Le PS propose un «chèque fédéral» plus équitable
Une réduction du prix de l'essence profitera surtout aux riches

Les prix ont largement augmenté, et pas seulement pour les automobilistes. Or, une réduction du prix du carburant ne profitera qu'à ces derniers. Pire encore, il profitera surtout aux riches. En ce sens, le «chèque fédéral» proposé par le PS est plus social.
Publié: 13.06.2022 à 10:45 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2022 à 11:28 heures
Pascal Tischhauser

Le prix élevé du pétrole plombe le budget des gens, et ce même avec du sans plomb 98. Jeudi à la pompe, le litre d'essence coûtait 2,38 francs en Suisse selon le TCS. Personne ne sait comment va évoluer l'inflation, qui s'élève désormais à 2,9%. Ce qui est sûr, c'est que les choses vont empirer à l'automne, alors que beaucoup s'attendent à une hausse des primes d'assurance maladie de 5 à 10%, tandis que le prix de l'électricité augmente aussi.

Moins d'impôt sur les huiles minérales

Selon l'association des locataires, le chauffage au mazout ou au gaz devrait à lui seul coûter jusqu'à 1200 francs de plus aux familles. Difficile de s'en sortir avec un petit budget. Les partis espèrent aider financièrement les citoyens avec différentes propositions.

L'une d'entre elles, émanant principalement de l'UDC, propose de réduire de moitié, ou du moins de 35 centimes, l'impôt sur les huiles minérales. L'impôt s'élève à un peu moins de 77 centimes par litre pour l'essence et à environ 80 centimes pour le diesel. L'impôt sur les huiles minérales rapporte 4,5 milliards de francs par an à la Confédération. Si l'on baissait l'impôt sur les huiles minérales de 35 centimes, cela coûterait plus de deux milliards de francs à la Confédération, comme le montrent les réponses du Conseil fédéral des années précédentes à des demandes similaires.

Faire le plein est devenu nettement plus cher. L'UDC veut donc baisser les taxes sur les carburants.
Photo: imago/Beautiful Sports
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Les pauvres roulent moins

Mais quel serait le bénéfice d'une telle baisse d'impôt sur l'essence et le diesel? En 2005, le Conseil fédéral doutait fortement que cette baisse soit immédiatement et intégralement répercutée sur les consommateurs.

Un regard sur l'Allemagne montre la même chose. Dans ce pays, l'introduction d'un frein au prix de l'essence a certes entraîné une baisse à court terme, mais le prix est revenu au même niveau après une semaine. Selon les médias, seule la marge des groupes pétroliers a augmenté. Le ministre des Finances allemand Christian Lindner estime d'ailleurs que l'Office des cartels a le devoir d'enquêter sur ce point, soupçonnant une entente entre les grands groupes.

Les riches accélèrent

Même si les deux milliards de réduction parvenaient aux consommateurs, ce sont les mauvaises personnes qui en profiteraient. Selon les chiffres de l'Office fédéral de la statistique (OFS), 22% des ménages n'ont pas de voiture et ce sont souvent les plus pauvres. Les Suisses, toutes classes confondues, parcourent en moyenne 37 kilomètres par jour, dont deux tiers en voiture. Les bas revenus, inférieurs à 4000 francs, ne font que 22,5 kilomètres, selon l'OFS.

Les plus hauts revenus, avec un salaire mensuel de plus de 12'000 francs, parcourent 51,6 kilomètres par jour. Ceux qui gagnent plus se déplacent plus, montre l'étude de microrecensement «mobilité et transports» de l'OFS. De plus, les plus pauvres ne peuvent guère s'offrir de grosses voitures gourmandes en carburants. Les personnes à faible revenu ne profitent donc guère d'une baisse du prix de l'essence.

«Chèque fédéral»

Le PS veut dépenser nettement moins de deux milliards de francs avec son modèle de «chèque fédéral» qui donnerait une déduction fiscale à 80% de la population. Des chiffres internes montrent que les socialistes s'attendent à des coûts de 1,64 milliard. Les adultes devraient recevoir 260 francs chacun, les enfants 130 francs, soit la moitié.

Si l'on se réfère aux données de l'OFS sur le kilométrage annuel des différents groupes de fortune et que l'on calcule une consommation d'essence de 5 litres aux 100 kilomètres, ainsi qu'une économie de 35 centimes par litre, on économise 1,75 franc aux 100 kilomètres. Comparons ce chiffre avec les déductions du «chèque fédéral»:

  • Une famille avec deux enfants et un revenu brut de 4500 francs, pas de voiture:
    «chèque fédéral» 780 francs; économie de l'impôt sur les huiles minérales 0 franc

  • Une famille avec deux enfants, revenu brut 8000 francs, avec 10'000 kilomètres en voiture/an:
    «chèque fédéral» 780 francs; économie de l'impôt sur les huiles minérales 175 francs

  • Un couple à deux revenus, revenu brut de 8000 francs, avec 10'000 kilomètres en voiture/an:
    «chèque fédéral» 520 francs; économie de l'impôt sur les huiles minérales 175 francs

  • Un couple à deux revenus, revenu brut de 15'000 francs, avec 25'000 kilomètres en voiture/an:
    «chèque fédéral» 0 franc; économie de l'impôt sur les huiles minérales 437,50 francs.

Ne pas subventionner les riches

La socialiste de Bâle-Campagne Samira Marti martèle que les chiffres de la Confédération sont clairs: les personnes à faible revenu ne profiteraient pas du tout ou seulement de manière minime d'une baisse de l'impôt sur les huiles minérales. «Ceux qui souffrent le plus de la flambée des prix de l'énergie et des denrées alimentaires et qui ne peuvent déjà plus se permettre la hausse attendue des prix des caisses maladie» seraient les grands perdants, tonne-t-elle.

Tandis que l'on donnerait près de 875 francs à ceux qui parcourent 50'000 kilomètres par an, ce qui, statistiquement, n'est le cas que des riches. «La proposition de l'UDC favoriserait en premier lieu les marges des groupes pétroliers et les riches qui conduisent le plus de voitures et les plus grosses», affirme la conseillère nationale.

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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