Le Covid, une leçon pour les politiciens
La pandémie va-t-elle motiver de vraies actions pour le climat?

Les scientifiques sont unanimes: il faut une action coordonnée et globale d'entraide et de passage à l'acte face à la crise climatique. Or, les politiciens ne semblent pas avoir tiré de leçon de la crise du Covid-19, considérée comme un signal d'alarme pour beaucoup.
Publié: 07.11.2021 à 06:06 heures
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Dernière mise à jour: 07.11.2021 à 06:44 heures
Dana Liechti

Bien avant l’apparition du Covid-19 dans nos vies, les scientifiques avaient déjà commencé à mettre en garde contre l’émergence de pandémies. L’histoire a prouvé que leurs avertissements n’ont pas été entendus: la plupart des pays étaient mal ou pas suffisamment préparés à une crise d’une telle ampleur.

En parallèle des avertissements sanitaires, les alertes sur la crise climatique se multiplient chaque année avec, tristement, peu de résultats. Malgré le rappel de son urgence au lendemain de la COP26 à Glasgow, peu de mesures concrètes ont été prises pendant le sommet. Or beaucoup considèrent que la pandémie de Covid-19 est une sorte d’avertissement adressé aux hommes politiques et à la société pour enfin passer à l’action et ne pas foncer dans le mur.

«Le manque de coopération internationale que nous avons connu avec la pandémie de Covid ne doit pas se reproduire avec la crise climatique», alerte Bernd Nilles. Le directeur exécutif d’Action de Carême et président d’Alliance Sud, le groupe de travail sur la politique de développement des œuvres d’entraide suisses telles que Swissaid et Caritas, s’intéresse de près aux questions climatiques et se trouve actuellement à Glasgow pour participer à la COP26.

Lors d'une manifestation à Glasgow, Greta Thunberg a accusé les personnes au pouvoir de vouloir maintenir le statu quo malgré l'exploitation des personnes et de la nature pour continuer à en tirer profit.
Photo: AFP
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Sans surprise, et comme l’ont pointé les militants du climat, le sommet actuel brasse beaucoup de belles paroles mais peu d’actions. Les chefs des gouvernements présents ont notamment promis d’éliminer progressivement le charbon, de réduire les émissions de méthane et de protéger les forêts. Sauf que la plupart de ces promesses sont fondées sur des accords qui reposent sur le bon vouloir des États et sur le volontariat. Or le passé a déjà montré que ce genre d’accord sans risque réel de conséquences pouvait conduire à une augmentation La plupart des incontrôlée des émissions de CO2, malgré les promesses des dirigeants.

Trop de pression sur la responsabilité individuelle

En l’état, il est donc de plus en plus difficile d’atteindre l’objectif de réchauffement maximal de 1,5°C fixé à Paris en 2015. Pourtant, la pandémie de Covid-19 a montré à quel point il serait important de décider et d’agir avec clairvoyance, estime le professeur d’économie Marius Brülhart de l’Université de Lausanne. Il cite en exemple le cas de la Suisse: «Si l’on n’avait pas hésité aussi longtemps l’automne dernier, lors de la deuxième vague, à introduire des mesures plus strictes, on aurait pu éviter beaucoup de souffrance. On a trop mis l’accent sur la responsabilité individuelle uniquement en l’opposant de manière dogmatique à toute action supplémentaire de l’État».

Manifestation, pour obtenir des actions politiques concrètes, il faut d’abord subir une certaine quantité de souffrance. C’est ce qu’avance le professeur de l’UNIL: «Ce n’est que lorsque les appels à l’aide des hôpitaux sont devenus forts que les politiques sont passés à l’action: mais il était déjà trop tard».

Est-ce le scénario qui attend également le traitement de la crise climatique? Faudra-t-il une catastrophe telle que les politiciens seront obligés d’agir? Peut-on espérer qu’il ne faudra pas en arriver là – d’autant que les catastrophes surviennent déjà partout dans le monde? Marius Brülhart est assez pessimiste sur la question: «La crise climatique est encore plus incertaine et les intérêts particuliers sont encore plus nombreux que pour la pandémie». En outre, la crise climatique est un problème bien plus complexe que la pandémie. «Il n’existe pas de vaccin contre le climat. Il y a cent mille petites mesures que vous pouvez prendre dans tous les domaines de la vie, mais pas une seule mesure abordable comme la vaccination.»

Quid des financements et de l’ouverture des caisses de l’État pour faire face à la crise climatique? Le gouvernement a bien ouvert le porte-monnaie lors de la crise du Covid-19. Pour le professeur d’économie, les deux crises ne sont pas comparables. «Dans le cas du Covid, on a pu débloquer de l’argent principalement parce que l’on savait que ce ne serait qu’une question de mois avant la fin de la crise. Pour le changement climatique, c’est tout autre chose. Il va continuer à occuper les générations suivantes. Si la crise du Covid-19 est un marathon, le changement climatique, lui, est un Ironman.»

Bientôt une Task-Force climat?

À l’instar de la Task-Force Covid, beaucoup réclament une Task-Force climat, et on peut se demander si elle verra le jour en Suisse. La ministre de l’Environnement, Simonetta Sommaruga, a jusque-là exprimé son souhait d’échanger plus étroitement avec la communauté scientifique. Mais la question de la forme et de la fréquence de ces échanges reste ouverte.

Pour l’instant, il ne semble pas du tout évident que la pandémie de Covid-19 serve de leçon pour la lutte contre le changement climatique. Même si cette première a montré que les décisions et mesures politiques pouvaient rapidement faire une différence, pas sûr que les gouvernements passent à l’action. «Les politiciens, tant au niveau international qu’en Suisse, estiment toujours qu’il est moins urgent d’agir sur la crise climatique que sur la pandémie. Et ce, malgré le fait que la planète présente déjà de sérieux symptômes de maladie», déplore Bernd Nilles.

Les actions individuelles n’en viendront pas à boulot: il faut mettre en place des mesures et des solutions systémiques pour lutter contre le dérèglement climatique et préserver des conditions de vie supportables sur la planète. Le plus grand danger pour ces changements, c’est l’ancien ordre politique. Or, pour Greta Thunberg, cette normalité politique est de nouveau celle à l’ordre du jour de la COP26.

Lors d’une manifestation à Glasgow, l’activiste climatique a accusé les personnes au pouvoir de vouloir maintenir le statu quo malgré l’exploitation des personnes et de la nature et de continuer à en tirer profit. La conférence sur le climat n’était rien d’autre qu’une opération de communication, un «festival de 'greenwashing'».

(Adaptation par Louise Maksimovic)

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