«Genève a tendance à donner des leçons au reste du monde»
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#Haters:«Genève a tendance à donner des leçons au reste du monde»

La nouvelle vie d'Yvan Perrin
«J'ai un gros problème avec le féminisme»

En charge de la stratégie de l'UDC Genève en vue des prochaines élections fédérales, Yvan Perrin est de retour (presque) sur le devant de la scène. L'ancien vice-président du parti national s'est livré à Blick sur les sujets chauds du moment et sur sa nouvelle vie.
Publié: 28.10.2021 à 04:34 heures
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Dernière mise à jour: 28.10.2021 à 10:26 heures
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Adrien SchnarrenbergerJournaliste Blick

Le grand public avait quitté Yvan Perrin sur un moment très fort: nous sommes en octobre 2019 et l'ancien vice-président de l'UDC Suisse échoue dans sa reconquête du Conseil national. Avant même la fin du dépouillement, il annonce sous les caméras des médias régionaux qu'il quitte la vice-présidence de l'UDC neuchâteloise et la politique active en général. Il souhaite redevenir un «militant de base».

Seize ans après avoir participé au grand succès de 2003, l'homme se dit «consterné» et avoue avoir complètement sous-estimé une vague verte qui l'a mis à la dérive.

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En juin, voilà que le Neuchâtelois revient sur les devants de la scène, ou presque. Yvan Perrin répond favorablement aux appels du pied de l'UDC Genève et devient stratège en vue des élections fédérales de 2023, nous avait-il confié en exclusivité. Le conseiller général de la Cote-aux-Fées (commune la moins vaccinée de Suisse), de passage dans nos locaux pour une vidéo, en a profité pour répondre à quelques questions sur l'actualité et les ambitions de son parti.

Yvan Perrin, c’est comment la politique à Genève?
Ça change! Genève ou le Valais, c’est pas la recette traditionnelle que l’on peut connaître à Fribourg, Vaud ou Neuchâtel. C’est une vision de la politique plus sportive et plus «punchy». Vous pensez débarquer avec une expérience et vous vous retrouvez à tout devoir apprendre.

Qu’avez-vous appris?
On sent que dans chaque parti il y a quelques ténors qui tirent les ficelles. Les prises de position sont très vives, alors que l’ambiance est plus feutrée à Neuchâtel. Pour moi, c’est déconcertant parce que l’on peut s’en prendre très violemment à quelqu’un et le lendemain le côtoyer comme si de rien n’était.

Quelle méthode est la meilleure, Genève ou Neuchâtel?
Personnellement, j’aime bien la clarté, mais je dois m’adapter. Cela étant, à Berne, j’avais un très bon rapport avec Ada Marra qui est sans doute mon parfait opposé politique. C’était très sportif à la tribune, mais lorsque l’on avait fini de s’étriper, on s’entendait bien. En réalité, c’est une personne très agréable tant qu’elle ne parle pas de politique. Et ce que peu de gens savent, c’est qu’elle chante magnifiquement bien. Elle a une voix incroyable, elle avait épaté toute une commission. Par contre, avec Carlo Sommaruga par exemple, on ne débat pas, on prend des leçons. Il faut être très fort pour en placer une...

En 2019, vous aviez marqué les esprits en déclarant les larmes aux yeux que la politique, c’était fini. Et pourtant, on vous retrouve stratège politique un an et demi plus tard…

Préparer le message ou le porter à l’écran, c’est autre chose. Je vivais dans le stress perpétuel de me planter à l’écran. J’étais soulagé de quitter la vice-présidence. Lorsque je maîtrisais les sujets, tout se passait bien, mais parfois on vous téléphone une demi-heure avant et on vous demande de venir prendre position en tant que vice-président alors que ce n’est pas notre sujet. C’était très difficile à vivre.

Vous êtes heureux désormais?
Oui. Je suis content d’être devenu un homme de l’ombre.

Les Genevois sont-ils aussi grandes gueules qu’on le prétend?
On sent la proximité de la France où l’on a l’irritation plus expressive, ils ont moins tendance à prendre des pincettes. Mais leur réputation de gueules élastiques (GE) n’est pas aussi méritée que ça.

Même si vous y vivez?
Je pendule. C’est une fonction où il est difficile de faire un horaire fixe, vous devez être dans la réaction un peu tout le temps. Cela vous oblige à être disponible, mais en échange vous avez un emploi du temps assez souple. Je me rends deux fois par semaine à Genève.

Vous avez déjà trouvé votre stamm?
Oh, on fait simple. Notre bureau est au No 4 d’une rue, et il y a des cafés au No 2 et au No 6. Mais en ce moment, on doit se contenter de la terrasse…

Vous n’êtes pas vacciné?
Non.

Pourquoi n’avoir pas encore franchi le pas?
C’est trivial: j’ai peur des seringues. A la seule vision d’une aiguille, je tourne de l'œil. A l’école de police, lorsqu’il y avait des prises de sang, j’arrachais l’accoudoir du fauteuil.

Reste que le sujet divise l’UDC: Guy Parmelin a été le premier à appeler à rendre les tests payants lors de notre interview du 1er août, par exemple.
Il fait preuve de collégialité, je ne sais pas si c’est représentatif de son avis personnel. Mais il faut relever qu'il est le président de la Confédération. Ce niveau de responsabilité vous confère une vue beaucoup plus large de la situation — ce qui échappe au quidam de la Cote-aux-Fées que je suis.

Vous êtes proche de Céline Amaudruz, qui s’engage pour plusieurs questions liées aux femmes. Est-ce que cela change votre vision?
Je n’ai jamais été hostile aux questions féminines! J’ai de la peine avec le féminisme, avec les théories qui veulent tout mettre sur le dos du mâle blanc hétérosexuel. Lorsque l’on lit les propos de Sandrine Rousseau ou d’Alice Coffin en France par exemple, cela fait peur. J’ai entendu récemment «Mon compagnon est un homme déconstruit». C’est quoi, un homme déconstruit?

Mais vous êtes pour l’égalité?
Oui, l’égalité des sexes devrait être une évidence. J’ai aussi toujours milité pour la ligne dure en matière de harcèlement sexuel. «Mon corps m’appartient», je suis totalement pour cette valeur, et il faut sanctionner toutes les personnes qui ne le respectent pas. La femme a le dernier mot, celui qui n’arrive pas à le comprendre n’a rien à faire ici. J’ai donc beaucoup de peine avec certaines féministes très à gauche, qui revendiquent beaucoup de choses mais s’opposent aux condamnations. Un exemple personnel m’avait marqué…

Lequel?
Cela doit remonter à 30 ans maintenant. Un violeur condamné avait eu droit à un congé pour un week-end et avait recommencé. Ça a servi à quoi, pourquoi nous avions bossé si fort pour l’identifier, le faire condamner, et qu’il recommence? Je n’ai toujours pas la réponse à ces questions. C’est à se taper la tête contre les murs.

Revenons à votre rôle à l’UDC Genève. Quels sont vos objectifs?
Nous avons déjà le regard tourné vers 2023, avec les cantonales et les fédérales. Le gros enjeu, ce sont les candidatures. Nous avons beaucoup de membres qui nous soutiennent, mais peu de monde veut franchir le pas et se porter candidat.

Comment les convaincre?
Il faut évoquer la question avec des candidats potentiels, les accompagner, leur proposer de prendre la parole lors d’une assemblée générale… C’est important de leur faire comprendre que l’on ne commence pas directement en Une de Blick ou au «19h30», mais néanmoins de les préparer.

Comment vous étiez-vous préparé?
Très mal, justement (rires). Je me rappelle bien de la date: le 11 janvier 2003, neuf minutes à «Mise au Point». Heureusement que mes pantalons étaient trop grands, sinon on aurait vu trembler mes genoux. A mon grand étonnement, j’avais reçu une avalanche de SMS positifs après l’émission. Je voulais être secrétaire, mais on m’a vite informé qu’il fallait que je sois candidat.

Vous avez vite accepté?
Oui, je me disais que mon nom servirait à étayer la liste. J’étais en train de manger une crème brûlée, ce jour d’octobre 2003, lorsqu’un journaliste de la radio romande m’a tendu la main et m’a dit «Bravo monsieur le conseiller national». Je n’y croyais pas moi-même.

Pourquoi une telle surprise?
Il faut se remettre dans le contexte: jusqu'en 2001, il n'y avait pas l'UDC à Neuchâtel. La section avait été créée deux ans avant les élections fédérales, et on nous avait ri au nez. En 2003, on obtient 22,5% à Neuchâtel. Personne ne savait d'où ces votes venaient, nous osions à peine viser 10%. Les électeurs ont plébiscité l'UDC, mais il fallait des gens pour incarner le parti et occuper les sièges. L'étiquette UDC est lourde à porter, parce qu'il n'y a pas de tradition agrarienne comme à Fribourg ou dans le canton de Vaud. C'est encore pire dans un canton urbain comme à Genève.

L'UDC était en perte de vitesse ces dernières années, mais les sondages lui prédisent un rebond en 2023...
Je l'espère! Notre objectif doit être de récupérer la perte des dernières élections fédérales. Même s'il y a encore quelques répliques du tremblement de terre vert de 2019, les thèmes sont cycliques. Les Verts ont tenu le haut du pavé ces dernières années, Greta Thunberg a pu faire le tour de la planète et c'était difficile pour l'UDC, mais aujourd'hui la fenêtre d'opportunité est meilleure. Nous avons gagné sur la burqa, sur la loi CO₂, l'arrêt des négociations sur l'accord-cadre était une revendication de longue date... Les planètes commencent à s'aligner en notre faveur.

Le climat reste pourtant en tête des préoccupations des Suisses.
C'est légitime! Nous sommes pour l'écologie, pas pour l'écologisme. Ce constat semble partagé par la population — on l'a vu avec la loi CO₂. Les gens veulent de l'écologie supportable, une transition applicable, pas vivre dans des cavernes pour respecter des objectifs arbitraires.

L'urgence climatique est néanmoins une réalité. Pouvons-nous nous permettre d'attendre?
Chacun doit faire sa part. Si je prends mon cas personnel, cela fait trois ans que je suis relié au chauffage à distance, que j'ai des panneaux solaires qui fonctionnent. Avec le froid et le soleil, ça carbure! Je ne peux pas alimenter tout le Val-de-Travers, mais au moins un ou deux ménages. Il y a aussi le renouvellement du parc automobile, les camions qui deviennent électriques et qui sont de plus en plus performants... La transition se fait, mais pas à coups de bâtons. Et lorsque je vois les Verts aller à Berlin pour soutenir des camarades ou aux Maldives en vacances, cela me fait doucement rigoler.

Cela ne fait pas pour autant de l'UDC une formation phare contre le réchauffement climatique. Sur quel autre thème voulez-vous vous positionner?
Les problématiques de violence juvénile, par exemple. Lisez la presse, on y évoque des «échauffourées». La réalité, c'est que ce sont des gars multirécidivistes qui non seulement zonent mais ils tuent. Que l'on nous dise pas qu'il faut plus d'assistants sociaux, de psychologues ou d'animateurs de rue... La réalité, c'est que ce sont simplement des gens avec qui il est difficile de composer, et prendre des mesures radicales. L'UDC est crédible sur ce thème.

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