vice-présidents du PLR. Avec votre nouveau président, Thierry Burkart, beaucoup d'observateurs prédisent un virage à droite toute. Il avait notamment combattu l'accord-cadre. Après son abandon par le Conseil fédéral, Martin Vetterli, président de l'EPFL, a dressé un tableau très sombre pour l'avenir de nos relations avec l’Union européenne. Cela n’allume-t-il pas quelques sirènes d’alarme chez vous?
La situation avec l’Union européenne est très inquiétante et on ne peut pas se passer de notre premier partenaire économique. Mais il fallait prendre acte que cet accord-cadre n’avait aucune chance d’être adopté par une majorité de la population. Par exemple, avec la directive sur la citoyenneté, qui aurait permis à tout citoyen européen de venir toucher l’aide sociale en Suisse, ça aurait été impossible. C’est cela qu’a combattu Thierry. Les Suisses sont d’accord avec la libre circulation des travailleurs, mais pas avec la libre circulation des bénéficiaires de l’aide sociale. Ce n’est pas open bar, la libre circulation! Peu de pays voient autant de passage aux frontières et il faut avoir une oreille attentive. Mais l’Union européenne n’acceptait de faire aucun compromis.

Il faut donc céder du terrain à l’UDC?
Il faut une majorité populaire. En Suisse, impossible de l’obtenir sans faire quelques compromis sur la question migratoire. Et pas seulement à droite. Ecoutez les syndicats: ils ne vont pas se battre pour ouvrir les frontières sans aucun contrôle des salaires, par exemple. Je comprends l’idéal européen qu’il y a derrière la libre circulation des personnes mais n’oublions pas, et ce n’est pas un détail: il faut réunir une majorité populaire.


Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la