Les politiques genevois demandent des comptes
«Un élu UDC soupçonné de sympathie néonazie n’a rien à faire au parlement»

Le député-suppléant genevois UDC Sébastien Thomas est soupçonné de sympathies envers le néonazisme par des membres de son propre parti, écrivait Blick en décembre. Face à l'immobilisme des conservateurs dans cette affaire, des politiciens de tous bords se mobilisent.
Publié: 27.01.2023 à 16:51 heures
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Dernière mise à jour: 10.02.2023 à 10:14 heures
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Daniella GorbunovaJournaliste Blick

Il n’était pas présent à la dernière séance du Grand Conseil en date, le jeudi 26 janvier. Pourtant, le député suppléant de l'Union démocratique du centre (UDC) Sébastien Thomas a toujours une place au chaud au parlement genevois, ainsi qu’au sein de son parti, d’après nos informations. Malgré les accusations relayées par Blick en décembre, qui portaient sur les convictions du jeune politicien.

Ce dernier est en effet soupçonné de sympathie envers des courants néonazis par des membres de son propre parti, révélions-nous. Et son activité sur les réseaux sociaux alimente les reproches: sur Facebook, il «like» des pages telles que celle de la Légion 88, un groupe de rock anticommuniste néonazi français, entre autres pages ayant trait au IIIe Reich. Et sa proximité avec le groupe néonazi suisse Kalvingrad Patriote, dissout en 2020, est attestée.

Top secret…

Le principal intéressé avait nié ces connivences dans nos colonnes, affirmant qu'il aime simplement s'instruire et s'informer «en permanence pour mieux comprendre et analyser les causes les plus sombres de notre histoire». Il n’a pas commenté l’affaire publiquement depuis. Du côté de son parti, c’est aussi «silence radio»: pas de prise de position publique, ni de communiqué de presse à l’horizon.

Soupçonné d'être proche du néonazsime, le député Sébastien Thomas siège toujours au parlement. (Image d'illustration)
Photo: Keystone

Interpellée par écrit quant aux suites données à cette affaire à l’interne, la conseillère nationale et présidente de la section UDC de la cité de Calvin, Céline Amaudruz, rétorque avoir «formellement écrit à M. Thomas pour lui demander de se déterminer à la suite de [notre] article. Ce dernier nous a répondu, et a pris des engagements fermes et sans ambiguïté quant au respect qu’il accorde à la dignité humaine et aux valeurs démocratiques.» Or, ces échanges sont restés confidentiels. Nous n’avons aucun élément permettant d’en connaître le contenu exact.

Et ça ne plaît pas à tout le monde. Dans les couloirs du parlement, ça persifle: «C’est gênant, cette histoire, quand même… » De gauche à droite, un certain nombre de politiciens et de politiciennes se mobilisent aujourd’hui pour demander à l’UDC de rendre des comptes.

«C'est insupportable»

Nous l’expliquions dans notre article: les premiers soupçons quant aux positions idéologiques de Sébastien Thomas — écrits dans une lettre que les Jeunes UDC auraient envoyée au comité directeur pour faire part de leurs inquiétudes — datent en réalité de 2018, année électorale pour le canton de Genève.

En ce sens, le député socialiste Youniss Mussa tape du poing sur la table. «Pour moi, si nous en sommes arrivés là, c’est parce que l’UDC a décidé de maintenir cette personne sur sa liste en 2018, alors même qu’il y avait déjà des doutes — et même des articles — sur ses connivences avec des mouvements d’extrême-droite néonazis», lance-t-il à Blick.

Quant à la réponse que nous a fournie Céline Amaudruz (et que nous avons soumise à tous nos intervenants), le politicien ne peut «que regretter la réaction de l’UDC». Il enchaîne: «Une simple lettre qui demande de se positionner, c’est très léger, compte tenu des accusations… Pour moi, il aurait fallu entendre ce député suppléant en personne, et faire une enquête interne approfondie sur ses liens avec les milieux néonazis. Cette inaction est d’autant plus étrange que c’est de l’intérieur même du parti qu’ont émané les accusations... »

Youniss Mussa appelle à une réaction plus concrète, spécialement dans un contexte où les mouvements néonazis connaissent une résurgence un peu partout en Europe — et la Suisse n’y échappe pas. «Pour moi, si cette personne est effectivement idéologiquement proche du néonazisme, elle n’a rien à faire dans une enceinte démocratique telle qu’un parlement, souligne le socialiste. Ces courants sont l’une des plus grandes menaces pour la sécurité de notre canton. Pour rappel, un jeune a encore été agressé par un néonazi en vieille ville il y a moins d’un mois.»

Même son de cloche du côté du président du parti socialiste genevois, Thomas Wenger: «Il est incompréhensible que l'UDC Genève ne s'assure pas avec certitude qu'un de leurs députés suppléants, accusé de néonazisme par ses propres collègues de parti, n'ait aucune proximité avec l'extrême-droite néonazie. Aujourd'hui, le doute plane et c'est insupportable.»

SOS transparence?

Toujours à gauche, les Jeunes Vert-e-s n’en pensent pas moins. Leur coprésident Damian Veiga se prononce en leur nom: «Nous désapprouvons que quelqu’un qui a des affinités aussi fortes avec des mouvements d’extrême-droite se retrouve à siéger au parlement, qui est l’un des plus grands pouvoirs décisionnels du canton.» Et l'écologiste d'ajouter: «Nous demandons donc à l’UDC de prendre position publiquement.»

À entendre les politiciens et politiciennes contactés, le plus grand reproche que l'on peut adresser au parti agrarien dans ce contexte, c'est peut-être le manque de transparence. Plus au centre, chez les Vert’libéraux, qui eux n’ont pas (encore?) leur ticket d’entrée au parlement genevois, le candidat au Conseil d’État pour les élections cantonales de 2023, Marc Wuarin, soutient que «la réaction de l’UDC paraît effectivement inadaptée, aux yeux des Vert’libéraux, au vu de la gravité des accusations et des faits qui ont été dénoncés».

Il insiste: «La transparence, pour nous, doit être centrale en politique. À partir du moment où ce député suppléant a accepté un mandat public, ses positions et ses opinions doivent, elles aussi, être débattues publiquement.» Le centriste appuie: «À titre personnel, je pense que la réponse que l’UDC vous a fournie est surtout problématique, car elle permet au doute de subsister. Il est difficile de travailler sereinement dans ces conditions. Face à des accusations aussi graves, un rapport aurait au dû être établi et publié.»

SOS image

À droite aussi, l’affaire fait froncer quelques sourcils. Notamment ceux de la députée libérale-radicale Diane Barbier-Mueller, qui s’inquiète en imaginant que ces accusations d’extrémisme puissent coller à la peau de ses cousins politiques. «À mon sens, c’est surtout le risque d’amalgame avec l’image de l’UDC qui rend cette histoire délicate, glisse l'élue PLR. Ils auraient dû se positionner en se détachant complètement des opinions de ce garçon, et communiquer plus clairement là-dessus.»

Au pôle politique opposé, on hausse d’ailleurs les épaules au lieu de s’indigner, face à «l’affaire» Sébastien Thomas. Le député d’Ensemble à Gauche Jean Burgermeister dit ne pas être surpris: «Au-delà de ce cas individuel, la proximité de l’UDC avec des milieux d’extrême-droite, voire néonazis, n’est pas quelque chose de nouveau pour moi. Et tout cela a une signification politique.»

Il remet une couche: «D’après vos informations, l’UDC a interpellé Sébastien Thomas par écrit, pour lui demander de se déterminer sur le respect qu’il accorde à la dignité humaine. Moi, je serais tenté de demander à tous les membres de ce parti de se déterminer sur la dignité humaine! Celle des requérants d’asile, des musulmanes et des musulmans… Celle de toutes les personnes que l’UDC a pour habitude de stigmatiser!»

Confronté à ces critiques, Sébastien Thomas n'a pas souhaité s'exprimer.

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