Les détaillants suisses alertent
Les cadeaux de Noël compromis par les pénuries mondiales?

Les détaillants suisses comme Migros et Manor sont aux prises avec des problèmes d'approvisionnement. Les appareils électroniques sont particulièrement concernés. La pénurie de certains matériaux et produits pourrait compromettre les achats de Noël.
Publié: 10.10.2021 à 06:07 heures
Thomas Schlittler

Noël est encore loin. Mais le jour où vous aurez besoin de vous précipiter dans les magasins bondés à la dernière minute pour trouver un cadeau original pour vos proches arrivera bien assez vite et peut-être plus tôt que prévu.

Si vous avez l’habitude de vous y prendre à la dernière minute pour acheter vos cadeaux de fin d’année, prenez garde: 2021 pourrait être la pire année pour le faire, et vous risquez de ne pas pouvoir trouver le produit que vous cherchez. Les spécialistes du secteur et les grands détaillants de Suisse sont unanimes sur la question.

«Notre conseil aux clients est de se procurer rapidement les produits qu’ils désirent s’ils sont déjà disponibles», recommande un porte-parole de Manor, la plus grande chaîne de grands magasins de Suisse. Chez Digitec Galaxus, filiale de Migros, le plus grand détaillant en ligne du pays, même son de cloche: «Si votre liste de Noël est déjà prête, mieux vaut commander vos cadeaux en avance».

2021 pourrait être la pire année pour acheter ses cadeaux de Noël à la dernière minute.
Photo: Shutterstock
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La prudence et la prévoyance sont particulièrement de mise cette année à cause des goulots d’étranglement sur le commerce mondial. Il y a plus de sable que d’habitude dans les rouages de la mécanique du commerce mondialisé. La faute à la pandémie de Covid-19 d’une part, et des mesures des gouvernements d’autre part qui pèsent depuis un an et demi sur de plus en plus de secteurs économiques et industriels.

Pénuries à la chaîne et flambée des prix

La situation au niveau mondial n’épargne pas les détaillants suisses. «Dans les succursales Migros, nous devons faire face à d’importants retards de livraison dans le secteur du ménage, des jouets et des textiles dans certains cas», explique un porte-parole du géant orange. La situation avec les vélos SportXX reste tendue. Do it + Garden, en revanche, a dû accepter des hausses de prix massives en raison de l’augmentation de la demande mondiale de bois.

Digitec Galaxus est également concerné. «Le goulot d’étranglement touche différents groupes de produits et change constamment», explique un porte-parole. Alors qu’au printemps, les cartes graphiques étaient concernées, ce sont maintenant les imprimantes qui souffrent des problèmes sur la chaîne logistique et d’approvisionnement. «Ce ne sont pas seulement les clients privés qui sont touchés: de nombreuses entreprises attendent également les appareils qu’elles ont commandés.» Même des produits comme les moniteurs pour bébés, les boîtes à musique, les aspirateurs ou les machines à café sont touchés par les pénuries.

Chez Manor, ce sont des catégories de produits similaires qui posent problème. Les secteurs de la mode et des jouets devraient a priori être épargnés, assure un porte-parole de l’entreprise. Il n’en sera pas de même en revanche avec les imprimantes, les consoles de jeux, les machines à café, certains smartphones ou ordinateurs portables.

Les raisons de ces turbulences sont complexes. La crise dite des semi-conducteurs, c’est-à-dire la pénurie mondiale de puces électroniques, est la principale responsable des retards de livraison d’appareils électroménagers et électroniques.

Une conséquence de la numérisation

Les semi-conducteurs sont indispensables à la quasi-totalité des produits technologiques actuels. «Même les tondeuses à gazon et les machines à café ne peuvent aujourd’hui se passer de puces informatiques, sans parler des voitures et des vélos électriques», explique Wolfgang Stölzle, professeur de gestion logistique à l’Université de Saint-Gall (HSG).

Mais l’évolution technologique n’est pas la seule raison qui explique le besoin accru de semi-conducteurs. L’essor du télétravail imposé par le gouvernement a provoqué une augmentation de la demande de puces électroniques à usage domestique. Enfin, puisque l’industrie automobile s’est remise du frein des activités causé par la pandémie de Covid-19 plus rapidement que prévu, Toyota, Volkswagen et les autres firmes automobiles recherchent à nouveau désespérément des producteurs de semi-conducteurs (après avoir annulé toutes leurs commandes au printemps 2020).

«L’offre n’est tout simplement pas à la hauteur de la demande pour le moment», estime le professeur de gestion. Et il faudra des mois, voire des années, pour qu’un nouvel équilibre s’établisse. «Les capacités de production supplémentaires ne peuvent pas être mises en place du jour au lendemain.»

Le deuxième grand problème est le chaos de la logistique internationale. Les ports ont été fermés à maintes reprises en raison des vagues d’infections de Covid-19 chez les travailleurs et des pays entiers ont parfois été fermés, ce qui a désorganisé la circulation internationale des marchandises. «Les cargos ne sont pas là où ils devraient être», précise Michael Lustenberger, expert en logistique à l’Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW).

Les États-Unis également touchés par les embouteillages

De plus en plus de navires de marchandises se bloquent les uns les autres dans et autour des ports américains comme Los Angeles à cause de problèmes de dédouanement. Une fois que les conteneurs ont été vidés, ils ne peuvent pas être rechargés immédiatement aux États-Unis. L’expert en logistique explique: «Il y a actuellement beaucoup trop peu de capacités d’Est en Ouest. Il en résulte une augmentation des prix du fret, et les consommateurs suisses vont en ressentir également les effets».

L’origine de tous ces dysfonctionnements n’est pas difficile à trouver: elle remonte au printemps 2020, lorsque de nombreux ports et usines ont dû interrompre leurs activités à cause de la pandémie de Covid-19. «Pour l’économie mondiale interconnectée, ce fut un choc qui a encore des effets aujourd’hui», rappelle Wolfgang Stölzle.

Malgré la situation actuelle délicate, les détaillants suisses ne s'affolent pas. Ils précisent avoir constitué des stocks importants ces derniers mois, ou en tout cas suffisants pour ne pas mettre la période de Noël en danger.

Le porte-parole de Manor apporte toutefois une nuance: «Les clients pourraient être amenés à devoir se tourner vers un autre modèle du produit souhaité».

Des concessions qui sont devenues inhabituelles en Suisse à l’heure où beaucoup de consommateurs se sont habitués à commander en ligne pour le lendemain.

Une promesse qui ne peut plus être tenue systématiquement désormais.

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