Les fournisseurs se préparent
«Moins d'électricité signifie aussi moins d'eau potable»

La Confédération met tout en œuvre pour éviter une pénurie d'électricité cet hiver. Mais en cas d'urgence, les fournisseurs d'eau seront aussi touchés s'ils doivent aider à économiser l'électricité. Les services des eaux se préparent à un éventuel scénario d'urgence.
Publié: 15.11.2022 à 06:00 heures
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Dernière mise à jour: 15.11.2022 à 06:59 heures
Ruedi Studer

On l'a souvent évoqué, mais c'est désormais un fait: le froid s'installe en Suisse. Les chauffages électriques centraux à accumulation ou les poêles électriques mobiles sont rallumés et cela a des répercussions sur l'approvisionnement en électricité.

Au lieu d'en exporter, comme la plupart du temps ces derniers mois, le pays dépend à nouveau davantage des importations. «La semaine dernière, la Suisse s'est majoritairement trouvée en phase d'importation», informe le dernier rapport de situation de l'Office fédéral pour l'approvisionnement économique du pays (OFAE). «Malgré la bonne situation de départ dans le pays, des restrictions d'importation décidées par les pays voisins pourraient entraîner des limitations de l'approvisionnement au cours de l'hiver», poursuit-il.

La situation, notamment en France, reste pour l'heure incertaine. «Il se pourrait bien qu'un pays voisin connaisse des problèmes d'approvisionnement au niveau régional - en termes de quantité ou en raison de pannes techniques - et que les exportations d'électricité vers d'autres pays, dont la Suisse, soient donc temporairement réduites, précise à Blick Marianne Zünd de l'Office fédéral de l'énergie. Ce courant importé nous manquerait alors pour notre approvisionnement.»

«Pour le fonctionnement des pompes et des installations de traitement, les fournisseurs d'eau dépendent dans une large mesure de l'alimentation en électricité», avertit la Confédération dans un rapport de situation. En illustration: le réservoir Lyren à Zurich-Altstetten.
Photo: Keystone
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Certes, la Confédération tente d'éviter une éventuelle pénurie en prenant des précautions telles que des réserves de force hydraulique, des groupes électrogènes de secours ou une réduction des débits résiduels. Mais les économies d'électricité restent de mise pour éviter une pénurie. La situation pourrait devenir particulièrement critique à la fin de l'hiver, lorsque les barrages se videront.

Les pompes à eau dépendent de l'électricité

En cas d'urgence, un bien particulièrement important pourrait être en danger: notre approvisionnement en eau! «Pour le fonctionnement des pompes et des installations de traitement, les fournisseurs d'eau dépendent dans une large mesure de l'alimentation en électricité», avertissait l'OFAE dans un précédent rapport de situation. C'est pourquoi les fournisseurs d'eau seraient en train de vérifier leurs mesures de préparation en cas de situation extrême.

C'est ce que confirme Christos Bräunle, de la Société suisse de l'industrie du gaz et des eaux (SSIGE), une association d'entreprises et de spécialistes: «Pour de nombreuses communes, l'approvisionnement en eau a une forte influence sur la consommation d'électricité, car il faut régulièrement pomper de l'eau souterraine dans les réservoirs.»

Si un contingentement de l'électricité devait être imposé et que les gros consommateurs devaient, par exemple, économiser 20 ou 40% de leur consommation d'électricité, de nombreux fournisseurs d'eau seraient confrontés à un défi. «Au cours des dernières années, des pompes plus efficaces ont été installées en de nombreux endroits», explique Christos Bräunle. Le programme a même été encouragé par SuisseEnergie: «Mais maintenant, il n'y a plus beaucoup de possibilités d'économiser encore plus, et surtout pas à court terme.»

Appel à économiser l'eau

Un contingentement d'électricité aurait donc également des répercussions sur l'approvisionnement en eau. «De nombreux fournisseurs ne peuvent économiser de l'électricité qu'en pompant moins d'eau. Moins d'électricité signifie logiquement aussi moins d'eau potable», poursuit Christos Bräunle. Ainsi, des scénarios sont actuellement élaborés au cas où la population devait être appelée à économiser l'or bleu. «Au moins au niveau régional, comme nous le connaissons aujourd'hui par exemple lors de périodes de canicule», précise l'expert.

Des coupures de réseau de quelques heures pourraient aussi représenter un défi pour les fournisseurs d'eau. «Pas d'électricité ne signifie toutefois pas qu'il n'y a pas d'eau qui coule du robinet, relativise Christos Bräunle. Les réservoirs peuvent être remplis pendant que les pompes fonctionnent.» Une fois que l'eau est montée, il n'y a plus besoin d'électricité pour la distribuer dans les foyers. «La pression de l'eau sur la pente suffit». En revanche, si une coupure de réseau se prolongeait, un éventuel traitement de l'eau pourrait néanmoins devenir problématique.

La situation diffère de plus d'une commune à l'autre. «Ceux qui disposent d'une source et n'ont pas besoin de pompes ne seraient pas du tout concernés, mais c'est une nette minorité», explique l'expert. D'autres fournisseurs disposent en outre de puits de secours avec des captages d'eau de source: «Zurich par exemple dispose d'un tel approvisionnement.»

Préparation à un scénario d'urgence

Pour l'heure, on ne sait pas encore si les fournisseurs d'eau doivent aider à économiser l'électricité ou s'ils bénéficieront éventuellement d'une réglementation d'exception en tant qu'infrastructure critique. «En l'état actuel des choses, nous ne sommes pas exclus des mesures en soi, c'est pourquoi nous devons nous préparer à un scénario d'urgence», souligne Christos Bräunle.

Les fournisseurs d'eau examinent par exemple quelles mesures d'économies d'électricité seraient encore possibles ou non et comment ils pourraient s'approvisionner eux-mêmes en courant. Ce sont surtout les grands fournisseurs qui disposent déjà de groupes électrogènes de secours, tandis que les petits fournisseurs cherchent à s'équiper dans ce domaine: «Nous voulons éviter autant que possible de lancer un appel aux économies sur la consommation d'eau. Ce serait vraiment en tout dernier recours.»

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